5. Les scénarios climatiques futurs
p. 233-235
Texte intégral
1Pour réaliser des simulations du climat futur, les climatologues reprennent les modèles climatiques utilisés pour les simulations historiques. En effet, ces modèles permettent de simuler correctement des climats bien plus froids (e.g. dernier âge glaciaire) ou bien plus chauds que celui dans lequel nous vivons.
Evolution des facteurs anthropiques
2Il est extrêmement difficile de prévoir le climat futur car on ne peut pas anticiper l’évolution des forçages radiatifs liés aux éruptions volcaniques (cf. VI-5), par nature imprévisible, ou aux variations du rayonnement solaire (cf. II-3). Cependant, il est très largement établi que ces forçages ne devraient pas avoir un rôle dominant au XXIe siècle. Comme observé depuis quelques décennies, le forçage dû à l’augmentation des concentrations de GES devrait rester prépondérant. Les émissions anthropiques de gaz à effet de serre sont très dépendantes des évolutions des sources d’énergie, des pratiques agricoles, de l’économie, de la démographie… et sont donc incertaines. Ainsi, plusieurs scénarios socio-économiques d’évolution des activités humaines ont été établis dans le cadre du GIEC*, pour lesquels ont été estimées les émissions des principaux GES et des composés soufrés. Trois scénarios couvrant le siècle futur ont été proposés au milieu des années 1990 : dans le premier (A2), les émissions de CO2 continuent de croître jusqu’en 2100 ; dans le deuxième (A1B), les émissions de CO2 continuent de croître jusqu’en 2050 puis se stabilisent avant une faible décroissance ; et dans le dernier (B1), les émissions de CO2 sont presque stabilisées dès l’année 2000, puis décroissent à partir de 2050.
3Les émissions de CO2 ont principalement pour origine l’utilisation de « combustibles fossiles » (pétrole, charbon, gaz…) et les émissions de SO2 proviennent notamment du soufre présent dans ces combustibles. Pour des raisons sanitaires et de protection de l’environnement (le SO2 étant notamment à l’origine des « pluies acides »), les combustibles sont de plus en plus épurés de leur soufre avant utilisation, d’où une croissance des émissions de SO2 moins rapide que celles du CO2 (par exemple) dans presque tous les scénarios. À partir des émissions des différents gaz, leurs concentrations ont été calculées par des modèles des cycles biogéochimiques et pour les aérosols sulfatés, à l’aide de modèles de chimie-transport (cf. II-7). Les concentrations de chacun de ces constituants peuvent ensuite être utilisées pour calculer le forçage radiatif correspondant. Par exemple, la figure 1 montre l’évolution des différents forçages de 1860 à 2100 pour le scénario B1 (dit « faible ») et le scénario A2 (dit « fort »). À partir de 2030, l’évolution du forçage radiatif des gaz à effet de serre est très différente selon les scénarios.
4Il est impossible d'affirmer que le scénario « faible » est plus ou moins probable que le scénario « fort ». Mais la réalisation de simulations climatiques intégrant ces scénarios distincts permet d’avoir un aperçu de deux futurs climatiques possibles et d’attribuer la part qui revient aux scénarios d’émission de GES dans l’incertitude totale des projections climatiques. Cela permet notamment de faire le lien entre évolutions socio-économiques et impacts climatiques, et éventuellement d’aider à la décision, par exemple en matière de politique d’évolution des émissions globales de GES.
Amplitude du réchauffement
5L’accroissement simulé de la température de l’air près de la surface dépend avant tout des scénarios d’émission et il varie donc en moyenne d’environ 1,8 ° C pour le scénario B1 à 3,6 ° C pour le scénario A2 (figure 2) entre la fin et le début du siècle. Pour un même scénario, la dispersion du réchauffement simulé par les différents modèles pour la fin du XXIe siècle est d’environ 0,5 °C : c’est une mesure de l’incertitude liée à la modélisation climatique. Les climatologues ont également mené une expérience supplémentaire de sensibilité en maintenant les valeurs des concentrations des GES et aérosols à leurs valeurs de 2000 pendant tout le XXIe siècle. Elle montre que, même dans ces conditions, le réchauffement additionnel simulé pour la fin du XXIe siècle est d’environ 0,4 °C, ce qui donne une mesure de l’inertie actuelle du système climatique* global. En effet, les GES émis aujourd’hui ne « disparaîtront » pas de l’atmosphère avant plusieurs dizaines d’années (environ 100 ans pour le CO2).
