Les gisements de la Baume de Ronze et de Rochas : contribution a l’étude d’un groupe cardial Cèze-Ardèche et de ses prolongements septentrionaux
p. 513-522
Résumés
Ces deux sites font, avec une dizaine d’autres, partie d’un groupe géographiquement circonscrit, le plus septentrional de la Culture Cardiale. Le premier offre une séquence de référence où se superposent notamment : un Epipaléolithique sauveterrien, un Mésolithique original encore indéterminé, au moins deux et peut-être trois ensembles cardiaux stratigraphiquement isolés. Le second site est une petite cavité où plusieurs strates cardiales, sans doute chronologiquement très proches, sont scellées par des dépôts brèchiques. Une aire d’habitat ou d’entreposage, circulaire, est matérialisée par cinq trous de piquets et le fond de la cavité. Un examen du mobilier céramique de l’ensemble des sites concernés révèle que l’on peut parler de groupe également sur le plan culturel. On y distingue ce qu’il est possible d’interpréter provisoirement comme une évolution chronologique régulière. Les derniers stades évolutifs fournissent des critères typologiques que l’on retrouve sur les marges de l’aire cardiale, et donnent des repères chronologiques et géographiques à la périphérisation de cette culture.
With about ten others, these two sites form part of a geographically limited group, the northest of the Cardial Culture. The first one give a referencial sequence with espacially : an Epipaleolithic of sauveterrian type, an indefinite original Mesolithic, not less than two, may be three main clearly isolated cardial units. The second one is a little cave with several cardial layers probably collecting in a short chronology and sealled by hard carbonateous beds. A circular dwelling or stocking area is materialized by five postholes and the back of the cave. A study of ceramic on the whole sites also get forming a cultural group. We mark there, that able to be tempora-relly interpreted as a chronological evolution. The latest periods of that evolution give some typological criterions, which were founded on the edges of the cardial area. They can afford few chronological and geographical références about an outlying process from Cardial Culture.
Note de l’auteur
Note portant sur l’auteur1
Texte intégral
1Les gisements dont il sera question ici sont, hormis ceux qui servent pour la comparaison, concentrés dans une zone géographique restreinte de moins de 2 000 km2, limitée à l’Est par le Rhône, à l’Ouest par le rebord des Cévennes, et centrée sur les cours de l’Ardèche et de la Cèze. Géographiquement, ce territoire marque le débouché du Couloir Rhodanien sur le Bas-Languedoc. Géologiquement, il s’inscrit dans un ensemble plus vaste comprenant les marges sud-est du Massif-Central, dont on ne retiendra que les formations récentes : Crétacé, surtout représenté par l’Urgonien, formant des plateaux (de Saint-Remèze, du Massif de Lussan) profondément travaillés par les karsts ; système de fossés d’effondrement, dont le principal, celui d’Alès-Saint Ambroix-Barjac, orienté NNE-SSW, passe dans la zone étudiée en formant un axe de circulation naturel recoupant les bassins de l’Ardèche, de la Cèze et du Gardon.
2Les cours de l’Ardèche et de la Cèze, distants d’une dizaine de kilomètres, et leurs abords proches, présentent, au stade actuel des recherches, une série d’une quinzaine de sites se rapportant au Néolithique ancien méditerranéen, que leur nombre et leur concentration autorisent à interroger comme groupe géographique spécifique, le plus septentrional reconnu à ce jour dans le Sud de la France. Les recherches des années cinquante à soixante à Montclus, Ronze, Chazelles, Oui-lins, reprises et amplifiées par celles des années soixante dix à L’Aigle, Combe Obscure, Saint-Marcel, à nouveau Oullins et Ronze, complétées par des trouvailles plus isolées, ont fourni la documentation. Mais les publications restent, à part exceptions, rares et lacunaires et il reste très malaisé d’approfondir l’analyse pour savoir s’il s’agit aussi d’un « groupe stylistique » original avec évolution interne. Nous présenterons d’abord l’état des travaux sur les deux gisements dont nous assurons l’étude, avant d’aborder les problèmes d’identification et de périodisation du groupe.
