24. Exo-planètes et vie extraterrestre
p. 239-249
Texte intégral
Introduction
1Les premières idées sur la formation d’un système planétaire furent formulées par Emmanuel Kant et Pierre-Simon Laplace. Ce dernier jetait les premières bases du modèle de la nébuleuse primitive tel qu’il est reconnu aujourd’hui en écrivant dans « Exposition Du Système du Monde » (1797, chapitre VI « Considérations sur le Système du monde, et sur les progrès futurs de l’Astronomie ») : « Quoique les éléments du système des planètes, soient arbitraires ; cependant, ils ont entr’eux, des rapports très remarquables qui peuvent nous éclairer sur son origine. En le considérant avec attention, on est étonné de voir toutes les planètes se mouvoir autour du soleil, d’occident en orient, et presque dans le même plan ; les satellites en mouvement autour de leurs planètes, dans le même sens et à-peu-près dans le même plan que ces planètes ; enfin, le soleil, les planètes et les satellites dont on a observé les mouvements de rotation, tournant sur eux-mêmes, dans le sens à-peu-près dans le plan de leurs mouvements de projection.
2 Un phénomène aussi extraordinaire n’est point l’effet du hasard… on peut donc conjecturer qu’ils [les corps du Système solaire] ont été formés aux limites successives de cette atmosphère [celle du soleil à l’origine très étendue], par la condensation des zones qu’elle a dû abandonner dans le plan de son équateur, en se refroidissant et en se condensant à la surface de cet astre. »
3Dans la ligne directe de ces idées, nous savons maintenant que cette « atmosphère solaire » qui se condense progressivement est ce que nous appelons la nébuleuse primitive qui se forme avec et autour de chaque étoile naissante impliquant la présence très probable de nombreux systèmes planétaires autour d’un nombre important d’étoiles.
4Pourtant, à cause de la distance véritablement « astronomique » des étoiles, la recherche et l’étude des exo-planètes, objets astrophysiques semblables aux planètes de notre Système solaire, en orbite autour d’autres étoiles que le Soleil, représentent un domaine très jeune et extrêmement prometteur de l’astrophysique. La première exoplanète officiellement découverte autour de l’étoile 51 Pégase ne l’a été qu’en 1995, grâce au télescope de 193 cm de l’Observatoire de Haute-Provence par les suisses Michel Mayor et Didier Queloz, c’est-à-dire il y a à peine 15 ans ! Depuis les nombreuses découvertes faites à ce jour (près de 400 exoplanètes) en termes de planètes et de systèmes planétaires extrasolaires présentent une étonnante diversité. Leur nombre nous fait maintenant penser que les systèmes planétaires autour d’étoiles simples ou multiples sont plutôt la règle que l’exception. Il y en a probablement plusieurs dizaines de milliards rien que dans notre Galaxie.
5Cette situation ouvre bien entendu la porte à la question essentielle que nous nous posons depuis l’aube de l’humanité : la vie extraterrestre a-t-elle pu se développer ailleurs ?
La formation d’un système planétaire
6Les étapes essentielles de la formation d’un système planétaire sont illustrées sur la figure 1 dans laquelle différentes étapes sont présentées sous la forme de schémas successifs à côté desquels de petites images insérées montrent de véritables observations associées. Ces étapes sont :
- L’effondrement d’un immense nuage interstellaire fait de gaz et de poussières. Au cours de cet effondrement il se divise en des milliers de morceaux qui vont donner naissance simultanément à des centaines, voire des dizaines de milliers d’étoiles. Le gaz alors en s’effondrant sur lui-même, pour conserver son moment cinétique va prendre la forme d’une nébuleuse aplatie, un disque « protoplanétaire », au centre duquel une condensation extrême va donner naissance à une étoile. Au cours des premiers cent mille ans, ce disque reste enfoui à l’intérieur du nuage interstellaire dont il est issu. Les grains de poussière commencent à tomber dans son plan équatorial et certains grossissent au point d’atteindre les dimensions de petites planètes ;
- Au cours du premier million d’années, le disque protoplanétaire commence à émerger hors du nuage interstellaire qui s’évapore et peut ainsi directement être observé. L’étoile naissante apparaît en son centre et les petits corps, formés à partir de grains, continuent de grossir ;
- Au cours des 10 millions d’années suivants, certains de ces corps ont atteint quinze fois la masse de la Terre et sont alors assez massifs pour attirer une grande partie du gaz environnant leur faisant atteindre très rapidement la masse des planètes géantes telles que Jupiter. Les planètes géantes de tout système planétaire doivent se former au cours des premiers 10 millions d’années car ensuite les disques protoplanétaires se volatilisant, il n’y aurait plus assez de matière disponible pour former des planètes géantes ;
- Dans les cent millions d’années suivants, de nombreux embryons de petites planètes sont encore présents dans ce qu’on appelle ensuite un « disque de débris » et, par de multiples collisions au cours de leurs trajectoires chaotiques, ils vont petit à petit accumuler de la matière dans quelques-unes d’entre eux (les plus gros) ; ils deviendront ainsi après une longue période de transition les « petites planètes » du système un peu comme les planètes de notre Système solaire, semblables à la Terre, qui ont mis elles près de 700 millions d’années à s’achever au cours de cette époque d’intenses collisions ;
- Enfin le système ainsi achevé parcourt une longue vie de plusieurs milliards d’années qui va correspondre à la durée pendant laquelle l’étoile centrale continuera à briller normalement en consommant son combustible nucléaire, l’hydrogène ; les planètes de ces systèmes pourront ainsi graviter autour de leur étoile entre quelques centaines de millions d’années pour les étoiles plus massives, dix milliards d’années pour celles semblables à notre Soleil, jusqu’à des centaines de milliards d’années autour des plus petites étoiles, sauf si bien sûr un « accident » galactique intervient entre-temps.
