5. Besoins en formation
p. 254-255
Texte intégral
Le contexte général
1Les chapitres précédents ont mis en évidence la complexité du système climatique*, formé de sous-système différents et dont les échelles spatiale et temporelle font intervenir plusieurs ordres de grandeur. La connaissance du climat et de ses variations nécessite des compétences dans de nombreux domaines. Dans le passé, les études des géographes ont permis de décrire les paramètres associés aux climats variés existant sur notre planète, et de comprendre certaines interactions régionales agissant à différentes latitudes. Un certain nombre de scientifiques, souvent formés en Sciences de la Terre, ont pu déterminer, à partir d’indices, l’histoire passée de notre climat. Plus récemment, ces domaines se sont développés en se rapprochant de disciplines telles que la physique, la chimie et les mathématiques qui apportent leurs précieuses contributions, riches en enseignement.
Formation en master et en thèse
2Depuis plus de 50 ans, les recherches en climat s’appuient sur la compréhension du rôle des circulations atmosphériques et océaniques pour définir le climat. Il est essentiel de maîtriser ces domaines pour comprendre l’état climatique actuel de notre planète. Les transferts d’énergie associés aux circulations de l’atmosphère et de l’océan expliquent les distributions de température et de précipitations en fonction de la latitude, et par conséquent l’évolution des biosphères continentale et marine, lesquelles, en retour, impactent le climat ; les échanges turbulents et convectifs, et leur interaction avec le rayonnement* déterminent le profil vertical de température ; les contraintes qui gouvernent les changements de phase de l’eau expliquent le cycle hydrologique ; l’interaction des composants chimiques de l’atmosphère avec la circulation est déterminante pour l’évolution du climat, de même que la composition chimique de l’océan qui résulte d’interactions avec l’atmosphère et les continents. L’ensemble de ces mécanismes constitue des sujets incontournables pour la formation de nos chercheurs.
3Une grande partie de ces connaissances relève de l’observation des phénomènes naturels. Afin de pouvoir évaluer l’impact de ces phénomènes sur le climat, le futur chercheur doit comprendre également les principes et les limitations des mesures, afin de quantifier leurs principales sources d’erreurs et les comparer entre elles ou les confronter aux sorties de modèles. Cette expertise, dans les années à venir, sera d’un haut niveau de technicité avec des instruments très variés alliant les observations in situ aux instruments de télédétection active ou passive, à très haute résolution spatio-temporelle ou spectrale, permettant d’obtenir des informations sur les principaux compartiments du système climatique de plus en plus précisément.
4La compréhension de l’évolution récente du climat, déduite des observations ou des modélisations, nécessite aussi de dominer un certain nombre de notions en statistiques : comment distinguer une fluctuation aléatoire d’un signal climatique, comment détecter les changements de probabilité d’événements rares ; comment déterminer des tendances à long terme et les distinguer de cycles décennaux ou multidécennaux ; comment aborder les notions de systèmes dynamiques et de chaos* pour comprendre les évolutions à long terme des calottes glaciaires ou de la végétation.
5L’étude du climat relève donc, pour une grande part, des sciences physiques, mathématiques, et chimiques. Or ces secteurs attirent de moins en moins d’étudiants. Les sciences climatiques devraient être présentées de manière plus visible car leur richesse et leur importance dans les débats sociétaux devraient permettre d’attirer un plus grand nombre d’étudiants. Le fait que notre pays ait une tradition de formation cartésienne est un atout dans la compétition internationale pour travailler avec le plus de rigueur possible dans ces domaines qui, on ne doit pas l’oublier, nécessitent une formation de base solide au niveau d’un master. Cependant, quand des problèmes surgissent à l’interface entre 2 disciplines liées à 2 milieux du système climatique, il est souvent nécessaire d’atteindre une vraie pluridisciplinarité pour faire évoluer les questions posées. Il est donc important que les formations doctorales, par exemple, relaient cette nécessité de pluridisciplinarité en offrant aux futurs jeunes chercheurs des formations complémentaires spécifiques de haut niveau dans des disciplines connexes à leur formation initiale.