A. La Baume de Ronze à Orgnac-l’Aven (Ardèche)
3Ce gisement a une position originale, se situant à égale distance de l’Ardèche et de la Cèze. Il occupe un site impressionnant : aven partiellement effondré et en voie de comblement présentant une vaste dépression, une plate-forme située à 15 m en contre-bas, et un abri de 1250 m2 orienté plein Sud. Plusieurs unités de fouilles ont été ouvertes (Beeching et Moulin, 1981), dont deux concernent notre propos : Le Sondage 1, de 4 m2, seul endroit où ont été touchées et observées les séquences Epipaléolithique, Mésolithique, et les ensembles inférieur et moyen du cardial ; la Zone 1, de 24 m2, où sont privilégiées les observations planimétriques, actuellement sur l’ensemble cardial supérieur.
1) La stratigraphie et les séries pré-Néolithiques
4Par commodité, toutes les couches mentionnées le sont avec la numérotation établie dans le Sondage 1.
S.75 : Ensemble de base actuellement atteint, il s’agit d’un cailloutis cryoclastique, jaune, anguleux, de 1 à 5 cm, à matrice fine rare, correspondant peut-être à la fin du Dryas. Les quelques pièces lithiques recueillies ne sont pas interprétables.
S.56a à S.74 : Imbrication très complexe de multiples dépôts lenticulaires de faible ampleur. La matrice est très fine, argileuse. Un cailloutis homométrique (0,5 à 3 cm) de petite taille, altéré, abondant vers la base et de plus en plus clairsemé vers le haut de cet ensemble, alterne avec des strates plus anthropogènes. Les coquilles de nemoralis sont fréquentes, surtout dans les dépôts supérieurs. Le mobilier est abondant. Il s’agit d’un Epipaléolithique de type sauveterrien où l’on remarque surtout les micro-lamelles à un ou deux bords abattus, parfois véritables triangles retouchés sur les trois côtés. La date de 8480 ± 190 BP, obtenue pour 57, donne un terminus pour une séquence sauve-terroïde apparemment assez ancienne.
S.44a à S.56a : Ensemble de lentilles de sédiment limono-argileux où les fragments calcaires sont devenus très rares. Les coquilles de nemoralis sont très fréquentes. Le mobilier lithique est abondant, d’une très notable pauvreté. Le matériau est plus médiocre, le débitage uniquement par éclats irréguliers. Les « outils » sont rares. Les grattoirs-racloirs grossiers et souvent denticulés, apparus en 58d perdurent, associés à des grattoirs ronds plus réguliers et à des lames à dos naturel et à retouches marginales fines. Aucun microlithe ni produit de la technique du micro-burin n’ont été trouvés dans plusieurs milliers de fragments. Si les points communs existent avec le Mésolithique de type Castelnovien, présent à Montclus, on ne peut que noter aussi un écart important. Mais l’absence de critère (en l’occurrence les microlithes géométriques) ne suffit pas à caractériser une industrie. Il y a là un problème important pour les processus de Néolithisation de cette région puisqu’il y a, ici, passage à un Cardial assez précoce (S.44), alors qu’il y a Castelnovien tardif mais pas Cardial précoce à Montlcus et Cardial précoce mais pas Mésolithique à Oullins et à l’Aigle.
S.40 à S.43 : Ensemble de 0,50 m d’épaisseur d’un limon granuleux gris-jaune très riche en plaquettes calcaires émoussées. Deux aires de combustion de un mètre de diamètre subdivisent cet ensemble, qui est séparé du précédent par un horizon de concrétionne-ment. C’est une limite sédimentologique importante puisqu’elle sépare deux ensembles du Cardial.
S.39 et au-dessus : sur un mètre d’épaisseur, alternance rythmée de fortes strates limoneuses et de dépôts plus nettement anthropiques. Sur le plan culturel, il s’agit de la séquence chasséenne et, à sa base, d’un ensemble de la fin du Néolithique ancien.