Distribution géographique des changements
6La distribution géographique de l’augmentation des températures est similaire pour les différents scénarios, mais son amplitude change par contre fortement. La figure 3 montre que, pour le scénario A1B, l’augmentation de la température est plus élevée sur les continents que sur les océans. C’est une conséquence de l’assèchement des sols, qui réduit leur capacité à se refroidir par évaporation de l’eau qu’ils contiennent (cf. I-6). On voit également que le réchauffement est particulièrement marqué en Arctique, en raison d’une disparition complète de la glace de mer en été à la fin du XXIe siècle simulée par la moitié des modèles. Enfin, ce scénario montre un réchauffement faible au sud du Groenland : plusieurs modèles simulent en effet une modification de la circulation atmosphérique et océanique en Atlantique Nord, ayant pour effet de réduire le transport de chaleur vers cette région.
Évolution des précipitations
7Dans leur ensemble, les modèles climatiques prévoient – mais avec une forte dispersion – une augmentation du total des précipitations avec la température. Par exemple, pour le scénario A1B, les modèles simulent un accroissement des précipitations globales de 4,5±1,5 % en 2100 par rapport aux conditions actuelles. Mais ces changements de précipitations sont loin d’être spatialement homogènes : dans certaines régions, les précipitations augmentent, dans d’autres elles diminuent (figure 4).
8Les précipitations ont tendance à augmenter partout, sauf dans les régions subtropicales (vers 30 °N et 30 °S) où elles diminuent. L’augmentation générale des précipitations provient de l’accroissement du contenu en vapeur d’eau de l’atmosphère tandis que la diminution simulée dans les régions subtropicales est due à une modification de la circulation atmosphérique.
9On remarque que la majorité des modèles s’accordent pour simuler de façon cohérente une augmentation des précipitations aux hautes latitudes, toute l’année, et aux moyennes latitudes, en hiver (figure 4). De même, ils simulent de façon cohérente une diminution des précipitations dans les régions subtropicales, une augmentation des précipitations en Europe du Nord et un assèchement autour du bassin méditerranéen. En revanche, les changements de précipitations dans les régions équatoriales et tropicales varient fortement d’un modèle à l’autre, en particulier en Amérique du Sud, en Afrique de l’Ouest et Centrale, en Inde et en Asie du Sud-Est. Dans ces régions, certains modèles simulent une diminution des précipitations tandis que d’autres prévoient une augmentation. De façon générale, les changements de précipitations sur les continents restent très incertains, même en moyenne annuelle, en raison d’incertitudes majeures au niveau de la représentation de différents processus. Certains changements climatiques paraissent très probables : températures maximales et minimales plus élevées, plus de jours de forte chaleur et moins de jours de gel sur la plupart des régions continentales, augmentation de la moyenne globale des précipitations en lien avec le réchauffement. Mais les modèles climatiques actuels donnent peu d’indications sur l’évolution du régime des pluies dans certaines régions, ou sur le nombre et l’intensité des tempêtes ou des cyclones tropicaux.
Bibliographie
Références bibliographiques
• P. BRACONNOT, J.-L. DUFRESNE, D. SALAS Y MÉLIA et L. TERRAY - « Analyse et modélisation du changement climatique », 2e édition du Livre blanc, Escrime, 2009.
• H. LE TREUT - Nouveau climat sur la Terre comprendre : prédire, réagir, Flammarion, 2010.
Auteurs
Météorologue climatologue, Ingénieur en Chef des Eaux, des Ponts et des Forêts, CNRM-GAME, Toulouse.
david.salas@meteo.fr
Physicien du climat, Directeur de Recherche au CNRS, LMD, Paris.
jean-louis.dufresne@lmd.jussieu.fr
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2012