Sur l’absence de Néolithique ancien autour de Montpellier
p. 537-540
Résumés
La région de Montpellier limitée par l’Hérault, le Rhône et les Cévennes ne semble pas avoir été occupée par les premiers Néolithiques, pourtant si nombreux sur le reste du littoral méditerranéen français. Ces nouveaux venus suivaient les voies fluviales pour occuper l’arrière pays. Par le Rhône ils ont remonté jusqu’à 150 km du rivage. Leur absence du littoral montpelliérain pourrait s’expliquer par l’inexistence ou l’insuffisance des marais côtiers mis en eau vers – 4000 et aussitôt peuplés par les Chasséens.
The Montpellier region limited by the Herault and the Rhône rivers and the Cevennes mountains doesn’t look to have been occupied by the first Neolithics, however so numerous on the rest of the French Mediter-ranean coastline. These new-comers followed the fluvial ways to occupy the hinterland. By the Rhône, they procee-ded up to 150 kilometers near the coastline. Their absence from the Montpellier coastline might account for the non-existence of the shortage of the coast marshes set to waterlevel towards 4000 B.C. and immediately populated by the Chasseans.
Texte intégral
1Nous avions remarqué depuis longtemps l’absence de Néolithique ancien dans la région de Montpellier et dans le sud du Gard dans ce qu’on appelle « Petite Camargue ». L’essaimage sur le littoral français a occupé l’arrière-pays en remontant le Rhône et les fleuves côtiers. Cela n’a rien d’étonnant, la seule façon de s’introduire dans une région boisée pratiquement vierge, consiste à remonter les voies fluviales. Les fleuves côtiers de la Provence et du littoral sud-ouest ont pu mener les nouveaux venus jusqu’à une certaine profondeur. Au contraire le Rhône a été la voie royale qui a permis aux gens du Cardial de s’enfoncer profondément dans le pays, témoin la station du Mézenc, située en Haute-Loire à 150 km au nord de la Méditerranée.
2Cette répartition ne nous retiendra pas. Bien au contraire nous sommes attirés par le vide de la région de Montpellier. Pourquoi cette absence pendant que les découvertes se multipliaient ailleurs.
3Pourtant le Lez et les étangs si largement fréquentés à partir du Chasséen jusqu’à l’époque romaine ne semblent pas avoir été utilisés au Néolithique ancien dont la modeste station du Creux du Miège ne nous convaincra pas du contraire. II faudra donc chercher comment les Chasséens ont occupé cette région. A ce propos, permettez-nous de faire un retour dans le passé. A la fin de la dernière guerre plus personne n’espérait trouver une stratigraphie du Néolithique que niaient même les Paléolithiciens. Dès 1946 la publication de la fouille des Arene Candide par L. Bernabo Bréa nous a redonné de l’espoir. Aussitôt Niederlender à Roucadour, Taxil à Fontbrégoua, Escalon de Fonton à Châteauneuf-les-Martigues et Escuret à Montbeyre se sont précipités sur ces gisements d’où ils ont extrait de magnifiques stratigraphies.
4L’un de nous (J.A.), en fouillant la grotte de la Madeleine, a découvert une civilisation originale qu’il aurait pu appeler « mirevallien » ou « maguelonnien » mais se souvenant de Déchelette, il décida de prendre le camp de Chassey comme gisement éponyme car dans son manuel, les poteries gravées, les perçoirs sur lamelles et les flèches tranchantes laissaient deviner cette brillante civilisation. Aussi a-t-il été très étonné de voir paraître dans certains ouvrages de préhistoire notamment dans « Préhistoire de France » de Frank Bourdier la phrase suivante : « Les archéologues anglais individualisèrent une civilisation chasséenne dont J. Arnal en 1950 montra la diffusion... ». Cette phrase est stupéfiante car tout le monde sait que au premier colloque atlantique à Brest en 1962, les anglais G. Daniel et S. Piggott refusaient le terme de Chasséen jusqu’au moment où, aidé de G. Bailloud, J. Arnal a pu les convaincre de l’existence de cette civilisation.
5Avec H. Prades, en 1959, dans la revue Ampurias, nous avons confirmé le parallélisme du Néolithique français, italien et suisse donnant l’équation suivante basée sur les stratigraphies dont il vient d’être question :
6Chasséen A = civ. Vases à bouche carrée = Egolzwillien
7Chasséen B = Lagozzien = Cortaillod.