2) Le Cardial
5Au stade actuel des travaux, nous regroupons provisoirement le mobilier en trois ensembles, selon les deux grandes coupures sédimentologiques.
Ensemble inférieur : Il se limite pour le moment à un seul décor céramique, au bord de coquille dentelée, de nombreuses lignes parallèles orthogonales à une ligne unique (fig. 1:19). Il s’agit probablement d’un fragment de décor principal : bande horizontale ou panneau vertical. D’autres tessons, non décorés, attestent, comme celui-ci, d’une pâte en partie dégraissée à la chamotte.
Ensemble moyen (S.40 à 43) : Le mobilier est plus fourni, grâce à notre sondage et aussi aux séries de l’Abbé Roux, dont la couche 9 (Combier, 1959) a pu être correlée avec cet ensemble (fig. 1 : 13à 16, d’après Roudil et Soulier, 1979). On note :
deux décors verticaux simples, exécutés au rebord de coquille (fig. 1 : 13, 14).
un fragment de bande horizontale et de pendentifs triangulaires ; même technique (n° 10)
un tesson (n° 15) comportant en même temps un décor « peigné » au rebord de coquille traîné, et des séries d’estampages digités autour d’une anse en boudin.
un fragment d’anse en ruban, large et fine (n° 9)
deux récipients inornés de fort diamètre, soignés et fins de parois (n° 12, 18)
6Plus de 50 % des pâtes sont en partie dégraissées à la chamotte.
7L’industrie lithique n’est pas encore très caractérisée, semble-t-il dans la continuité du Mésolithique précédent, avec en plus quelques pièces sur silex plus fin. La présence en S.43 d’un microlithe du type « triangle de Châteauneuf » est exceptionnelle. Elle caractérise le Mésolithique à triangles et trapèzes, dont le Castelnovien de Montclus. Il est quasi absent du Néolithique ancien, si ce n’est, en Provence à l’Abri du Capitaine, C. 18, et en Languedoc occidental à Gazel, Eb.C2b, position signalée comme incertaine (Guilaine et alii, 1979).
Ensemble supérieur (S.36 à 40) : On peut envisager, ici, l’existence de deux « sols » d’occupation, séparés par un limon. Ils ont pu être observés chaque fois sur 24 m2.
L’occupation supérieure (S. 38 à 36) présente un dépôt de forme ovoïde régulière, de 20 m2, d’un sédiment hétérogène à dominante grise, se rattachant à une série de couches bien observées dans le Chasséen sus-jacent, et que l’on peut interpréter comme des résidus de litières animales (Beeching et Moulin, à paraître). Nous aurions là un emplacement de parcage de troupeau, comme le confirmeraient les très abondantes couronnes dentaires d’ovi-capridés recueillies dans le limon du pourtour. On y a recueilli quelques tessons :
un décor de ligne d’incisions profondes en S, opérées sur pâte sèche (fig. 1:1)
un mamelon perforé (n° 4)
deux fragments de bords inornés, à parois fines, de couleur claire (n° 2,3).
8Il faut signaler aussi deux armatures tranchantes triangulaires à retouches plates.
L’occupation inférieure (S.40) est marquée par un sol archéologique très bien conservé, montrant des aires charbonneuses et cendreuses, trois emplacements de combustion (foyers à plat non délimités), des enfoncements de piquets et une série de 160 pièces de mobilier. Sa fouille est encore en cours.
9L’industrie lithique est mal caractérisée : éclats épais et fragments de lames, dont une à deux coches alternes symétriques.
10Parmi la céramique, il faut retenir :
une anse en boudin présentant sur un côté une ligne d’impression verticale au cardium (fig. 1 :8).
trois formes inornées, dont un col (n° 6) et deux bols en calotte (n° 5,7).