Fig. 1 – Les différentes étapes de la formation d’un système planétaire sont schématisées telles que décrites dans le texte. À chaque étape une image en insert est montrée indiquant l’observation astrophysique qui correspond à cette étape. De haut en bas, les trois premières images faites grâce au Télescope Spatial Hubble (© Hubble Space Telescope, NASA) montrent 1) le nuage interstellaire dans la constellation de l’Aigle en train de s’évaporer alors qu’en son sein des systèmes planétaires ont commencé à se former, 2) un disque protoplanétaire qui émerge de la Nébuleuse d’Orion avec son étoile centrale qui commence à briller et 3) un disque de poussières et de gaz autour de l’étoile HR4796A dans lequel plusieurs planètes géantes ont dû se former. Ensuite 4) la période de formation des « Terres » se fait au sein d’un disque de débris dont le plus célèbre exemple est celui observé autour de l’étoile Beta Pictoris (© Institut d’Astrophysique de Paris, CNRS, UPMC) et enfin notre propre Système solaire vu par la sonde Voyager alors qu’elle est en train de le quitter (© Voyager, NASA). Cette figure est extraite du livre « Il pleut des planètes », Alfred Vidal-Madjar, Hachette Littératures, 1999
Les méthodes de détection
7Tout d’abord, qu’est ce qu’une exo-planète ?
8De nombreux débats ont eu lieu, et finalement l’Union Astronomique Internationale a mis en place un groupe de travail qui a donné la définition suivante sachant qu’elle peut être remise en cause à tout moment par l’amélioration de nos connaissances en la matière.
9Une exo-planète doit :
- Avoir une masse qui ne permet pas le déclenchement des réactions nucléaires qui brûleraient le deutérium (isotope lourd de l’hydrogène particulièrement « facile » à brûler et qui sera utilisé dans les futures centrales nucléaires à fusion) c’est-à-dire qu’une exo-planète doit avoir une masse inférieure à 13 fois la masse de Jupiter ;
- Être en orbite autour d’une étoile allumée ou d’un reste d’étoile ;
- Sa masse minimum doit correspondre à la même définition que celle utilisée dans le Système solaire ;
- Avec une masse supérieure à 13 fois la masse de Jupiter, l’« objet » observé ne sera pas une planète mais une sous-naine-brune ;
- Les « objets » flottants librement qui ne sont pas en orbite autour d’une étoile ne sont pas des exo-planètes mais des sous-naine-brunes.
Fig. 2 – Le diagramme à gauche montre les variations de vitesses radiales observées au cours du temps repliées pendant la durée d’une orbite de 3,5 jours (Observations à l’Observatoire Keck, Hawaii, USA, © Geoffrey Marcy). À cause de la présence de transits l’inclinaison de l’orbite est connue et donne donc la masse de l’objet de 0,69 fois la masse de Jupiter. Le diagramme à droite montre les observations pendant un transit révélant la baisse de luminosité de l’étoile de 1,6 % environ (Observations faites avec le télescope spatial Hubble, NASA, © Timothy Brown et David Charbonneau). Cela donne la taille de l’objet qui doit avoir un rayon environ 1,35 fois celui de Jupiter. Sa densité est donc de 0,35, inférieure à celle de l’eau. Ce corps obscur en orbite autour de l’étoile est donc bien une exo-planète de type géante gazeuse
10Pour comprendre la difficulté de détection des planètes extrasolaires, il faut percevoir l’incroyable distance qui nous sépare des étoiles. Si le Soleil est ramené à la taille d’une orange, la Terre serait une tête d’épingle gravitant à environ 5 m de l’orange, Jupiter un petit pois à près de 25 m et Neptune comme les confins du Système solaire seraient atteints vers 150 m. À cette échelle l’étoile la plus proche du Soleil, Proxima du Centaure, une autre « orange » en orbite dans son système triple de trois « oranges » se trouverait à 1 300 km de là ! Et ce sont des « têtes d’épingles » ou « petits pois » autour « d’oranges » encore plus lointaines qu’il nous faudrait détecter ! Les tentatives sérieuses de recherche d’exo-planètes ont débuté au milieu du XXe siècle mais n’ont finalement réussi qu’au cours de ces quinze dernières années.
La recherche par la méthode des vitesses radiales
11C’est par cette méthode que la première exo-planète en orbite autour d’une étoile « normale » a été officiellement découverte par Michel Mayor et Didier Queloz en 1995. L’idée consiste à mesurer très précisément la vitesse radiale des étoiles qui, si elle est perturbée par une planète en orbite autour d’elle, va se balancer d’avant en arrière. La détection de ce balancement régulier sera la signature indirecte de la présence d’un corps obscur mais massif (éventuellement une exo-planète) en orbite autour de l’étoile dont on pourra connaître la période et la valeur inférieure de sa masse grâce aux propriétés bien connues de la mécanique céleste. Cette méthode est de loin la plus efficace car elle a permis la découverte de près de 300 exo-planètes à elle toute seule. Des « Jupiters » furent découverts en premier mais maintenant, grâce aux remarquables progrès effectués en particulier avec le nouvel instrument HARPS en opération à l’ESO, la plus légère planète a été détectée en 2009 par cette méthode, ce qui est le record en la matière à ce jour. Elle a une masse de 1,9 fois celle de la Terre. La première « exo-Terre » n’est plus bien loin !
