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Avant-propos

p. 12-13


Texte intégral

1Cet ouvrage fait suite à un colloque qui a convié la communauté des archéologues à une réflexion sur l’état de leur discipline, ses enjeux théoriques et méthodologiques et ses perspectives d’avenir. Il n’a pas pour but de présenter une synthèse des connaissances archéologiques actuelles. Un volume n’y suffirait d’ailleurs pas. Il existe par ailleurs d’excellentes synthèses par période et aire culturelle. En revanche, les nouvelles techniques développées au cours des trente dernières années, auxquelles il faut ajouter la multiplication des découvertes récentes due au développement considérable du nombre d’opérations archéologiques préventives, ont renouvelé en profondeur notre manière de faire de l’archéologie et nos connaissances dans de nombreux domaines. Nous voulions faire un état des lieux, un bilan sur l’archéologie française et ses perspectives, et surtout présenter les avancées, les « fronts » de la recherche.

2L’archéologie s’est professionnalisée pendant la seconde moitié du XXe siècle et la communauté des chercheurs est aujourd’hui très diverse, avec des archéologues dédiés à une période et une aire culturelle données et d’autres, spécialisés dans de nombreux domaines distincts. Parmi ces derniers, et sans que la liste soit exhaustive, on peut citer les chercheurs travaillant sur les environnements et les climats du passé, les « dateurs », les épigraphistes, les archéomètres, les anthropologues biologistes, les architectes, les technologues… Cette spécialisation est nécessaire, puisque nous savons qu’aucun d’entre nous n’est capable de dominer toutes les périodes, toutes les aires et et toutes les spécialités couvertes par le champ de l’archéologie. On peut dire des archéologues ce que Jean-François Sirinelli dit des historiens, dont la « corporation reste bien, à certains égards, un agrégat de compétences accolées » (Sirinelli 2010, p. 8).

3Procéder à une photographie de la discipline et à une projection dans le futur impliquait d’opérer des choix. Il était en effet impossible de prétendre à l’exhaustivité, de convier tous les archéologues et de rendre compte de toutes les branches de la discipline en trois jours de colloque et une trentaine de communications. Sachant que tous les domaines archéologiques sont en perpétuelle évolution, ne serait-ce que par la magie des découvertes, fortuites ou résultant de prospections systématiques, nous avons privilégié des thématiques plutôt que des aires culturelles, ce qui aurait nécessairement fait des mécontents. Nous avons essayé de dégager, par thématiques, les avancées les plus patentes de l’archéologie. Les choix ont toujours été opérés dans le souci constant de ne léser aucun secteur de l’archéologie. Nous avons aussi tenté de mettre en avant des secteurs souvent délaissés, comme l’archéologie extra-européenne ou certaines thématiques tenues pour marginales telle l’étude des colorants…

4Nous avons voulu insister aussi sur l’étroite relation que l’archéologie entretient avec d’autres disciplines – histoire, épigraphie, papyrologie, anthropologie, géographie pour n’en citer que quelques unes. Pour ce faire, nous avons ouvert le colloque par une table ronde qui réunissait plusieurs spécialistes d’autres disciplines collaborant avec des archéologues ou bien des chercheurs venus d’ailleurs et possédant par conséquent une double formation (Braemer et al. ce volume, p. 39). Il faut ajouter à ces disciplines l’importance récente des outils informatiques – dont nous verrons quelques exemples d’utilisation dans cet ouvrage – qui ont permis le renouveau des pratiques dans certains domaines, sans compter l’accroissement considérable des bases de données, corpus et publications numériques accessibles sur Internet.

5Outre le morcellement nécessaire dû aux différents champs disciplinaires et spécialités dont elle s’occupe, l’archéologie doit composer avec de nombreuses institutions différentes : CNRS1, Ministère de la Culture et de la Communication, Universités, Ministère des Affaires étrangères et européennes, collectivités locales et territoriales, Inrap2, écoles françaises à l’étranger – École française de Rome, École française d’Athènes, Casa de Velasquez, École française d’Extrême-Orient, Institut français d’Archéologie orientale au Caire (Demoule ce volume, p. 39). Par ailleurs de nombreux archéologues appartiennent à des institutions prestigieuses comme le Collège de France, l’École pratique des hautes études ou encore sont membres de l’Institut (Académie des Inscriptions et Belles-lettres). Mais cette dispersion institutionnelle n’empêche pas l’archéologie de progresser puisque ces chercheurs venus de différents horizons se retrouvent au sein des Unités mixtes de recherche. C’est pourquoi l’objectif du colloque a été aussi de renforcer la cohésion et la collaboration entre les différents acteurs institutionnels de l’archéologie et d’améliorer la visibilité de la discipline, qui souffre de cet éparpillement.

6Notre projet de colloque s’est finalement cristallisé autour de l’interdisciplinarité. Durant les trois dernières décennies, de nouvelles techniques d’acquisition des données sur le terrain ont été élaborées : les méthodes de prospection et de diagnostic permettent d’appréhender des sites et des terroirs toujours plus étendus et de manière toujours plus précise ; l’intégration de procédures normalisées et de nouveaux outils permettent de gérer une quantité d’informations dont la croissance est exponentielle ; les lieux les plus reculés sont atteints par une archéologie de l’extrême, qui se pratique maintenant aussi bien dans les profondeurs marines que dans les déserts les plus hostiles, sans oublier les grands décapages de l’archéologie préventive qui entraînent une accumulation de données sans précédent.

7L’archéologie occupe une place originale au sein des sciences humaines : d’une part parce que plus que d’autres, elle est au carrefour entre les disciplines historiques, géographiques et anthropologiques, d’un côté, et les sciences biologiques, physiques, informatiques et chimiques, de l’autre ; d’autre part parce que les archéologues sont devenus des acteurs économiques importants qui interviennent dans la définition des politiques d’aménagement du territoire et dans la valorisation et la conservation des patrimoines de l’humanité. C’est ce double statut, de scientifique et d’acteur économique, qui rend le nouveau métier d’archéologue à la fois passionnant et plein de contradictions et qui doit être au cœur des réflexions sur l’avenir de la discipline.

Notes de bas de page

1 Centre national de la recherche scientifique.

2 L’Institut national de recherche archéologique préventive est en charge du diagnostic et de la fouille des sites archéologiques avant l’intervention des aménageurs.

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