11Les pièces trouvées dans le limon 38 ne nous paraissent pas pouvoir être rapprochées avec sureté de celles des sols supérieur ou inférieur tant que la sédimentologie n’aura pas éclarci son mode de formation par rapport à eux. On considérera donc provisoirement l’ensemble comme un tout.
Hors-stratigraphie : Signalons les pièces céramiques provenant de fouilles anciennes (Musée d’Alès puis des Vans) ou de ramassages dans les déblais (coll. Gilles et coll. Mercier) :
bol hémisphérique avec anse en boudin et décor « peigné » exécuté au rebord de coquille traînée (fig. 1 : 21).
autre forme en segment sphérique portant un cordon horizontal estampé à la baguette (n° 22).
deux fragments d’un vase sub-sphérique à col cylindrique, orné de cordons verticaux plats décorés à la coquille, allant de la lèvre à l’anse en ruban (n° 23)
une anse en ruban ornée d’une protubérance régulière en bouton (n° 20).
B. La grotte aven de Rochas à Saint-Remeze (Ardèche)
12Au cœur et en rive nord des gorges de l’Ardèche, la cavité s’ouvre dans une ligne d’abris, à une centaine de mètres au-dessus du cours d’eau et à une trentaine sous le rebord du plateau. Une première salle, de dimensions modestes (13x6 ), régulière et bien éclairée, naturellement subdivisée en deux par des masses stalagmitiques importantes réduisant les surfaces libres actuelles à 35 m2, conduit à un important réseau karstique vertical. Une intervention de sauvetage, mettant fin à d’importantes destructions, a permis la fouille, sur 14 m2, d’une série de strates cardiales enfouies de 0,20 à 0,50 m de profondeur. Une forte remontée de socle rocheux et des brèches de base, au niveau des masses stalagmitiques, ont séparé deux ensembles de couches, sans grande possibilité de corrélation. On peut distinguer :
1) Partie avant :
13La séquence stratigraphique atteint 0,80 m, dont 0,50 m pour les couches 3 et 4.
141 et 2a : couches modernes et médiévale.
152b-terre granuleuse gris-brun pouvant correspondre à un Néolithique final.
163 et 4- Important complexe de dépôts stalagmitiques très durs, imbriqués, provenant de ruissellements à partir de 4 points différents de la cavité, interstratifiés de maigres et brefs dépôts de sédiments archéologiques très lessivés. Les charbons de bois et les tessons sont un peu errodés. Seules les trois strates inférieures (4 e,f,g) contiennent un mobilier bien conservé. Comme elles s’appuient toutes les trois nettement sur le rocher de base et qu’elles ne sont séparées que par des subdivisions de concrétions dans une dépression naturelle, nous émettons l’hypothèse qu’il s’agit d’un même ensemble archéologique, que nous rapportons à l’ensemble inférieur (4.3) de la séquence du fond de la grotte.
2) Partie arrière :
17La séquence totale ne dépasse pas 0,20 à 0,25 m.
181 et 2 sont ici très ténues, 3 est absente.
194 est une séquence de dépôts stalagmitiques brèchi-fiés, lités horizontalement, à fragments calcaires rares en haut, abondants et anguleux au centre, fréquents, errodés et enrobés de calcite à la base, séparant trois strates minces de sédiments archéologiques ; de haut en bas : 4.1, 4.2, 4.3. Cette dernière repose directement sur le rocher ou sur un très fort cailloutis cimenté.
20Il convient de signaler qu’à l’approche de la masse stalagmitique centrale, dans laquelle tous ces niveaux semblent venir s’imbriquer, du mobilier repris des strates archéologiques sous-jacentes est parfois présent dans les brèches, rendant les délimitations stratigraphiques plus floues et nous forçant à poser le problème de la réelle chronologie de ces dépôts, l’ensemble pouvant être assez rapproché.
