9. Le couplage océan-atmosphère
p. 168-169
Texte intégral
Les grandeurs physiques intervenant dans le couplage océan-atmosphère
1L’océan et l’atmosphère sont couplés au travers des flux radiatifs et des échanges des flux turbulents de quantité de mouvement, de chaleur et d’eau. La température de la mer par exemple dépend directement des flux de chaleur qu’elle modifie en retour (cf. I-7). Les flux de chaleur sont ainsi une condition aux limites de l’océan ; et la température de surface de la mer est une condition aux limites pour l’atmosphère. Comme pour d’autres domaines d’application, certains calculs, même lorsqu’ils sont faits dans une composante particulière, représentent des échanges à l’interface entre deux milieux et les schémas numériques utilisés visent à assurer la stabilité numérique en respectant les échelles de temps des phénomènes physiques impliqués. Ainsi, pour l’atmosphère, la mise à jour de la condition limite de température de surface de l’océan peut se faire moins fréquemment que celle de la température de surface du sol ou de la glace de mer car l’océan possède une inertie thermique plus importante que celle du sol ou de la glace de mer. Dans ce dernier cas, des études théoriques ont montré que le système couplé pouvait être instable et différentes solutions ont vu le jour pour stabiliser le couplage en respectant les propriétés physiques aux interfaces. Du point de vue numérique, le couplage entre l’océan et l’atmosphère revient donc à échanger de manière synchronisée de l’information, des « champs de couplage », à l’interface de ces codes assurant ainsi leur rétroaction, et à transformer cette information fournie par le code source sur son maillage pour l’exprimer sur celui du code cible. Par exemple, le modèle d’océan fournit la température de surface au modèle d’atmosphère. En retour, le modèle d’atmosphère fournit les flux de chaleur et d’eau. Ces échanges entre modèles doivent en particulier respecter les lois de conservation d’énergie et d’eau à l’interface.
Autonomie des composantes
2Dans la plupart des cas, les différentes composantes à coupler sont développées indépendamment selon des règles et contraintes propres par des groupes de recherche différents, qui les utilisent aussi séparément pour étudier des processus particuliers des différents sous-systèmes. Garder des composantes autonomes mais interopérables et les assembler en minimisant les modifications à effectuer dans les codes originaux paraît donc la voie à suivre naturellement. Au développement des modèles couplés océan-atmosphère s’est associé le développement d’un logiciel spécifique permettant de coupler de façon flexible et modulaire différents codes numériques représentant les diverses composantes du système climatique* terrestre (océan, atmosphère, glace de mer, surfaces continentales). C’est ainsi qu’a débuté en 1991 le développement du logiciel OASIS par le CERFACS*.
OASIS, un coupleur dédié
3La version 3 d’OASIS actuellement disponible est ainsi le résultat d’environ 20 ans de développements et d’évolutions. OASIS3 est aujourd’hui utilisé par plus de 30 groupes de recherche en modélisation climatique en France et en Europe mais aussi aux États-Unis, au Canada, au Japon, en Chine et en Australie. Le logiciel est en particulier utilisé dans les deux modèles couplés français participant au prochain exercice international d’inter-comparaison des modèles climatiques, qui servira de base au 5e rapport du GIEC* prévu pour 2013. Par exemple, dans le modèle de climat réalisé par Météo-France et le CER-FACS, OASIS3 assemble un modèle d’atmosphère (incluant un schéma de sol), un modèle d’océan (contenant lui-même un modèle de glace de mer) ainsi qu’un modèle de ruissellement des eaux de surface. Dans le modèle de climat de l’IPSL*, OASIS couple un modèle d’atmosphère, incluant des schémas de végétation et de chimie atmosphérique, à un modèle représentant la dynamique et la biogéochimie océaniques ainsi que la glace de mer.
4Au début des années 2000 est apparu le besoin de coupler des composantes modèles parallèles à haute résolution, d’échanger des champs de couplage éventuellement tridimensionnels (comme par exemple entre des modèles de dynamique atmosphérique et de chimie atmosphérique) à plus haute fréquence temporelle. De plus, il devient alors prévisible que les machines de calcul à faible nombre de processeurs relativement puissants ne seront à moyen terme plus disponibles et que ces couplages s’effectueront alors sur des plateformes de calcul massivement parallèles donc à grand nombre de processeurs, chacun étant relativement peu puissant. Les questions d’efficacité, de performance et de parallélisme deviennent prépondérantes. C’est ainsi que le CERFACS entreprend, en collaboration avec d’autres partenaires européens, le développement d’OASIS4, coupleur totalement parallèle tant du point de vue des échanges de données que des transformations, dont une première version est aujourd’hui disponible.
5Le couplage avec OASIS se fait en implémentant quelques appels spécifiques aux routines d’interface d’OASIS dans le code des composantes. Ces routines permettent en particulier de transférer au coupleur la localisation géographique des nœuds des maillages sur lesquels sont exprimés les champs de couplage ; elles permettent aussi bien sûr d’effectuer l’envoi et la réception des champs de couplage. Le coupleur peut alors interpoler les champs de couplage envoyés par la composante source sur le maillage de la composante cible et les envoyer à cette dernière. Plusieurs algorithmes d’interpolation sont disponibles dans le coupleur (linéaire, 2e ordre, conservatif) et le choix se fait dans un fichier de configuration par la personne qui assemble le modèle couplé.
6Plutôt que d’utiliser un coupleur, les climatologues pourraient aussi, pour constituer un modèle couplé global, fusionner les composantes originales dans un code intégré. Cette démarche permettrait dans certains cas d’obtenir un modèle couplé plus efficace, car les composantes partageraient alors une mémoire commune au sein de laquelle pourraient être partagés les champs de couplage. Elle demanderait cependant beaucoup plus de modifications dans les codes originaux. En effet, les composantes originales devraient respecter certaines règles de codages pour pouvoir être assemblées au sein d’un même code sans que cela ne génère de conflit. Le phasage avec les développements faits par les développeurs des composantes originales serait alors beaucoup plus laborieux, étant donné les nombreuses adaptations à faire à chaque fusion. Le succès et la large diffusion d’OASIS sont liés, d’une part, à sa non-intrusivité (les composantes originales ne doivent être que légèrement modifiées pour pouvoir être couplées), et d’autre part, à l’interaction étroite que les développeurs entretiennent avec la communauté des utilisateurs en leur apportant un support actif et en intégrant régulièrement leurs développements dans la version officielle du coupleur. Le couplage des modèles et la représentation des processus physiques aux interfaces étant un sujet de recherche en soi, il est en effet important que de nouvelles idées puissent facilement voir le jour et être intégrées dans la technique du couplage.
Bibliographie
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Références bibliographiques
10.5194/gmd-3-87-2010 :• R. REDLER and S. VALCKE - « OASIS4, A Coupling Software for Next Generation Earth System Modelling », Geosci, 2010.
• S. VALCKE - « ASIS3 User Guide (prism_2-5) », PRISM Report n° 2, CERFACS, 2006.
Auteur
Ingénieur de recherche en modélisation du climat, CERFACS, Toulouse.
sophie.valcke@cerfacs.fr
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