Discussion
p. 744
Texte intégral
Le facteur social
H.-P. Uerpmann
1Quelques commentaires sur la contribution de M. Lewthwaite. Je dois dire que bien que je sois sceptique sur l’utilisation des modèles socio-économiques dans l’explication des échanges à cette époque, il me semble tout de même nécessaire d’avoir quelques idées nouvelles sur la distribution des moutons en Méditerranée occidentale. J’y reviendrai dans un moment. Il ne me semble pas que votre modèle soit tout à fait en accord avec les dernières données qui m’ont été fournies par D. Geddès. Il me signale qu’à la grotte Gazel un grand nombre de moutons a été abattu en bas âge. Cela est en désaccord avec votre idée d’« objets de prestige », car, dans ce cas, on devrait préférer des animaux adultes tendant à les conserver le plus longtemps possible. Je crois qu’on peut trouver des explications plus faciles pour la présence des moutons. Mais avant je voudrais dire un mot sur le mélange d’économies de chasse et de production. Aujourd’hui on tend à trouver cela normal. Mais techniquement il n’est pas normal d’avoir un mélange, à proportions égales, dans une vraie économie néolithique. Certes, vous trouverez toujours des animaux chassés, en partie grâce à l’instinct chasseur de l’homme, mais ils ne constituent guère que 10 % à 20 % du régime alimentaire. Si on trouve une proportion plus élevée d’animaux chassés, mélangés aux produits de l’élevage, il faut chercher une explication particulière et ceci à cause d’une chose bien importante : l’économie de chasse et l’économie d’élevage fonctionnent sur des bases tout à fait différentes en matière de dynamique de population. Une économie de chasse suppose une faible densité de population, à la fois des animaux chassés et des chasseurs. Une population d’éleveurs est fondée sur une forte densité de populations des éleveurs et des animaux. Mélanger ces deux types suppose des circonstances spéciales et cela peut dépendre des particularités locales, mais il faut toujours se poser la question sur le comment de l’élevage et sur sa rentabilité économique.
2En ce qui concerne le mouton dans le Néolithique ancien de la France méridionale, j’aimerais citer un exemple. J’ai un ami qui est professeur de Paléontologie à l’Université de Fairbanks. Il est de race blanche et il est blond. Mais si vous jetez un coup d’ceil sur ses rejets de cuisine, vous ne trouvez que des os de renne, de bison, de grand cervidé et vous ne trouverez aucun os d’animaux domestiques. Tout en étant professeur, et sa femme aussi, il vit comme un Eskimau ou un membre de la tribu qui habite la région. Ceci est en rapport avec les modèles de colonisation. A un moment donné, on peut rencontrer une faible densité de population même dans une économie évoluée ; de la même façon on peut évoquer une faible densité de population néolithique dans la phase ancienne du Néolithique méditerranéen. Cette faible densité de population aurait permis un mélange d’économie de chasse et d’élevage, ce qui expliquerait facilement la présence du mouton en faible nombre à cette époque.
J.-G. Lewthwaite
3Pourquoi le mouton est-il arrivé dans le Sud de la France ? C’est l’essentiel du problème et on ne l’explique jamais. Pour ce qui concerne les questions de densité de peuplement, soit des animaux, soit de la population humaine, il est possible qu’il y ait eu des crises saisonnières bien que le peuplement fût peu dense. Ces crises pouvaient être imputables au niveau des ressources qui devaient osciller durant l’année.
L. Chaix
4A propos de ce qu’a dit H.P. Uerpmann, on peut observer, en étudiant des ensembles de faunes, qu’on a très souvent une proportion plus ou moins égale de faune chassée et de faune domestique. Faut-il alors considérer qu’on a là des situations anormales sur de vastes régions géographiques ? Je n’en suis pas sûr car peut-être que cela reflète une variation saisonnière des activités comme l’a suggéré M. Lewthwaite.
H.-P. Uerpmann
5Je crois avoir une explication possible pour le mélange de 50 % d’élevage dans le néolithique suisse auquel L. Chaix a fait sûrement allusion. Je crois qu’on peut trouver une explication dans la protection des champs. Si vous avez une économie d’horticulture dans une région boisée, il est nécessaire de chasser le cerf pour avoir quelque chose à récolter. Et si vous avez beaucoup de viande chassée, vous n’aurez pas besoin d’abattre les produits d’élevage. Vous avez donc un motif qui attire les animaux sauvages et qui entraîne leur chasse pour protéger les champs.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les chemins de la décolonisation de l’empire colonial français, 1936-1956
Colloque organisé par l’IHTP les 4 et 5 octobre 1984
Charles-Robert Ageron (dir.)
1986
Premières communautés paysannes en Méditerranée occidentale
Actes du Colloque International du CNRS (Montpellier, 26-29 avril 1983)
Jean Guilaine, Jean Courtin, Jean-Louis Roudil et al. (dir.)
1987
La formation de l’Irak contemporain
Le rôle politique des ulémas chiites à la fin de la domination ottomane et au moment de la création de l’état irakien
Pierre-Jean Luizard
2002
La télévision des Trente Glorieuses
Culture et politique
Évelyne Cohen et Marie-Françoise Lévy (dir.)
2007
L’homme et sa diversité
Perspectives en enjeux de l’anthropologie biologique
Anne-Marie Guihard-Costa, Gilles Boetsch et Alain Froment (dir.)
2007