12Il a fallu cependant attendre quelques années pour être certain que les objets ainsi détectés étaient véritablement des exo-planètes. Ceci s’est produit grâce à la découverte de la planète HD209458b. Nous sommes en effet, par hasard, presque exactement dans le plan de son orbite ce qui à permis à David Charbonneau et ses collaborateurs de découvrir en 1999 qu’à chaque révolution, c’est-à-dire environ tous les 3,5 jours, cette exo-planète passe devant son étoile produisant une minuscule éclipse appelée transit. Dans ce cas particulier, la méthode des vitesses radiales donne exactement la masse de la planète et la profondeur de l’éclipse, sa taille. Le résultat présenté sur la Figure 2 montre que ce corps de 0,69 fois la masse et 1,35 fois le rayon de Jupiter a une densité de 0,35. Il est donc moins dense que l’eau ! La preuve était donc enfin faite que les objets ainsi découverts de façon indirecte en orbite autour d’étoiles étaient bien des exo-planètes, semblables aux géantes gazeuses présentes dans notre Système solaire. De plus, de telles planètes tournant très vite (en quelques jours) sont forcément très proches de leur étoile et, surchauffées, ont été surnommées des « Jupiters chauds ». La première planète découverte, 51 Pégase, appartient à cette catégorie.
Fig. 3 – Ces deux schémas illustrent « l’évènement » photométrique observé le 10 novembre 1981. Après une lente montée en luminosité, l’étoile β Pictoris a présenté ce jour-là une brusque chute de luminosité, en quelques heures, compatible avec le transit d’une planète de grande taille, de plus de 2 rayons de Jupiter, identifiée par Alain Lecavelier des Étangs et ses collaborateurs dès 1994 (Figure extraite du livre « Il pleut des planètes », Alfred Vidal-Madjar, Hachette Littératures, 1999)
La recherche par la méthode des transits
13Cette méthode que nous venons de décrire est remarquablement simple et consiste à détecter d’éventuelles minuscules éclipses des étoiles observées causées par le passage d’une planète juste devant elles. Ce sont malheureusement des évènements très rares qui nécessitent la surveillance du flux de dizaine de milliers d’étoiles pour avoir la « chance » d’être exactement dans le plan des orbites planétaires. Pour être plus précis, nous aurions 0,5 % de chance de voir de très loin une éclipse ou transit de la Terre ! Pour des planètes plus proches de leur étoile les chances augmentent bien sûr et atteignent 10 % pour les Jupiters chauds.
14C’est cependant cette méthode qui a peut-être permis de faire la première détection d’une exo-planète. Un « évènement », de type transit, a été observé vers l’étoile β Pictoris en 1981 par Alain Lecavelier et ses collaborateurs (rapporté en 1994 car retrouvé dans d’anciennes données d’archives) et présenté sur la Figure 3. Il pourrait correspondre à une planète géante d’environ deux fois la taille de Jupiter en orbite entre 5 et 10 UA de l’étoile (l’« UA » est l’Unité Astronomique, c’est-à-dire la distance de la Terre au Soleil). Cependant, pour que la preuve d’une telle découverte soit faite, elle nécessite l’observation d’au moins un deuxième transit qui n’a pas été revu depuis malgré de nombreuses campagnes d’observation poursuivies pendant près de 15 ans ! Cela laisse l’éventuel « objet » ainsi découvert dans la liste des candidats potentiels non encore confirmés.
15La recherche de transits a, depuis, énormément évolué et a permis la découverte d’une cinquantaine d’exo-planètes, grâce à des observatoires au sol aussi bien que spatiaux dont en particulier COROT qui, sous la maîtrise d’œuvre du CNES et lancé en 2006, a permis la découverte de près d’une dizaine d’exoplanètes sans parler de nombreuses autres à extraire ultérieurement de l’importante base de données. Les plus petites à découvrir grâce à COROT devraient avoir deux fois la taille de la Terre. En 2009 Kepler, son successeur de la NASA, devrait permettre la découverte de planètes de la taille de la Terre. Encore une fois les exo-Terres seront bientôt découvertes !
Fig. 4 – Vue d’artiste de la planète HD209458b. Le nuage d’hydrogène, en bleu, a été observé lors du passage devant l’étoile (orange) comme étant trois fois plus étendu que la planète elle-même (la petite boule brune qui ressemble à Jupiter et se déplace de bas en haut). Cette planète s’évapore au rythme de 40 000 tonnes par seconde. C’est pour cette raison qu’elle a été surnommée « Osiris » en souvenir du dieu égyptien qui avait lui aussi perdu une partie de sa masse. (European Space Agency and Alfred Vidal-Madjar, Institut d’Astrophysique de Paris, UMR7095 CNRS, Université Pierre & Marie Curie, France)
16Cette méthode présente un avantage supplémentaire : les planètes ainsi trouvées peuvent être étudiées en grand détail, bien au-delà de la simple connaissance de leur orbite, de leur masse et de leur taille. En particulier, grâce à l’étude spectroscopique de la lumière réfléchie et/ou transmise par ces planètes, soit au moment des transits en observant le spectre de l’étoile perturbé par la présence de la planète, soit au moment de l’anti-transit quand la planète passe derrière son étoile, l’analyse de leur atmosphère même devient possible.
