10. Cycle de l’eau : hydrologie continentale
p. 63-64
Texte intégral
1La branche continentale du cycle hydrologique – comme la vapeur d’eau et les nuages – contribue à la complexité du système climatique* ainsi qu’aux incertitudes sur la réponse de ce système aux forçages anthropiques. Indépendamment des changements climatiques, l’hydrologie continentale est directement affectée par les activités humaines, qu’il s’agisse de l’utilisation des sols, de l’aménagement des fleuves ou de l’irrigation. À l’échelle locale (bassin-versant de superficie inférieure à quelques milliers de km2), le réchauffement global ne représente donc pas nécessairement le principal « forçage » pour son évolution à long terme. Néanmoins, à grande échelle, les réponses hydrologiques émergeant des observations continentales comme des scénarios climatiques sont susceptibles d’induire des rétroactions importantes non seulement pour l’avenir des ressources en eau, mais également pour le climat régional et le niveau global des océans.
Effets sur le niveau global des océans
2Les enregistrements marégraphiques disponibles depuis le début du XXe siècle suggèrent une hausse du niveau de la mer de l’ordre de 1,7 mm/an. Depuis 1993, l’altimétrie spatiale indique une élévation moyenne globale supérieure à 3 mm/an. Cette augmentation est la résultante de plusieurs contributions (cf. III-6) comme l’expansion thermique des océans, la fonte des calottes polaires ainsi que d’autres transferts de masse entre continents et océans. La nature, voire l’origine anthropique, de cette dernière contribution demeure cependant très incertaine dans la mesure où l’évolution des débits des grands fleuves observée (stations de jaugeage) au cours des dernières décennies peut être attribuée à de nombreux facteurs : variabilité climatique* naturelle, changement climatique incluant ou non la fonte du pergélisol* aux hautes latitudes, changement d’utilisation des sols, effet direct du CO2 sur l’évapotranspiration de la végétation (fermeture des stomates et/ou fertilisation), aménagement des fleuves et irrigation.
Rétroactions sur le climat régional
3Régionalement, l’évolution à long terme de l’enneigement et de l’humidité des sols ne dépend pas seulement de celle des précipitations mais également de la réponse des températures, du rayonnement* et du vent qui pilotent la fonte et l’évaporation. Le retrait observé (estimations satellitaires obtenues dans le domaine du visible depuis la fin des années 1960) et programmé de la couverture neigeuse de l’hémisphère Nord représente l’une des boucles de rétroaction les mieux documentées. La fonte du manteau neigeux induite par le réchauffement atmosphérique d’origine anthropique s’accompagne d’une diminution de l’albédo* de surface qui contribue à amplifier le réchauffement en surface. La perspective d’un assèchement des sols aux moyennes latitudes, encore très incertaine en raison du manque d’observations et de la dispersion des modèles, pourrait avoir une influence similaire notamment sur les températures estivales en lien avec une diminution de l’évapotranspiration. L’effet anti-transpirant de la végétation (fermeture des stomates observée en réponse à un enrichissement atmosphérique en CO2 effectué sous serre ou en plein champ) pourrait aboutir au même effet thermique tout en limitant l’assèchement des sols. Néanmoins, d’autres processus sont susceptibles de moduler la rétroaction des surfaces continentales tels que la réponse des aquifères, des plaines d’inondation, ou encore de la densité du couvert végétal.
Avenir des ressources en eau
4Localement, et au-delà des changements moyens sur les différents termes du bilan d’eau, ce sont d’une part les événements climatiques extrêmes (e.g. sécheresses et inondations) d’autre part les aspects non climatiques de la vulnérabilité des ressources en eau qui rendent la modélisation délicate et les projections incertaines. Des techniques de « descente d’échelle » doivent être mises en œuvre pour aboutir à des scénarios hydrologiques plus précis, si ce n’est plus crédibles, ne serait-ce que pour rendre compte de l’influence majeure des reliefs sur les précipitations et les écoulements en surface. La question est cependant de savoir si tous les effets importants à l’échelle locale, notamment les effets anthropiques liés à l’utilisation des sols ou à l’irrigation, doivent être pris en compte dans les modèles globaux ou si la priorité n’est pas aussi et surtout d’améliorer la représentation de processus déjà pris en compte mais qui demandent à être mieux contraints via l’inter comparaison des modèles et leur évaluation à partir d’observations in situ et satellitaires (figure 2).
5Ainsi, en dépit (ou parfois en raison) de la sophistication croissante des outils numériques, les impacts du réchauffement global sur l’hydrologie continentale demeurent difficiles à préciser tant ils dépendent d’une cascade d’incertitudes concernant les scénarios d’émission et de concentration de gaz à effet de serre*, les modèles climatiques globaux, les méthodes de régionalisation et les modèles hydrologiques eux-mêmes. Il est ainsi illusoire de chercher à préciser les impacts hydrologiques régionaux à l’aide de techniques de descente d’échelle et/ou de modèles hydrodynamiques sophistiqués tant qu’un minimum de consensus n’est pas obtenu concernant la réponse atmosphérique de grande échelle. Cependant, certaines tendances robustes se dégagent des scénarios du GIEC* concernant par exemple les risques d’aridification des climats de type méditerranéens ou l’accroissement de l’intensité des événements précipitants. Progresser dans la localisation et la quantification des risques hydrologiques demandera encore beaucoup d’efforts, aussi bien en termes de modélisation que d’observations nécessaires à la compréhension et au suivi des phénomènes hydrologiques. Le développement de nouveaux instruments satellitaires permettant d’avoir une approche globale de l’hydrologie continentale est certes nécessaire, mais il faut aussi valoriser au mieux les jeux de données existants et maintenir un réseau suffisant de mesures in situ, seules susceptibles de nous fournir le recul nécessaire pour juger de l’évolution à long terme du cycle hydrologique.
Bibliographie
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Références bibliographiques
10.4267/2042/18187 :• H. DOUVILLE, P. TERRAY - « Réponse du cycle hydrologique aux forçages anthropiques : que nous disent les dernières simulations du GIEC ? », Livre Blanc ESCRIME, Ch. 5, 40-48, http://www.insu.cnrs.fr/a2065,livre-blanc-projet-escrime.html,2007.
• H. DOUVILLE - « Vers une sécheresse globale ? », La Recherche, n° 421, 40-43, juillet-août 2008.
Auteurs
Climatologue, Ingénieur en Chef des Ponts, des Eaux et des Forêts, Chef de l’équipe Variabilité-Détection-Rétroactions, CNRM, Toulouse.
herve.douville@meteo.fr
Hydrologue, Chargé de Recherche, CNRS-GAME, Toulouse.
bertrand.decharme@meteo.fr
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2012