3) La structure d’habitat :
21Le contrôle des zones perturbées anciennement a permis le dégagement de tout le fond de la cavité, au niveau du cailloutis induré de base. Plusieurs trous réguliers sont apparus dans ce substrat. La fouille des brèches conservées le long de la paroi nord-ouest en a livré deux autres, l’un clairement, l’autre moins nettement creusée à partir de l’ensemble cardial, sans qu’il soit possible, ici, de préciser depuis quelle strate d’occupation. Ces huit trous ont entre 10 et 18 cm de diamètre et entre 6 et 15 cm de profondeur conservée dans le substrat. Ils y sont parfaitement fossilisés. L’absence de piquetage indique un creusement dans un sédiment peu ou non induré. L’induration, sans doute contemporaine de la formation des brèches cardiales, indiquerait un fort ruissellement à cette période.
22Cinq de ces trous, dont les deux datés, forment un arc de cercle régulier, barrant le fond de la cavité, et formant avec son fond en abside une aire circulaire de 4 m de diamètre, soit un peu plus de 12 m2. Il paraît probable que la structure soit datable du Cardial comme les deux trous de piquets mentionnés. Elle est tout à fait originale en grotte pour cette période. On ne rappellera que pour mémoire l’aire empierrée subcirculaire de 16 m2 environ de l’habitat de plein air de Courthézon, Vaucluse (Courtin, 1976) et, au-delà, la forme circulaire de la plupart des structures du premier Néolithique méditerranéen, comme la constance de cet ordre de grandeur dans l’habitat circulaire (tipi, tentes des esquimaux, des lapons, des somalis... yourte, iarangha et igloo les plus petits...) de populations nomades ou semi-nomades du monde entier (Deffontaines, 1972 ; Couchaux, 1980), pour établir que cette structure découle d’un type bien connu d’habitat temporaire ou itinérant. La topographie des gouttières, effectuée lors du plus fort orage de 1981, indique une surface épargnée correspondant à cette cellule circulaire. Avec la meilleure conservation de la chaleur, ce sont autant d’arguments qui peuvent justifier cette implantation.
4) Le mobilier cardial :
23– Ensemble inférieur(4.3 et 4 e,f,g) : Les vestiges osseux et l’industrie lithique sont rares, comme dans tout le gisement. Dans la céramique, on distingue :
vase ovoïde à bord rentrant et lèvre ourlée, portant une anse en ruban surmontée d’un bouton et un cordon sub-horizontal digité (fig. 2 : 25)
deux autres vases portant un cordon digité (n° 22,23)
trois tessons à décors verticaux simples exécutés à la coquille (n° 20,21, 28) limités chez l’un par deux lignes horizontales peu marquées.
fragment d’anse en ruban décorée de coups de poinçon profonds (n° 29)
petit tesson portant un décor peu net de sillon/cannelure bordé de coups brefs peu marqués exécutés avec le même instrument (n° 27)
vase de forme simple portant en décor : une série de panneaux de traits parallèles verticaux en nombres répétés (5 fois 5, 2 fois 7, 1 fois 9 traits) exécutés par incisions de netteté très variable, recoupés ou soulignés par des lignes horizontales très ténues (n° 24).
quatre fragments de bords inornés, dont un de bouteille à col court (17-19, 26)
24– Ensemble moyen (4.2) : Le décor céramique est principalement exécuté au rebord de coquille dentelée. Les thèmes sont les suivants :
lignes parallèles simples, sans orientation possible (fig. 2:11)
lignes parallèles simples sub-horizontales près de la lèvre (n° 16)
lignes parallèles horizontales simples, formant un décor couvrant très profondément marqué sur trois faces d’un appendice de préhension indéterminé (n° 15)
fragment de bande horizontale principale d’un décor composé comprenant : lignes parallèles verticales et horizontales et amorce d’un pendentif triangulaire (n° 10)
autre élément de bande composée à disposition de métope (n° 12)
fragment de cordon digité (n° 13)
sept bords de récipients probablement inornés, dont l’un souligné par un mamelon allongé (n° 4-9, 14).