Spectroscopie des spectres stellaires pendant les transits
17Par cette observation on peut avoir accès à différentes signatures qui peuvent révéler la présence d’une atmosphère autour de la planète, sa composition, sa structure et même la présence de vents. À titre d’exemple, l’atmosphère terrestre observée en dessous de 3000Å se révélerait par l’absorption supplémentaire de l’ozone qui ferait apparaître la Terre plus grande d’environ 70 km. Ainsi de telles signatures spectroscopiques ne peuvent être que très faibles, dans une gamme de 10-4 à 10-8 d’absorption supplémentaire. David Charbonneau et ses collaborateurs en 2002 ont observé lors des transits de la planète HD209458b, en plus de la baisse de luminosité de 1,6 % due au disque de la planète elle-même et uniquement à la longueur d’onde de l’atome de sodium, une minuscule absorption supplémentaire de 0,0232 ± 0,0057 %. Ils venaient de faire la première détection d’une atmosphère d’exo-planète ! Contre toute attente, une signature en absorption beaucoup plus importante de près de 15 % due à la haute atmosphère de cette même planète a été observée grâce à la présence de l’élément le plus abondant et le plus léger, l’hydrogène atomique. Ainsi Alfred Vidal-Madjar et ses collaborateurs, en 2003, ont pu montrer que la planète HD209458b était entourée d’un nuage d’hydrogène extrêmement étendu (comme illustré sur la Figure 4, un nuage ayant trois fois la taille de la planète !) et devait donc être en train de s’évaporer. En 2004, ils ont même observé que les atomes d’oxygène et de carbone s’échappaient aussi de la planète, ce qui a permis de démontrer que ce « Jupiter chaud », en orbite très proche de son étoile, s’évapore de façon très efficace perdant près de 40 000 tonnes par seconde ! HD209458b ne devrait cependant perdre au cours de sa vie que quelques pourcents de sa masse. Cette observation révèle néanmoins que des planètes un peu moins massives et/ou plus proches de leur étoile pourraient s’évaporer complètement, une éventuelle explication au manque de planètes observées très près des étoiles.
Spectroscopie directe des émissions planétaires
18Dès les premières découvertes d’exo-planètes, il a été montré que les « Jupiters chauds » pouvaient dépasser des températures de 1000K et que dans le cas de HD209458b elle devait même être de l’ordre de 1250K. Ceci a été directement confirmé depuis grâce à l’observation de l’émission de deux de ces planètes lors de leur passage dans la position opposée au transit, c’est-à-dire quand la planète passe derrière son étoile. Leurs émissions propres sont en effet alors identifiées par leur brusque disparition du f lux total observé, somme des flux en provenance de l’étoile et des planètes cumulés. Pour la première fois Drake Deming, David Charbonneau et leurs collaborateurs, en 2005, ont pu observer de telles émissions infrarouges et montré que les températures effectives respectivement des deux planètes HD209458b et TrES-1 sont bien supérieures à 1000K.
19En 2005 une deuxième planète qui transite devant une étoile relativement brillante, HD189733, a été découverte par François Bouchy et ses collaborateurs. En profitant des courts instants pendant lesquels la planète disparaît derrière l’étoile, c’est-à-dire quand elle cache progressivement différentes régions de sa face surchauffée, Heather Knutson et ses collaborateurs ont même pu reconstruire, en 2007, une carte de la distribution de la température à la surface de cette planète. Cette carte montre un décalage entre le point le plus chaud et celui juste en face de l’étoile, un effet probablement dû à la présence d’une vigoureuse circulation et de vents violents présents dans l’atmosphère de cette planète.
20La poursuite d’observations pendant des transits donna aussi accès à la composition des atmosphères grâce aux signatures spectrales moléculaires, très nombreuses dans le domaine infrarouge. En particulier quelques molécules telles que CO, peut-être H2O et NH3 commencent à être identifiées.
La recherche par la méthode du chronométrage
21La méthode par chronométrage consiste à utiliser une horloge très précise dans le système étudié et de voir si des décalages anormaux apparaissent au cours du temps. Ainsi non seulement des planètes seraient détectables, mais même d’éventuels satellites. Les horloges très régulières disponibles sont bien sûr les pulsars, mais aussi les binaires à éclipses ou bien même les systèmes présentant déjà une planète connue détectée par la présence de transits.
Pulsars
22C’est autour du pulsar milliseconde PSR B1257 + 12 que la première détection d’objets ayant la masse de planètes a été réussie par Alexander Wolszczan et Dale Frail en 1992. Ces objets sont cependant probablement très différents de ce que nous appelons des planètes car en orbite autour du reste d’une étoile (pulsar) qui a dû exploser sous la forme d’une supernova et, compte tenu de leur mécanisme de formation, probablement très exotiques et très différents de ce qui est décrit sur la Figure 1. Ils sont catalogués en termes de « planète-pulsars » (les trois premières exo-planètes ainsi identifiées sont particulièrement petites car elles ont pour masse respectivement, 0.019, 4.250 et 3.873 masse terrestre). D’autres planète-pulsars ont été observées autour des pulsars PSR B0329 + 54 et PSR B1620-26 mais leur nombre reste cependant très limité. Avec le temps, la poursuite du chronométrage précis de l’arrivée des pulses permet soit de découvrir la présence d’autres planètes dans le système étudié soit de montrer que l’évolution de l’arrivée des pulses est non seulement compatible avec la présence des planètes précédemment détectées mais qu’elle est même compatible avec la présence de ces planètes en interaction gravitationnelle entre elles. Ces résultats, quoique dans un contexte légèrement différent de celui de la recherche de planètes extrasolaires au sens strict, démontrent au moins les capacités remarquables de la méthode de chronométrage qui a permis la détection d’un corps aussi petit que la Lune, de l’effet d’interaction gravitationnelle mutuelle de planètes dans un même système et, via l’étude de la stabilité du système, de l’éventuelle présence de ceintures d’astéroïdes.
