1. Le climat numérique
p. 147
Texte intégral
1Sans les ordinateurs, il serait impossible de décoder les nombreuses facettes du climat. Toute une hiérarchie de modèles a ainsi été développée, selon que l’on souhaite seulement analyser la réponse globale de la Terre à une perturbation radiative ou que l’on cherche à résoudre finement un processus particulier. Les concepts fondamentaux sous-tendant ces modèles reposent sur la mécanique des fluides géophysiques, les lois de conservation de l’énergie et d’eau et la représentation des multiples processus physiques intervenant dans le système (transferts radiatifs, convection, nuages, turbulence*, etc.).
2Les modèles de circulation générale requièrent une attention particulière. Leur rapide développement au cours des dernières décennies a été rendu possible grâce à l’augmentation de la puissance de calcul. Ils permettent de dévoiler les rouages de la machine climatique et d’étudier les nombreuses interactions et rétroactions impliquées dans le fonctionnement du climat. En plus de l’atmosphère, ces modèles proposent une représentation relativement complète des différents éléments du système climatique* pour tenir compte des constantes de temps longues (cf. II-15, I-7). Ils ont ouvert la voie à l’expérimentation numérique. Ces simulations s’articulent entre simulations réalistes destinées à représenter le plus fidèlement possible une période ou une séquence climatique, et simulations plus idéalisées permettant d’éprouver le rôle d’un processus ou d’une rétroaction selon une démarche incrémentale. Les projections climatiques qui testent le devenir du climat suivant différents scénarios socio-économiques entrent dans ces catégories. Le chemin est néanmoins semé d’embuches car il faut calculer plus vite que le temps qui passe, ce qui impose de faire des compromis entre la résolution, le niveau de complexité des phénomènes représentés et l’échelle spatiotemporelle abordée.
3Les différents textes de ce chapitre montrent comment les multiples compétences nécessaires au développement des modèles, à la réalisation des simulations et à l’exploitation des résultats s’articulent autour des différents objectifs.
4En France, les premières simulations climatiques à l’échelle du globe couplant modèles d’océan et d’atmosphère ont démarré dans le milieu des années 1990 dans les traces des simulations couplées tropicales dédiées à l’étude du phénomène El Niño et de sa prévisibilité (cf. II-16). Plusieurs pistes ont été suivies depuis pour augmenter la pertinence du contenu des modèles en termes de physique ou de couplages avec les autres composantes. Le cheminement est très similaire à celui d’autres branches des sciences, que nous avons choisi d’illustrer ici avec le couplage fluide-solide de l’aorte. Les premières évolutions majeures ont considéré la glace de mer, suivie par le couplage entre le climat et le cycle du carbone, puis le raffinement de la représentation du ruissellement continental ou de l’utilisation des terres. La chimie atmosphérique et les aérosols participent au gigantesque puzzle que l’on peut faire et défaire au gré des applications.
5L’augmentation de la complexité des modèles ne doit pas occulter la constante amélioration des composantes individuelles qui permet au fil du temps d’accroître la confiance dans les résultats des simulations. La qualité des simulations dépend ainsi de nombreux critères parfois éloignés de la simple comparaison d’une variable* simulée avec les observations. Le contenu des modèles, les mécanismes de variabilité, les réponses simulées à différentes perturbations sont autant d’aspects qu’il faut considérer et qui feront qu’une simulation pourra par exemple être jugée adéquate pour étudier un changement de climat et inadéquate pour un événement extrême comme un cyclone.
6Une forte émulation sur ces sujets est entretenue au travers de différents projets internationaux permettant de confronter les résultats de différents modèles entre eux ou aux observations. Ces exercices sont devenus incontournables et fournissent des références permettant de mesurer les progrès réalisés sous des angles variés.
Auteur
Modélisatrice du climat, Directrice de recherche au CEA, Responsable de la modélisation du climat, des cycles biogéochimiques et de leurs interactions, LSCE, Gif-sur-Yvette.
pascale.braconnot@lsce.ipsl.fr
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L'archéologie à découvert
Hommes, objets, espaces et temporalités
Sophie A. de Beaune et Henri-Paul Francfort (dir.)
2012