25– Ensemble supérieur (4.1) : Seules trois pièces caractéristiques sont à signaler :
un fragment de décor à la coquille (fig. 2 :3) semblable au n° 10 de l’ensemble précédent (même vase probable).
deux fragments de bords inornés, dont l’un est orné d’un mamelon (n° 1,2).
Hors-stratigraphie :
décor exécuté au dos de cardium sur cordons verticaux ; impressions à la baguette sur cordon horizontal (fig. 2 :31).
deux fragments de pendentifs triangulaires exécutés à la coquille (n° 32,33).
lignes verticales à la coquille mordant sur un cordon horizontal (n° 34).
jarre ovoïde inornée, dont la technique de montage ne semble pas être celle du colombin
fragments de deux vases au décor à la coquille irrégulier et totalement couvrant. L’un a la lèvre renflée par un mamelon allongé.
bord souligné par des lignes de coups d’ongle.
deux armatures tranchantes à retouches latérales abruptes.
C. Les comparaisons
26Nous ne reprenons pas le jeu classique et un peu vain des comparaisons de pièce à pièce avec d’autres sites. Les séries sont si inégales et variables que le stade actuel de la recherche nous semble devoir être de tenter des regroupements provisoires de compréhension. Nous partons pour cela du postulat que tous les niveaux du Cardial de ce groupe sont les étapes du « déplacement » dans l’espace et le temps d’une seule et même population. Nous en restons aussi à la frange céramique du seul mobilier, repoussant donc à plus tard l’examen de critères plus complexes du « changement culturel ».
27Nous nous référons aux séries publiées, auxquelles nous renvoyons, de la Grotte de l’Aigle à Méjannes-le-Clap (Roudil et Soulier, 1979), de la Baume d’Oullins à Labastide-de-Virac (Cauvin, 1959 ; Roudil, 1966), de la grotte de Chazelles à Saint-André de Cruzières (Combier, 1977), Saint-Paulet-de-Caisson (Roudil et Soulier, 1979, fig. 36), Combe Obscure à Lagorce (Saumade, 1972,1979), Grotte de Saint-Marcel (Gilles, 1982), Baume de Montclus (Escalon, 1964 etc.). Nous avons également retenu la Baume Bourbon de Cabrières, Gard (Roudil, 1974), située au sud du Gardon pour l’intérêt qu’elle présente par son association de décors variés, ainsi que l’abri de Brugas à Vallabrix, Gard (Roudil et Soulier, 1979, fig. 37 et 38), situé entre Cèze et Gardon, et pouvant être examiné dans les deux groupes géographiques. Signalons aussi la trouvaille inédite, que nous permet de signaler M. Gilles, d’un décor de cordons lisses verticaux parallèles et de grappes de pastilles rapportées à la Grotte de Château-vieux à Aiguèze, Gard.
28Nous avons retenu 19 critères simples, descriptifs du décor et des préhensions (fig. 3) ; les derniers ont été isolés. Le décor a été regroupé comme suit, les cinq premiers étant exécutés à la coquille : 1) élément de bandeau, ou bande, horizontal complexe ; aucun classement des agencements ne semble actuellement possible dans ce corpus hétérogène. 2) élément de métope, ou panneau, verticaux. 3) élément de décor couvrant horizontal simple. 4) lignes verticales simples ; la difficulté à juger s’il s’agit ou non d’un élément de décor plus complexe est parfois levée par la présence du bord, en faveur de la seconde solution. 5) décor « peigné » de lignes exécutées au bord de coquille. On trouve par ailleurs : 6) les estampages ou impressions brèves exécutées sur la panse ou base d’anse avec divers instruments (poinçon, peigne ?, coups brefs organisés de rebord de coquille) 7) décor estampé exécuté en plein panse, soit au doigt (le plus souvent) soit avec une spatule étroite, provoquant dans les deux cas un « pincement » de la pâte. 8) décor estampé sur cordon ; nous regroupons les digitations et les coups de « poinçon » ou de « baguette » qu’un premier essai non pertinent avait d’abord tenté de séparer. 9) cordon lisse. 10) cannelure large. 11) sillon : ligne incisée étroite, profonde et rec-tiligne. 12) sillon-cannelure : catégorie intermédiaire entre les deux précédentes, sans laquelle bon nombre de décors ne peuvent être situés. 13) incisions brèves curvilignes, exécutées à l’ongle, à la tige creuse, ou par scarification. 14) pastillage. On remarquera un certain déséquilibre entre des classes simplement technologiques et celles qui décomposent l’emploi de la coquille, ceci pour tenir compte de la réalité de l’information.