Binaires à éclipse
23Comme les pulsars, les étoiles binaires à éclipses donnent accès à une horloge extrêmement précise qu’il « suffit » de suivre pour voir si l’écart entre les éclipses n’est pas perturbé par la présence d’objets massifs non encore identifiés mais présents dans le système. Cette approche, avec une précision de quelques secondes sur les instants des éclipses, pourrait permettre la détection de planètes de la masse de quelques Jupiters.
Systèmes avec une planète en transit
24De même que dans le cas des binaires à éclipses, le chronométrage précis des transits permet la mise en évidence d’une autre planète dans le système avec à peu près le même degré de précision. Avec une précision de 5 secondes sur l’instant des transits, la détection d’une planète perturbatrice de 1 MJup à 10 UA dans le système deviendrait possible. Cette approche permettrait de plus de détecter la présence de satellites en orbite autour de la planète en transit. Appliqué au cas de HD209458b, il a été démontré que cette planète ne pouvait avoir de satellites de masse supérieure à 3 MTerre sans que cela ne soit révélé par un décalage de l’instant des transits qui aurait alors été supérieur aux 80 secondes de précision atteinte. La plus grande sensibilité de cette méthode dans le cas de satellites vient du fait que leur interaction gravitationnelle avec la planète est beaucoup plus importante, leur position sur l’orbite autour de la planète permettant même un décalage de l’instant du transit beaucoup plus efficace pour une relativement petite masse.
La recherche par effet de microlentille gravitationnelle
25Cette méthode consiste à exploiter de très rares alignements qui peuvent se produire entre une étoile lointaine, une autre plus proche et l’observateur. De tels évènements sont si rares qu’ils nécessitent la surveillance de dizaines de millions d’étoiles pour avoir la chance d’en détecter quelques-unes. Dans le cas d’un tel alignement presque parfait, la masse de l’étoile la plus proche va dévier la lumière en provenance de l’étoile lointaine et produire un effet de lentille gravitationnelle que l’observateur percevra sous la forme d’une amplification lumineuse. Cette amplification peut cependant prendre des valeurs considérables suivant la perfection de l’alignement. À titre d’exemple, des amplifications de près d’un facteur cent ont déjà été observées ! Étant donné que dans une telle géométrie les trois points se déplacent dans l’espace, l’alignement évolue au cours du temps et passe par un optimum à un instant donné. L’observateur va donc finalement détecter une amplification qui augmente au cours du temps, passe par un maximum puis décroît symétriquement ensuite, pour produire une sorte de courbe en cloche dont la forme est bien connue.
26Ce qui est intéressant dans ce phénomène c’est que parfois la courbe observée ne correspond pas parfaitement à la courbe théorique correspondant à des objets ponctuels en simple translation uniforme les uns par rapport aux autres. De tels écarts vont mettre en évidence les caractéristiques des étoiles et même l’éventuelle présence d’une planète en orbite autour de l’étoile la plus proche qui, jouant elle-même le rôle d’une minuscule lentille gravitationnelle, déformera la plus importante lentille gravitationnelle produite par l’étoile autour de laquelle elle orbite.
27La première détection d’une planète extrasolaire par cette méthode a été faite par Ian Bond et ses collaborateurs en 2004. Les systèmes étoile/planète ainsi découverts sont beaucoup plus lointains, souvent à plus de 20 000 années-lumière de notre Système solaire. Seules quelques planètes ont été ainsi découvertes par cette méthode qui a cependant l’avantage de sonder des régions très différentes de la Galaxie.
La recherche par imagerie directe
28Une grande première a été réalisée au cours de l’année 2003 : la détection de l’émission thermique d’un objet d’environ 5 MJup en orbite autour d’une naine brune de 25 MJup par Gael Chauvin et ses collaborateurs en 2004. La détection directe de planètes extrasolaires est finalement devenue accessible à nos grands instruments au sol équipés d’optique adaptative.
29Cet objet de 5 MJup est-il bien une planète ? La définition au sens strict d’une planète le rejette cependant et le qualifierait plutôt de sous-naine-brune. Ces deux objets de masses relativement semblables pourraient en effet s’être formés de la même façon par effondrement gravitationnel au sein du nuage primitif, le plus petit des deux, de masse comparable à une planète, ne s’étant donc pas formé dans un disque protoplanétaire autour de la naine brune, serait potentiellement de nature différente. Il est cependant important de souligner qu’il est aussi possible que des planètes reconnues officiellement comme telles, découvertes autour d’étoiles, se soient formées par effondrement gravitationnel suivant le scénario d’Alan Boss, proposé en 2000. Le débat pour savoir comment chaque planète s’est véritablement formée ne sera probablement pas clos de sitôt.
30Fin 2008, plusieurs images directes et indiscutables de « vraies » exo-planètes ont finalement été obtenues. Inutile de dire que cette voie ouvre de fascinantes possibilités malgré sa difficulté car elle donne accès à toutes les détections et études directes de système d’exo-planètes, en particulier ceux qui sont les plus proches de notre Système solaire.