Formation en licence
6La plupart des formations en France ayant trait à l’étude quantitative des variations climatiques sont au niveau master. Il serait utile, vu le développement de ce domaine, de proposer aussi en licence un enseignement dont l’objet est le climat, car la connaissance du climat requiert de nombreuses compétences qui peuvent être abordées plus tôt. En particulier, les méthodes statistiques sont au centre des moyens d’investigation climatique. Elles constituent un outil commun aux différentes disciplines du climat, et doivent commencer à être enseignées en licence, de même que les notions mathématiques liées à la modélisation qui constitue l’outil d’investigation le plus transversal pour les différentes disciplines du climat.
7Une piste intéressante est de proposer, lorsque le flux d’étudiants peut être suffisant, des licences en bi-cursus, permettant d’acquérir une « culture climatique », en même temps que des acquis fondamentaux. On peut penser à un bi-cursus : Physique et Climat, ou Sciences de l’Ingénieur et Climat, ou Mathématiques et Climat, Sciences de la Terre et Climat, Écologie et Climat, Sciences Politiques et Climat.
8La société et les gouvernements s’intéressent aux impacts des changements climatiques sur la végétation et l’agriculture, sur l’hydrologie, sur l’économie, sur la santé et même sur les migrations humaines pouvant être liées aux inondations et sécheresses. De nombreux chercheurs de disciplines des sciences humaines et sociales sont impliqués dans le contexte du changement climatique, pour mettre en garde notre société sur l’avenir de la planète ; ils utilisent les résultats des physiciens du climat, de leurs modèles. Mais il faut distinguer ces différents volets de la recherche climatique « per se » dont la démarche est différente, et dont les « incertitudes » ne jouent pas le même rôle. Et dans ce cas encore, une collaboration étroite entre disciplines est nécessaire pour avancer de manière solide dans ce contexte.
Formation au lycée
9Dès le niveau secondaire, il serait souhaitable de sensibiliser les jeunes aux problématiques du climat et de le faire avec suffisamment de rigueur en leur montrant la pluridisciplinarité de ces phénomènes. Cela pourrait faire l’objet d’un enseignement décloisonné entre les enseignants de physique et chimie (processus atmosphériques et océaniques), mathématiques (statistiques, informatique, modélisation), biologie (interaction avec la biosphère*, cycles biogéochimiques), géographie (modification des paysages, impacts sociétaux et économiques des changements climatiques) et philosophie éventuellement. L’introduction des problématiques climatiques pourrait être plus présente dans les ouvrages du secondaire ainsi que dans les programmes des concours de l’enseignement dans le domaine de la physique et la chimie, en illustrant quelques grandes notions par des exemples (thermodynamique et mécanismes de convection, rayonnement et bilan radiatifs, changement de repère et force de Coriolis*). La tentative du livre « Panorama de la Physique » qui décrit la Physique des phénomènes climatiques de manière pédagogique, mais en aucun cas simpliste, est une piste à suivre. En conclusion, si la société veut jouer un rôle dans les décisions futures dans ces domaines, il faudrait saisir toutes les occasions pour qu’elle puisse acquérir le plus de connaissances solides, dispensées par les spécialistes.
Bibliographie
Référence bibliographique
• G. PIETRYK - « La géophysique externe », in Panorama de la Physique, Belin, 2008.
Auteurs
Physicienne de l’Atmosphère et du Climat, Professeur Émérite, Ancienne Directrice de l’École Doctorale « Sciences de l’Environnement », Ancienne Présidente du Conseil Scientifique de l’IPSL, Membre de l’Académie d’Agriculture, LMD, Paris.
katia.laval@lmd.jussieu.fr
Physicienne de l’atmosphère et du climat, Professeur des universités, Coresponsable de formations de master et de doctorat en sciences de l’environnement, LMD, Paris.
laurence.picon@upmc.fr
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L'archéologie à découvert
Hommes, objets, espaces et temporalités
Sophie A. de Beaune et Henri-Paul Francfort (dir.)
2012