7. Les aérosols et leur impact radiatif
p. 57-58
Texte intégral
1Depuis plusieurs années, les aérosols font l’objet d’études approfondies de la part de la communauté scientifique car ils doivent être pris en compte dans les scénarios climatiques en raison de leur action sur le bilan de rayonnement de la planète. En effet, les aérosols augmentent l’albédo* global pour la partie solaire du spectre (effet « parasol ») et modifient les processus d’émission et d’absorption pour la partie infrarouge (cf. II-4). De plus, ils ont des effets indirects sur le rayonnement en modifiant les propriétés des nuages, avec des rétroactions complexes sur la taille des gouttelettes et sur les précipitations (cf. VI-4). Cet impact sur le climat est difficile à estimer précisément encore actuellement. Les estimations récentes (GIEC*/IPCC, 2007) chiffrent le forçage radiatif* direct à -0,50 ± 0,40 Wm–2 et celui dû aux effets indirects entre -1,8 et -0,3 Wm-2.
Types d’aérosols
2Les aérosols sont liquides ou solides et ont des origines multiples. Les aérosols dits « primaires » sont directement émis ou injectés dans l’atmosphère : poussières désertiques dues à l’érosion, embruns marins, aérosols résultant de feux de végétation ou issus de la combustion des énergies fossiles*. Leur taille varie entre quelques dixièmes de micron (processus de combustion) à quelques microns (processus mécaniques pour les poussières et les embruns). Les aérosols dits « secondaires » sont de taille sub-micronique et résultent de transformations chimiques, conversion gaz-particules ou interaction avec les gouttelettes des nuages. À cela, il faut ajouter les particules provenant d’éruptions volcaniques, cendres ou aérosols formés par injection de SO2. Pour estimer le forçage radiatif dû aux activités humaines, il est nécessaire de distinguer leur origine, anthropique ou naturelle, et donc leur type, ce qui s’avère difficile à l’échelle globale. On schématise en assimilant les aérosols situés dans le mode d’accumulation (rayon autour de 0,1-0,2 µm) à des particules d’origine anthropique par opposition aux aérosols d’origine naturelle (poussières et embruns) du mode grossier.
3Excepté dans le cas d’éruptions volcaniques majeures comme celle du Pinatubo en 1991, les aérosols sont localisés dans la basse troposphère* (0-5 km) avec des temps de résidence de l’ordre de quelques jours. Leur concentration peut varier d’un ordre de grandeur en quelques heures et sur des zones de l’ordre de la centaine de kilomètres. La figure 1 représente l’épaisseur optique des aérosols déduite du capteur POLDER à bord du satellite PARASOL, grandeur reliée à la concentration en particules sur une colonne atmosphérique. L’épaisseur optique est ici essentiellement due à la présence d’aérosols d’origine anthropique dans le mode d’accumulation (particules de rayon inférieur à 0,5 µm). Émerge la pollution urbaine et industrielle asiatique (principalement Chine et Inde) à laquelle s’ajoutent la culture sur brûlis et la déforestation en Afrique Centrale, en Indonésie et en Amazonie. Cette répartition géographique dépend de la période de l’année et des conditions météorologiques plus ou moins favorables à la génération de tels phénomènes. On notera l’absence des poussières désertiques situées elles dans le mode grossier.
Rôle des aérosols sur le système climatique*
4L’estimation des forçages radiatifs des aérosols passe par une connaissance de leurs propriétés radiatives et de leur évolution en fonction des processus auxquels ils sont soumis : mélange de différents types, réactivité, vieillissement ou interaction avec les nuages. De plus, à l’échelle régionale, tous les aérosols ne vont pas forcément dans le sens d’un refroidissement et certains peuvent contribuer au réchauffement. Ainsi, un modèle simplifié reliant la variation d’albédo au sommet de l’atmosphère à divers paramètres (épaisseur optique, fraction de rayonnement* rétrodiffusée β, albédo de simple diffusion ω0 et albédo de la surface ou de la couche nuageuse sous-jacente ρs), montre que les contributions respectives de l’atmosphère et de la surface (ou du nuage) peuvent se compenser. La figure 2 présente, dans le plan des paramètres (ω0, ρs), une ligne « d’albédo critique » séparant les cas de forçages positif et négatif.
5Par exemple, au-dessus de surfaces sombres comme l’océan, l’aérosol, même absorbant, entraînera toujours une augmentation de l’albédo et donc un forçage négatif (refroidissement). Pour des surfaces plus réfléchissantes comme les surfaces désertiques (ρs = 0,5), l’effet de l’aérosol sera très sensible à sa capacité d’absorption : un albédo ω0 inférieur à 0,95 suffira pour entraîner un réchauffement. On notera également l’importance de détecter les aérosols au-dessus des nuages, tâche délicate, car pratiquement tous les types d’aérosols auront dans ces conditions un forçage positif. Certaines poussières de carbone, comme les suies de combustion absorbant très efficacement le rayonnement, peuvent ainsi, au-dessus des surfaces terrestres, contribuer au réchauffement alors que les aérosols de type sulfate ont a contrario un effet de refroidissement. Les aérosols de type désertique, suivant leurs origines et les propriétés de la surface au-dessus de laquelle ils sont observés, peuvent conduire soit à un refroidissement comme lors de leur transport sur l’océan, soit à un léger réchauffement au-dessus de nuages.
6À la surface de la Terre, quel que soit leur type, les aérosols réduisent toujours le rayonnement avec une distribution variable entre le rayonnement direct et le rayonnement diffus, ce qui peut perturber le fonctionnement de la biosphère*. Dans la couche d’aérosols elle-même, la présence de particules absorbantes comme les aérosols carbonés s’accompagne d’une modification du profil de température de l’atmosphère, et donc des conditions de formation des nuages. Cet « effet semi-direct » est conditionné bien sûr par l’épaisseur optique mais surtout par la valeur de l’albédo de diffusion simple des aérosols qui est le paramètre radiatif le plus difficilement accessible.
7Les aérosols agissent également comme noyaux de condensation et ont donc un effet indirect sur les propriétés radiatives des nuages et leur durée de vie. Une augmentation de la concentration en aérosols peut entraîner une augmentation de la concentration des petites gouttelettes et donc un renforcement de la réflectivité du nuage. Si cet effet a été observé dans des conditions spécifiques, fumées émises par les bateaux au large de la Californie par exemple, l’ordre de grandeur du phénomène à l’échelle globale reste incertain. La réduction de la taille des gouttes peut également affecter les précipitations et donc le contenu en eau liquide de l’atmosphère mais là l’incertitude est encore plus grande (cf. VI-4).
Bibliographie
Référence bibliographique
• S. SOLOMON, D. QIN, M. MANNING, Z. CHEN, M. MARQUIS, K. B. AVERYT, M. TIGNOR and H. L. MILLER - Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, Cambridge University Press.
Auteur
Physicien, Directeur de Recherche au CNRS, LOA, Villeneuve d’Ascq.
didier.tanre@univ-lille1.fr
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