31Cet extraordinaire exploit a été réussi quasi simultanément par :
- Paul Kalas et ses collaborateurs qui, à l’aide du Télescope Spatial Hubble ; ont détecté une planète en orbite très lointaine (à plus de 100 UA de l’étoile soit trois fois plus loin que la plus lointaine de nos planètes, Neptune) autour de l’étoile Fomalhaut au sein même de son disque de débris ;
- Christian Marois et ses collaborateurs ont eux observé trois planètes toujours sur des orbites très lointaines (car plus elles sont loin de leur étoile et plus la détection en imagerie est facile, celles-ci sont à respectivement 25, 40 et 70 UA de l’étoile), depuis l’observatoire Gemini Nord, autour de l’étoile HR8799 ;
- Anne-Marie Lagrange et ses collaborateurs ont découvert une planète géante autour de l’étoile β Pictoris ! Cette planète est beaucoup plus proche de son étoile (à une distance de son étoile comprise entre celle de Jupiter et de Saturne au soleil) ; l’observation a été faite grâce au Very Large Telescope de l’ESO ; l’image de cette découverte au sein du disque de débris de β Pictoris est présentée sur la Figure 5.
Fig. 5 – Cette image reconstruite montre simultanément le disque de débris autour de l’étoile β Pictoris, vu par la tranche, qui s’étire vers le Nord-Est et le Sud-Ouest alors que l’étoile centrale est cachée derrière un masque central pour atténuer son éclat (Instrument NACO en optique adaptative au télescope VLT de l’ESO). Dans la partie centrale où moins de débris sont présents, une source de lumière ponctuelle est clairement détectée dans la direction Nord-Est. C’est la planète β Pictoris b, découverte par Anne-Marie Lagrange et ses collaborateurs, en orbite dans le plan du disque de débris à environ 8 UA de son étoile (©, ESO/Anne-Marie Lagrange, David Ehrenreich et leurs collaborateurs)
32Cette planète observée en imagerie autour de l’étoile β Pictoris, à environ 8 UA de son étoile, pourrait bien être la même que celle déjà observée en transit telle que présentée sur la Figure 3 qui pourrait se trouver entre 5 et 10 UA de l’étoile. Ce point a été analysé par Alain Lecavelier des Étangs et Alfred Vidal-Madjar en 2009 : ils ont montré que l’instant du transit, le 10 novembre 1981, et celui de l’observation en imagerie, en novembre 2003, sont compatibles avec un seul et même objet sur une orbite de 18 ans de période. Si cette situation est confirmée, elle permettrait de dire qu’un deuxième transit a dû être « raté » en 1999 et que le suivant devrait avoir lieu vers 2017. Si tel est le cas, ce futur transit se produisant devant une étoile extrêmement brillante deviendrait un évènement astrophysique d’une importance considérable car il permettrait d’observer en détail une exo-planète très semblable à Jupiter ou Saturne avec sans doute son système complet d’anneaux et de satellites. Si l’un de ses satellites a, de plus, la masse de la Terre, on observerait à cette époque la première exo-Terre en détail !
La recherche par la méthode des mouvements propres
33L’astrométrie vient enfin de donner un premier résultat alors que c’est celle qui avait été initialement utilisée. Une planète, par son mouvement, lui imprime un mouvement de balancement qu’il serait possible de détecter grâce à des observations précises de sa position sur le ciel par rapport aux étoiles « fixes » beaucoup plus lointaines. Peter Van de Kamp a tenté pendant de nombreuses années cette approche et a même annoncé au cours des années 60 que l’étoile de Barnard avait un compagnon planétaire. Cette découverte n’est malheureusement pas confirmée aujourd’hui et malgré une première détection il va falloir sans doute attendre le lancement de l’observatoire spatial GAIA de l’ASE en 2012 pour que cette méthode donne enfin ses fruits.
La recherche par la détection de leurs émissions magnétosphériques
34L’étude des émissions magnétosphériques des planètes extrasolaires peut être envisagée car dans le domaine radio ces émissions dans le Système solaire sont très intenses – elles sont essentiellement d’origine non-thermique – et peuvent même surpasser celles du Soleil lui-même. Philippe Zarka a déjà fait plusieurs tentatives mais aucune détection pour le moment n’a été obtenue. Cette approche très originale pourrait cependant permettre un jour la détection de nouveaux systèmes planétaires ou d’étudier de façon différente ceux déjà découverts.
35L’avenir à moyen terme de cette approche observationnelle est évidemment lié au projet LOFAR, qui apportera un gain de sensibilité de 1 à 2 ordres de grandeur. À cette sensibilité, la détection de Jupiters chauds pourrait être envisagée à plusieurs dizaines voire centaines de parsecs, mettant par exemple Tau Boo ou Rho CrB à portée d’observation. Les détections radio apporteraient alors des informations très intéressantes sur les champs magnétiques, l’activité magnétosphérique, voire la période de rotation de ces planètes extrasolaires.
Résultats et bilans
36Il est possible d’avoir accès à la liste complète des exo-planètes découvertes grâce au site internet mis régulièrement à jour par Jean Schneider sous la forme d’une Encyclopédie des Planètes Extrasolaires (http://exoplanet.eu/). On peut y trouver la liste de toutes les planètes découvertes qui sont au nombre de 373 le 13 août 2009.
37Pour faire brièvement le tour des résultats dans ce domaine de recherche, il est clair que le premier d’entre eux est la manifestation d’une incroyable diversité. Nous nous attendions à découvrir ce que nous connaissions dans notre Système solaire alors que nous avons trouvé :
- des planètes très massives ayant plus de 10 fois la masse de Jupiter ;
- des planètes totalement inconnues dans notre Système solaire, de masse intermédiaires entre celles des géantes et celles des planètes telluriques, et dont la nature reste à découvrir, comme par exemple les planètes « océan » proposées par Alain Léger et ses collaborateurs ou même des planètes « carbone » suggérées par Marc Kuchner et Sarah Seager ;
- des périodes orbitales très diverses, jusqu’à de très courtes de l’ordre d’un jour ;
- des orbites souvent loin d’être circulaires, certaines étant parfois même d’une élongation extrême ;
- que les étoiles les plus riches en métaux ont plus de chance d’être accompagnées de planètes ;
- que les plus petites étoiles semblent avoir de plus petites planètes ;
- enfin qu’environ 30 % des étoiles devraient avoir un compagnon planétaire.
