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1. Introduction sur les forçages naturels

p. 189-190


Texte intégral

Un système complexe en équilibre dynamique

1Les conditions hospitalières que nous connaissons sur Terre dépendent d’une combinaison fortuite de sa distance par rapport au Soleil, de la présence de la Lune et de la composition chimique de l’atmosphère, paramètres qui conditionnent l’état physique de l’eau sur notre planète (cf. I-2). En plus de l’atmosphère, le système climatique* comprend d’autres compartiments très divers comme l’océan, les glaces marines et continentales, la biosphère* et même la croûte terrestre. Ces compartiments, en perpétuelle évolution, échangent entre eux de l’énergie et de l’eau, sous forme solide, liquide ou gazeuse.

2La complexité du système climatique vient du fait que tous ses compartiments sont en perpétuelle évolution. L’atmosphère, en particulier, est animée de mouvements rapides et incessants qui sont l’objet d’étude du météorologue. Les échanges d’énergie et de matière sont déstabilisés en permanence par de nombreux forçages, notamment des variations cycliques (alternances diurne et saisonnière, cycles astronomiques de l’insolation…) ou des phénomènes irréguliers comme les éruptions volcaniques.

3Ces changements d’amplitudes variées influent sur les transports de chaleur à toutes les échelles spatiales. Ceci est particulièrement vrai pour le cycle saisonnier aux hautes latitudes : une surface d’un mètre carré reçoit environ 200 Watts au niveau du cercle polaire, mais cette insolation moyenne masque de larges fluctuations saisonnières entre un maximum de plus de 500 W lors du solstice d’été et un minimum nul lors du solstice d’hiver (nuit permanente).

4Le système climatique physique est aussi couplé à d’autres cycles planétaires comme celui de l’eau, du carbone ou de l’azote. Ainsi, les variations de la biosphère allant de la saison au millénaire, ont une influence sur les teneurs en eau et en gaz carbonique de l’atmosphère. À leur tour, ces changements affectent le bilan radiatif de l’atmosphère et perturbent le système climatique dans son ensemble.

5Les différents forçages externes* d’origine astronomique ou géologique ont des impacts climatiques très variés en termes d’amplitude et d’échelle spatiale. Par ailleurs, ils interviennent sur des échelles de temps très différentes, de l’année au milliard d’années, et se superposent et se combinent les uns aux autres ce qui en complique l’étude (cf. figure II-15).

Étude conjointe des forçages et des variations climatiques

6Pour étudier conjointement l’évolution des forçages et des paramètres climatiques aux échelles globales et régionales, une première méthode consiste à analyser les relations statistiques de correspondance temporelle et de contenu fréquentiel des différentes séries. Le principal obstacle est la brièveté des séries instrumentales qui ne permet d’étudier que le dernier demi-siècle avec les enregistrements quantifiés des forçages externes et des paramètres climatiques. Il est donc utile d’avoir recours à des indicateurs, moins précis car indirects, mesurés dans des archives paléoclimatiques (cf. III-12). Ces enregistrements permettent d’aller bien au-delà du dernier siècle, lequel est caractérisé par une perturbation significative du bilan radiatif de la Terre et des composantes climatiques par les activités humaines. Il devient ainsi possible d’étudier le climat de la Terre dans son état quasiment naturel et de le comparer avec les dernières et prochaines décennies.

7L’évaluation de l’influence des forçages dans les séries climatiques passe nécessairement par une analyse statistique multivariée tenant compte des multiples causes agissant sur les mêmes constantes de temps : grandes éruptions volcaniques, activité solaire et concentrations des gaz à effet de serre*, ainsi que les oscillations intrinsèques au système climatique. Ces analyses statistiques sont conduites à partir des enregistrements de la température moyenne à l’échelle mondiale ou sur les données régionales et verticales pour la période récente la mieux documentée. Les différentes composantes climatiques sont identifiées en étudiant leurs répartitions géographiques et verticales qui constituent des signatures caractéristiques (réchauffement stratosphérique et refroidissement troposphérique pour une éruption volcanique, amplification du réchauffement dans la stratosphère* pour une variation solaire, refroidissement stratosphérique et réchauffement troposphérique pour une augmentation de gaz à effet de serre, signatures géographiques de l’ENSO* au niveau de l’océan Pacifique et des continents adjacents, etc.).

8L’approche empirique a évidemment ses limites car certains forçages sont encore mal quantifiés – comme les éruptions volcaniques anciennes (cf. VI-5) et la composante ultraviolette du spectre solaire (cf. VI-2) – ou restent encore à l’état d’hypothèse, comme par exemple le rôle exact des particules chargées du rayonnement cosmique (cf. V. 6) ce qui rend difficile leur prise en compte statistique. Par ailleurs, la combinaison de l’influence des forçages ne se résume pas toujours à un cumul mathématique. En effet, un forçage externe naturel ou anthropique peut aussi influencer les variations intrinsèques comme l’amplitude ou la fréquence d’oscillations climatiques (ENSO et NAO*).

9La corrélation temporelle entre forçage et climat ne suffisant pas pour établir les liens de causalité, on envisage une deuxième méthode fondée sur les mécanismes et les rétroactions climatiques associées. Les processus de base sont régis par des lois physico-chimiques et l’évaluation de leur influence sur le climat global et régional peut être réalisée à l’aide de modèles numériques du climat. La variété des forçages implique que ces modèles possèdent un niveau de sophistication élevé tout en permettant des simulations longues de plusieurs siècles. L’utilisation des modèles de circulation générale permet d’étudier finement les rétroactions climatiques qui amplifient ou atténuent le signal radiatif lié à un forçage particulier ainsi que d’envisager la combinaison multiple des forçages.

Image

Photographie d’une éruption du volcan islandais Hekla sous une aurore boréale, illustrant l’action conjointe et fortuite du Soleil et d’un volcan sur l’atmosphère terrestre. Pour un exemple d’impact sur le climat mondial, on peut citer l’éruption majeure de 1815 du volcan Tambora en Indonésie ayant contribué à la célèbre « année sans été » de 1816 qui a eu lieu en plein minimum prolongé de l’activité solaire. © Sigurður Stefnisson

10La modélisation numérique permet aussi d’utiliser pleinement les reconstitutions paléoclimatiques de climats différents de l’actuel (comme le Petit Âge Glaciaire, l’Optimum Médiéval, le Dernier Maximum Glaciaire, l’Optimum Holocène, le Dryas Récent, le Dernier Interglaciaire, les événements de Heinrich et de Dansgaard-Oeschger*, certaines périodes chaudes du Cénozoïque*, etc.). On peut ainsi comparer, de manière indépendante, les simulations des modèles perturbés par les forçages aux observations et reconstitutions des paramètres climatiques. De telles comparaisons modèles-données ont permis de progresser dans la compréhension de la machine complexe du climat de la Terre et elles ont poussé les spécialistes de la modélisation à améliorer leurs calculs numériques. Ceux-ci prennent en compte de nombreux processus physico-chimiques dans des architectures de plus en plus complexes pour tenter de reproduire explicitement le véritable système climatique avec ses couplages entre compartiments et ses aspects physiques, chimiques et biologiques.

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