29Il serait trop long de discuter les choix d’attribution que nous avons fait pour les sites pris en compte. Le tableau (fig. 3) montre le résultat d’une diagonalisation visant à chercher une évolution que nous pouvons déclarer chronologique, compte tenu des superpositions stratigraphiques. Son irrégularité est patente. Cela vient de plusieurs faits. Les strates pauvres provoquent des « blancs » et restent difficiles à placer par manque d’association de critères ; la seule mention de présence/absence a été tempérée par la prise en compte des hautes fréquences de présence. La complexité des agencements de critères rend pourtant selon nous très bien compte de celle de leurs causes. C’est-à-dire, si l’on excepte les 4 ou 5 premiers niveaux, qui semblent former un groupe plus ancien homogène, défini par la grande variabilité de l’emploi de la coquille et des estampages, les possibilités d’associations semblent multiples et parfois contradictoires, comme à un carrefour culturel (et, notamment, chronologique, si cela a un sens !). Discutable dans le détail, la progression que nous proposons, aide à fixer les grandes lignes d’une évolution.
30Il est intéressant de voir que le décor à la coquille se maintient tout au long de l’évolution, avec les agencements les plus complexes. Le cordon estampé apparaît tôt, mais disparaît avant le terme. Le cordon lisse et la cannelure semblent caractériser la phase moyenne. C’est également le cas des incisions curvilignes, d’apparition tardive et de durée faible. Les pastillages se prolongent un peu plus. Enfin, les sillons et sillons-cannelures, qui semblent aller de pair, perdurent les derniers. Le bouton sur anse paraît, lui, plutôt ancien. L’examen des dates 14C connues, dont il n’a pas été tenu compte pour ce classement, confirme cette évolution. Seules celle de l’Aigle, notoirement erronée, et celle de Rochas inférieur dénotent, dans ce dernier cas, la grande marge d’incertitude autorise aussi cette position. On voit que la plupart des sites se concentrent entre 6400 et 6000 BP, ce qui explique la difficulté à faire ressortir les critères classificatoires pertinents. La date de Chazelles supérieur n’est sans doute pas loin de décrire une réalité.
31S’il se confirme ici que l’Aigle et Oullins sont proches et attribuables à un Cardial moyen (Roudil et Soulier, 1979), la grande majorité du groupe est assez récente. L’appellation de Cardial final nous semble encore la plus utilisable actuellement, faute de pouvoir fixer des seuils et juger de changements culturels significatifs, et, bien que l’arrivée de nouveaux thèmes décoratifs ne soient pas négligeables. On dénote en cela une évolution parallèle à celle des groupes provençaux, où l’emploi de la coquille dure très longtemps (Courtin, 1974). La parenté va plus loin. Signalons la communauté des thèmes décoratifs à la coquille entre Courthézon (Courtin, 1975) et les niveaux les plus anciens du groupe Cèze-Ardèche, les incisions curvilignes à Fontbrégoua, Gemenos, Esca-nin (Montjardin, 1973) et à Montclus, Ronze, la présence de pastilles groupées souvent associées à des cordons lisses dans les mêmes sites provençaux et à Chazelles, Aiguèze, Baume Bourbon.