38Tous ces résultats posent bien sûr de nombreuses nouvelles questions auxquelles nous commençons à répondre. L’une des premières étant liée à l’existence même des Jupiters chauds, des planètes géantes tout près de leur étoile, à un endroit où il est impossible de les former : ces géantes se forment au loin dans le disque protoplanétaire puis, par interaction gravitationnelle avec les disques, elles migrent vers l’intérieur au point même de parfois finir dans l’étoile centrale. Les orbites très excentriques doivent être sans doute causées par des situations beaucoup plus chaotiques que dans notre propre Système solaire, etc.
39Enfin la proportion d’étoiles avec des planètes ne cesse d’augmenter au fur et à mesure que nous détectons des planètes de plus en plus petites, car indiscutablement, les plus petites sont les plus nombreuses. Ce résultat, obtenu essentiellement dans le voisinage proche du Soleil, s’il est étendu à une grande part de notre Galaxie signifie que plusieurs dizaines de milliards de systèmes planétaires doivent exister en ce moment dans la Galaxie ! Devant ce nombre « astronomique » on est obligé de se poser la question de la présence de vie ailleurs dans l’Univers.
La vie extraterrestre ?
40La vie ailleurs est discutée en détail dans le chapitre 25. Là sont surtout analysées les conditions favorables à l’apparition de la vie sous sa forme la plus primitive, c’est-à-dire le passage de la chimie à la biologie ou encore la transition de formes moléculaires à monocellulaires. L’eau liquide est évidemment un facteur très favorable, et devant l’extraordinaire multitude de systèmes planétaires présents dans notre Galaxie, on peut à juste titre penser que la vie a pu apparaître ailleurs en de nombreux endroits.
41Ici nous allons nous poser la question suivante : si la vie est bien apparue ailleurs va-t-elle évoluer vers des formes plus complexes voire des civilisations comme cela s’est produit sur Terre ?
42Pour appréhender cette question, il faut percevoir l’importance du temps. Il joue en effet un rôle central. Pour cela transposons l’âge de l’Univers de 13,7 milliards d’années en une simple année de ce que nous allons appeler le Calendrier Cosmique. Brièvement dans ce Calendrier Cosmique, le Système solaire apparaît le 13 septembre, la vie sur Terre est déjà là fin septembre alors que les formes de vies pluricellulaires n’apparaissent qu’à la mi-décembre. L’homo sapiens sapiens n’est présent que le 31 décembre quelques minutes avant minuit !
43Comme dans le dernier chapitre du livre Où allons-nous vivre demain (A. Vidal-Madjar, 2009), essayons d’imaginer l’avenir de l’humanité, non pas dans 10 ans ni même dans 100 ou 1 000 ans mais véritablement dans 20 000 ans. Cela ne représente qu’une minute après minuit sur le Calendrier Cosmique ! Et pourtant dans cet « infime » laps de temps il est certain que l’humanité se sera déjà installée sur toutes les planètes du Système solaire et aura sans doute commencé quelques premières tentatives pour atteindre les étoiles. Si même un million d’années était nécessaire pour les atteindre, c’est-à-dire même pas une heure après minuit sur le Calendrier Cosmique, il est facile de démontrer qu’alors quelques dizaines de millions d’années supplémentaires devraient suffire à l’humanité pour explorer toutes les planètes de notre Galaxie, c’est-à-dire avant le 2 janvier de l’Année Nouvelle Cosmique !
44Si donc une seule civilisation avait traversé une seule fois ce que nous avons vécu sur Terre, avec une seule journée Cosmique d’avance (par exemple en étant apparue sur un système planétaire le 12 septembre Cosmique), cette civilisation serait déjà partout dans la Galaxie et en particulier ici même, sur Terre. Comme ce n’est pas flagrant, Enrico Fermi dès les années 1950 s’était senti obligé de s’écrier : « Mais où sont-ils ? ». Cette célèbre interrogation est depuis largement débattue sous le nom du Paradoxe de Fermi.
45Cet argumentaire est vrai si chaque étape implicite de ce raisonnement s’avère être correcte. Les suppositions faites sont les suivantes :
- Il y a de nombreuses exo-planètes présentes dans la Galaxie ;
- Sur ces planètes une vie primitive apparaît spontanément dans certains cas favorables ;
- Cette vie évolue alors vers une vie plus complexe donnant naissance à une « civilisation » ;
- Cette civilisation devient capable un jour d’accomplir des voyages interstellaires.
46Si ces quatre étapes sont vraies, alors le Paradoxe de Fermi prend toute sa signification. Si par contre, une seule de ces étapes ne se produit pas, le Paradoxe de Fermi n’a plus rien de paradoxal !
47La discussion du paradoxe peut être menée de la façon suivante :
- si n’importe laquelle des conditions 1), 2) ou 3) se révèle incorrecte, alors en tant que civilisation nous sommes la seule dans notre Galaxie !
- si par contre ces trois points sont vérifiés, pour savoir si nous sommes seuls dans la Galaxie, il ne nous reste en fait qu’à discuter le point 4).