8Hier un conférencier a cité la grotte de Roucadour et parlait de proto-chasséen. Toute la couche B de Roucadour est chasséenne, et nul mieux que l’un de nous (J.A.) ne peut dire que le niveau B1 est chasséen A tandis que le niveau B2 est chasséen B à cause de la présence de flûtes de Pan.
9Après cette dégression nous revenons à notre sujet.
10Les Néolithiques anciens et moyens se sont répandus par mer et ont remonté les voies fluviales. Au Sud de Montpellier avec le groupe Painlevé nous avons découvert 33 débarcadères de diverses civilisations dont 13 chasséens sur les rives nord des étangs de Mau-guio et de Vic. La migration de ces derniers vers l’intérieur des terres à partir du Lez a été prouvée par l’existence d’un chemin de portage le long de sa rive gauche. La création de l’autoroute A9 sur le tènement de Pont Trincat (pont détruit) nous l’a fait découvrir. Le chemin large d’un peu plus de 1 m était soigneusement empierré, nous l’avons suivi au moment des travaux sur une longueur de 40 m et de récents aménagements nous ont permis de le retrouver et de le suivre sur 20 m de plus, soit 60 m en tout. Des tessons chasséens et des lamelles blondes le dataient avec certitude. Désormais le petit fleuve côtier entre dans l’histoire car à l’époque romaine il unit encore la ville de Sextantio bâtie le long de la voie domitienne à Lattara, port commercial très dynamique.
11Nous voici au cœur du problème. Pour quelles raisons les Cardiaux ont-ils dédaigné le Lez et les étangs protégés par le lido tant appréciés par leurs successeurs ? Paul Ambert dans le Bulletin de la Féd. Arch. de l’Hérault de 1981, publié en 1982, p. 229, nous donne un début d’explication. D’après cet auteur, le niveau marin vers – 6700 (environ 8700 BP) se situait à 40 m au-dessous du niveau actuel. Une remontée spectaculaire a soulevé le niveau à – 20 m aux environs de – 6000 (environ 8000 BP) pour atteindre – 3 m vers – 4000 (environ 6000 BP). Les étangs ont dû se mettre en eau vers – 5250 (environ 7250 BP) (Carte 1).
12Nous ajouterons que les Chasséens entre – 4000 et – 2500 (6000 à 4500 BP) habitaient au sec sur un tapparas couvrant une épaisse couche d’argile jaune onctueuse non datée. S’il y avait un étang, il devait avoir de très faibles dimensions. Par contre après – 2500 (4500 BP) le niveau lacustre en dehors des variations saisonnières ou d’augmentation de surface due à des transgressions marines avait sensiblement la surface actuelle. Cette argile jaune, de nos jours, se trouve enfoncée à 5 m au-dessous du sol à cause de la pression des dépôts d’alluvions apportées par les inondations du Lez. Ailleurs elle se situe à 0,60 m et 1 m selon l’apport de différents ruisseaux. Au gisement de Tartuguière à Lattes, le Chasséen a été recouvert d’un dépôt de couleur noire témoin d’une eau stagnante lagunaire. Au-dessus les couches d’étalement et de retrait des eaux donnent une alternance d’habitat humain et de dépôts de coquilles marines.
13Les premiers migrants du Néolithique ancien n’ont pas eu la facilité de caboter sur les étangs. Il est possible que cette raison leur ait fait rejeter la voie du Lez. Aussi n’ont-ils aucun représentant dans la région de Montpellier. Pour retrouver des Cardiaux au nord de cette ville il faut parcourir 40 km afin de rejoindre ceux qui ont remonté l’Hérault à partir de son embouchure près d’Agde jusqu’aux pieds des Cévennes (Voir carte 2).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les chemins de la décolonisation de l’empire colonial français, 1936-1956
Colloque organisé par l’IHTP les 4 et 5 octobre 1984
Charles-Robert Ageron (dir.)
1986
Premières communautés paysannes en Méditerranée occidentale
Actes du Colloque International du CNRS (Montpellier, 26-29 avril 1983)
Jean Guilaine, Jean Courtin, Jean-Louis Roudil et al. (dir.)
1987
La formation de l’Irak contemporain
Le rôle politique des ulémas chiites à la fin de la domination ottomane et au moment de la création de l’état irakien
Pierre-Jean Luizard
2002
La télévision des Trente Glorieuses
Culture et politique
Évelyne Cohen et Marie-Françoise Lévy (dir.)
2007
L’homme et sa diversité
Perspectives en enjeux de l’anthropologie biologique
Anne-Marie Guihard-Costa, Gilles Boetsch et Alain Froment (dir.)
2007