6. Les continents
p. 31-32
Texte intégral
Influence sur la circulation générale
1La présence des continents sur la surface de la Terre joue un rôle considérable sur le climat. La différence entre les propriétés physiques des continents (et leur relief) et celles des océans (friction de l’atmosphère, inertie thermique, albédo*) provoque des contrastes en longitude sur les grandes structures du champ de pression qui gouverne la circulation générale et les ondes planétaires de l’atmosphère.
2Sur une hypothétique aqua planète, donc entièrement recouverte par des océans, les hautes pressions subtropicales et les basses pressions des moyennes latitudes seraient régulièrement réparties en longitude. Mais la présence de masses continentales, dont l’inertie thermique est bien plus faible que celle des océans, provoque des différences de température importantes entre les deux milieux, en particulier sur le cycle saisonnier. Ces contrastes thermiques induisent des variations de masse volumique de l’air et, par conséquent, du champ de pression. La pression atmosphérique augmente sur les continents quand ils sont plus froids que les océans, et diminue quand ils sont plus chauds.
3Les continents étant principalement situés sur l’hémisphère Nord, leur effet y est plus marqué. Ainsi, les hautes pressions océaniques subtropicales (comme celle des Açores) sont plus prononcées en été lorsque de basses pressions stationnent sur les continents, plus réchauffés que les océans par l’augmentation du rayonnement solaire. Au contraire, en hiver, quand les continents sont plus froids que les océans, ces centres de hautes pressions s’affaiblissent considérablement.
4De même, les basses pressions océaniques des latitudes moyennes (centres dépressionnaires d’Islande et des Aléoutiennes) sont bien plus marquées en hiver dans l’hémisphère Nord, lorsque les continents se sont fortement refroidis. Ces structures permanentes de haute et basse pression gouvernent les circulations de grande échelle, qui transportent les masses d’air, chaudes et humides quand elles proviennent des régions tropicales, et froides et sèches quand elles sont issues des latitudes polaires (figure).
La mousson
5La conséquence la plus frappante des contrastes entre continents et océans est l’existence d’une circulation de mousson, particulièrement développée sur l’Inde, l’Asie du Sud-Est et l’Afrique. Pendant la saison d’été de l’hémisphère Nord, les alizés de l’hémisphère Sud traversent l’équateur et sont déviés vers l’ouest. Mais, simultanément, les continents se réchauffent plus et plus vite que les océans, faisant naître une grande dépression continentale, qui transforme ces vents d’est en vent d’ouest.
6Cette masse d’air, chargée de la vapeur d’eau évaporée sur l’océan, arrive sur un continent dont la température avoisine les 40 °C, se réchauffe et devient instable, donnant lieu à des pluies convectives. De plus, la présence simultanée de la dépression continentale et du relief, important dans ces régions, favorise des ascendances de grande échelle qui amplifient fortement les précipitations. La prise en compte des propriétés physiques (végétation, relief) de la surface continentale est nécessaire pour bien représenter l’évolution de la mousson et sa variabilité.
Effets régionaux
7Pour rendre compte de ces cycles saisonniers de manière réaliste, il est nécessaire de bien évaluer tous les paramètres physiques des sols. Or leur diversité est bien plus grande sur les continents que sur les océans. La capacité calorifique des sols dépend de leur humidité, leur albédo dépend de leur couvert végétal et la friction avec l’atmosphère dépend de la turbulence* mais aussi du relief. De plus, la turbulence engendre des échanges thermiques importants dus à la conduction et à la chaleur latente* associée à l’évaporation. Or la répartition d’énergie entre ces deux flux dépend aussi de l’humidité du sol. Au-dessus d’un sol sec, l’évaporation est négligeable et le flux de conduction important alors que sur un couvert végétal bien humide, l’évapotranspiration sera prépondérante et le sol plus humide sera plus froid. C’est pourquoi, il est essentiel de bien représenter les différentes situations d’humidité et de couvert végétal pour représenter le climat terrestre. Une conséquence frappante de ces effets est observée sur le bassin du Mississipi, où l’irrigation est importante. Alors qu’on détecte un réchauffement sur les continents depuis 30 ans, la région irriguée du Mississipi a subi un refroidissement du fait du renforcement de l’évaporation par l’irrigation.
Influence sur la circulation locale
8Les contrastes de température jouent également un rôle sur la dynamique des structures de plus petite échelle, et donc sur le climat régional. La température de surface et les flux associés déterminent la structure verticale de la couche limite planétaire et la distribution des constituants émis par la surface. Généralement, les échanges sont dominés par les mouvements verticaux de la couche limite pendant la journée alors que, la nuit, ils sont liés aux mouvements horizontaux. En présence de forts contrastes de température il arrive donc souvent que des masses d’air se trouvent transportées au cours de la nuit sur des surfaces ayant d’autres caractéristiques, entraînant un effet sur l’évolution de la température de surface et de la couche limite, et la formation de nuages ou brouillards. Les contrastes horizontaux de température expliquent donc une localisation préférentielle de nuages ou de petits systèmes convectifs*.
9En Afrique de l’Ouest, le projet AMMA* a permis d’identifier des processus dynamiques dominants qui font justement intervenir ces contrastes thermiques à la surface, et dont l’effet est un renforcement de la convection. Des observations aéroportées et satellitaires faites au cours de cette campagne, ainsi que des études de modélisation, ont permis de mettre en évidence l’importance des circulations de méso-échelles* engendrées par les taches froides formées au Sahel par les événements pluvieux. Ces circulations interagissent avec le flux de mousson pour créer des zones privilégiées où les systèmes convectifs vont se développer. Nous estimons aujourd’hui qu’en début de saison, quand les contrastes thermiques sont les plus importants à cause du manque de végétation, davantage de systèmes convectifs naissent en Afrique par ce processus que sur les systèmes montagneux.
10Ces mécanismes d’interactions entre la surface et l’atmosphère semblent être primordiaux dans les tropiques pour le déclenchement de la convection mais ils ne sont pas encore représentés dans les modèles globaux et régionaux. L’intégration de ces processus dans les modèles de climat est un défi majeur pour les chercheurs.
Bibliographie
Références bibliographiques
• K. LAVAL et F. RAVETTA - La circulation générale et les ondes planétaires de l’atmosphère et de l’océan, Panorama de la Physique, Belin, 2008.
• K. LAVAL, R. RAGHAVA, J. POLCHER, R. SADOURNY and M. FORICHON - « Simulations of the 1987 and 1988 Indian Monsoons using the LMD GCM », J. of Climate, 1996.
• C. M. TAYLOR, D. J. PARKER and P. P. HARRIS - « An Observational Case Study Of Mesoscale Atmospheric Circulations Induced by Soil Moisture », Geophys. Res. Lett., 2007.
Auteurs
Physicienne de l’Atmosphère et du Climat, Professeur Émérite, Ancienne Directrice de l’École Doctorale « Sciences de l’Environnement », Ancienne Présidente du Conseil Scientifique de l’IPSL, Membre de l’Académie d’Agriculture, LMD, Paris.
katia.laval@lmd.jussieu.fr
Physicien de l’atmosphère et du climat, Directeur de recherche au CNRS, Coordinateur du programme AMMA-Europe, LMD, Paris.
jan.polcher@lmd.jussieu.fr
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