48Analysons donc ce quatrième point : une fois présente sur une planète, une civilisation devient-elle oui ou non capable de franchir les espaces interstellaires ?
49Nous pouvons trier nos réponses en deux familles statistiquement très différentes :
- 4a) Peu de civilisations émergent, quelques dizaines par exemple. Nous serions donc très peu nombreux et cette hypothèse ressemblerait alors fortement à celle qui prétendrait que nous sommes seuls dans l’Univers car faire la différence entre 1 et quelques dizaines est bien sûr impossible dans le contexte hautement spéculatif et très difficile de cette discussion. Cette première hypothèse revient donc à dire que nous sommes « quasiment seuls » dans l’Univers.
- 4b) Une très grande quantité de civilisations nouvelles naissent continuellement dans la Galaxie, civilisations qui se compteraient alors par milliers, voire millions, pour ne pas dire milliards !
50Comme on le découvre encore une fois, si nous nous posons véritablement la question de savoir si nous sommes seuls dans l’Univers en tant que civilisation, nous n’avons plus qu’à discuter la dernière hypothèse 4b). Dans tous les autres cas la réponse serait très claire :
51Nous sommes seuls dans L’Univers !
52Seule issue donc, que l’hypothèse 4b) soit correcte. Il y aurait alors de très nombreuses civilisations extraterrestres actuellement présentes dans la Galaxie.
53Dans ce dernier cas, elles sont bien là partout autour de nous, mais quelque chose doit forcément les empêcher systématiquement TOUTES de voyager dans les espaces interstellaires, sinon elles seraient bien entendu déjà là. Nous voyons là l’intérêt d’avoir séparé la discussion entre les cas 4a) et 4b) car maintenant il nous faut trouver une explication « universelle » qui soit capable d’empêcher TOUTES les civilisations qui sont dans ce cas millions, de voyager jusqu’à nous.
54Quels sont les mécanismes éventuellement possibles ?
55Beaucoup ont été proposés. La première raison la plus évidente est :
56les voyages interstellaires sont tout simplement impossibles.
57Cette raison serait certes majeure et a été très largement débattue par de nombreux auteurs. Il semblerait toutefois que les voyages interstellaires soient un exercice difficile certes mais pas insurmontable au moins pour des sondes automatiques. Il faut chercher ailleurs.
58D’autres raisons souvent invoquées pour expliquer pourquoi les « autres » ne sont pas déjà là sont :
- les civilisations s’autodétruisent ;
- elles ne voyagent pas par manque d’intérêt ;
- par souci d’économie ;
- parce que nous sommes comme dans un zoo ;
- etc.
59Toutes ces raisons de type socio-psychologiques butent sur la même difficulté dans le cadre de l’hypothèse 4b) qui suppose que le nombre de civilisations est considérable. En effet s’il est toujours possible de dire que telle ou telle civilisation s’est autodétruite, ou bien n’avait tout simplement pas envie de faire ces sauts interstellaires, ou bien toute autre raison de ce type, il n’est pas possible de penser que TOUTES, parmi des myriades d’entre elles, tombent dans ces différents travers SYSTÉMATIQUEMENT. En effet, il suffit qu’une seule et unique d’entre elles évite tous ces obstacles pour qu’elle soit déjà là ! Or comme elle n’est apparemment pas là, l’hypothèse 4b) est fausse.
60Conclusion, il ne peut pas y avoir un très grand nombre de civilisations actuellement dans la Galaxie, ce nombre est forcément très restreint et il est même tout à fait possible qu’il soit égal à 1 !
61Comme vous le constatez, finalement quelle que soit l’hypothèse choisie nous aboutissons à la même conclusion :
62Nous sommes seuls !
63Pour les inconditionnels de l’existence d’« autres » ailleurs, il reste un petit espoir, c’est le cas 4a), c’est-à-dire que nous ne sommes pas absolument seuls mais relativement peu nombreux. C’est à cette lueur d’espoir que se rattachent les chercheurs du programme SETI car si nous ne sommes mêmes que 2 en ce moment dans la Galaxie, cela serait extraordinaire de réussir un contact.
64La réponse à la question « Mais où sont-ils ? » d’Enrico Fermi semble solidement établie :
65Nulle part ou presque !
66Ou bien :
67Ici sur Terre !
Bibliographie
Références bibliographiques
• Encrenaz Th. et Casoli F., 2005, Planètes extrasolaires : les nouveaux mondes, Paris, Belin.
• Mayor M., Les nouveaux mondes du cosmos : à la découverte des exoplanètes, 2001, Paris, Seuil.
• Vidal-Madjar A., 2005, Il pleut des planètes, Paris, Pluriel.
• Vidal-Madjar A., 2009, Où allons nous vivre demain ?, Hugo et compagnie.
Auteur
Astrophysicien, directeur de recherche émérite au CNRS à l’Institut d’Astrophysique de Paris et à l’université Pierre et Marie Curie. Ses recherches concernent la spectroscopie UV spatiale, l’analyse de la composition du milieu interstellaire proche, l’étude du disque de débris de l’étoile Beta Pictoris, la recherche de la masse manquante de l’Univers et l’observation détaillée des atmosphères des planètes extra-solaires. Il enseigna de nombreuses années la physique à l’École polytechnique. Il reçut la Médaille d’Argent du CNRS et le Prix Ampère 2007 de l’Académie des Sciences et est l’auteur de plusieurs ouvrages
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L'archéologie à découvert
Hommes, objets, espaces et temporalités
Sophie A. de Beaune et Henri-Paul Francfort (dir.)
2012