32Le décor considéré comme le plus clairement épicardial : sillon ou sillon-cannelure organisé en métopes ou réseaux orthogonaux (Montjardin, 1973) peut marquer une parenté entre Languedoc oriental et Hérault. Le réseau de cordons lisses orthogonaux semble par contre un élément méridional de l’Hérault (Camprafaud ; Rodriguez, 1970) à la Provence orientale (Saint-Mitre, Lombard) en passant par Châteauneuf et les sites du Gardon (Latrone, Bourbon) avec une remontée jusqu’à la Cèze mais pas l’Ardèche. L’identité régionale est donc difficile à définir. On peut peut-être voir une parenté entre la Provence et le Nord du Languedoc oriental et entre le Sud de cette région et le Languedoc occidental, et continuer à étudier comme tel un groupe Cèze-Ardèche, à condition de n’en pas faire une entité fermée.
D. Les prolongements septentrionaux
33Nous voulons rappeler ou signaler ici quelques documents recueillis au Nord de ce groupe, de part et d’autre du Rhône et qui permettent de juger des modalités de périphérisation de la civilisation cardiale :
le site de plein air de Clansayes, Drôme, est signalé depuis quelques temps (Courtin, 1975). Nous avons reconnu, dans la collection de M. Soleymat, deux tessons du Cardial qui en proviennent : l’un décoré à la coquille de lignes orthogonales (Beeching, 1980, t. 2, pl.140); le second portant des cordons lisses orthogonaux.
l’Abri de Chauvac à Lus-la-Croix-Haute, Drôme (Chaffenet, 1976) où, sous un cailloutis auguleux jaune a été recueilli au moins un des trois tessons publiés : deux portant des estampages curvilignes organisés en lignes ou groupés ; l’autre montrant un réseau de lignes incisées organisées en damier... et une industrie microlithique.
le site de plein air de La Bregdule à Soyons, Ardè-che, où un sauvetage que nous venons d’effectuer a montré une très belle stratigraphie avec, à sa base, une couche cardiale épaisse de 0,50 à 0,60 m. D’un empierrement de cette couche proviennent plusieurs tessons, dont l’un porte un décor horizontal couvrant exécuté au bord de coquille dentelé. La fouille sera poursuivie sur ce site capital présentant le décor à la coquille et la couche d’habitat actuellement les plus septentrionaux de cette civilisation.
la station des Brûlades aux Estables, Haute-Loire (Daugas, 1976), située à 1500 m d’altitude où est présent un décor de cordons lisses verticaux et de pastilles organisées.
la Grotte Rouge du Brunelet à Brives-Charensac, Haute-Loire, où a été trouvé un tesson orné de cannelures verticales (renseignement inédit mentionné grâce à l’obligeance de J-J Houdré et J. Vital (à paraître).
34On voit que ces marges de l’aire cardiale présentent très majoritairement des critères décoratifs de la deuxième moitié de l’évolution du Groupe Cèze-Ardèche (à partir de 6300 BP environ). Qu’ils soient issus de ce groupe où de celui du Vaucluse, on entrevoit que la périphérisation ultime du cardial s’est opérée tardivement, sans doute à partir des groupes régionaux les plus septentrionaux, après une longue phase de maturation d’un millénaire dans la bande côtière des 100 km. Il se confirmerait que le décor à la coquille, tout en se raréfiant, perdure encore en se périphérisant.
35Pour finir par une extrapolation prospective, ne peut-on pas considérer les cordons lisses, parfois remontant jusqu’à dépasser de la lèvre, de Granges, Saône et Loire et Charigny, Côte d’Or (Gallay, 1977), l’anse ornée de deux renflements de Gonvillars Xb, Haute-Saône (Petrequin, 1970), les décors plastiques et estampés du Groupe d’Augy (Bailloud, 1976)... comme les lointains prolongements de ces périphérisations tardives du Néolithique ancien méditerranéen ? Ce ne sont même pas des présomptions, peut-être des pistes de travail.
Bibliographie
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Notes de fin
1 U.R.A. 36 du C.N.R.S., 4, place des Ormeaux, 26000 Valence.
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