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2. Bien identifier les verrous technologiques pour accélérer la transition énergétique

p. 300-301


Texte intégral

1La croissance démographique et économique mondiale pose un quadruple défi en matière d’énergie : la disponibilité à un prix abordable des technologies nécessaires (production, transformation, distribution, consommation), la préservation de notre environnement et santé, la limitation du risque climatique et la gestion économe des matières premières avec l’impératif d’un développement durable.

2Une solution semble s’imposer : elle repose sur le triptyque « sobriété, efficacité et décarbonisation ». Elle requiert de passer d’un modèle mondial basé à plus de 80 % sur l’usage des énergies fossiles qui s’épuisent vers un modèle où domineront de manière complémentaire les énergies renouvelables et nucléaires. Cette transition doit s’accompagner d’une meilleure efficacité énergétique des technologies les plus consommatrices, notamment dans l’industrie, et d’une modification du comportement des usagers.

Défis pour chaque filière

3Les experts de l’ANCRE (Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie) ont analysé les différentes filières possibles, en évaluant leur maturité technologique et industrielle, leur valorisation et rentabilité, ainsi que leur impact environnemental. Chaque ressource présente des avantages et inconvénients et pose des défis spécifiques. Pour certaines, l’amélioration des technologies existantes peut suffire à proposer une solution durable économiquement et écologiquement viable. Pour d’autres, une rupture sera nécessaire.

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Fig. 1 – L’énergie : le nouveau paradigme. © Yuvanoé/CEA

4Dans le domaine de la biomasse, les développements thermochimiques (notamment la gazéification pour produire des biocarburants de synthèse) nécessitent de lever deux verrous : la gestion des composés inorganiques, poussières et autres goudrons* qui altèrent le fonctionnement des installations, et la variabilité des propriétés de la biomasse (densité, granulométrie, humidité, etc.) qui nécessite une préparation adaptée à l’utilisation souhaitée. Dans le domaine des énergies fossiles, tout en réduisant le flux global de leur usage, il faut améliorer la récupération des huiles et gaz conventionnels ou non conventionnels, tout en minimisant l’empreinte environnementale de leur exploitation, notamment par la mise en œuvre du captage et de la valorisation du CO2 (cf. VIII.11-12). Les métaux stratégiques qui partagent plusieurs caractéristiques avec les hydrocarbures (ressources limitées, concentration géographique, impacts environnementaux) joueront un rôle majeur dans l’essor des énergies renouvelables (cf. II.13). Leur recensement et l’amélioration de leur exploitation et de leur recyclage par des technologies d’enrichissement sûres et propres sont essentiels. Concernant l’énergie nucléaire, la recherche doit progresser dans plusieurs domaines : sur les matériaux de structure afin de mieux évaluer le vieillissement des composants des réacteurs (cf. IV.5) ; sur la modélisation multi-échelle* pour fonder les autorisations de prolongation d’exploitation sur des bases sûres ; et enfin, sur les nouveaux matériaux pour les réacteurs à neutrons rapides ou à fusion et pour le conditionnement des déchets radioactifs (cf. IV.6). Pour accélérer le développement de l’énergie solaire, il sera nécessaire d’augmenter le rendement et la durabilité des installations, tout en diminuant leur coût de fabrication. Cela passe par une réduction des quantités de matériaux engagés, une limitation du recours aux métaux rares et l’amélioration de leur recyclabilité. L’intermittence de l’énergie solaire impose de trouver des moyens à bas coûts de stockage de l’électricité et de la chaleur produites. Pour les énergies marines ou éoliennes, il faut améliorer l’évaluation et la prédiction de la ressource avec le développement d’outils de modélisation numérique spécifiques. Des solutions innovantes de raccordement vers le rivage sont également indispensables.

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Fig. 2 – Plaques d’une pile à combustibles de nouvelle génération. © P. Stroppa/CEA

Enjeux et défis des usages

5Avec un quart de la consommation mondiale d’énergie, presque autant des émissions de CO2 et une dépendance quasi-exclusive au pétrole, les transports sont l’un des paramètres majeurs de l’équation énergétique mondiale. L’électrification totale ou partielle des véhicules routiers offre un fort potentiel d’amélioration, mais se heurte à des verrous : infrastructures, généralisations des motorisations hybrides et électriques, carburants alternatifs, stockage sûr de l’électricité et de l’hydrogène, gestion de l’énergie.

6Le bâtiment est en France l’activité économique la plus consommatrice d’énergie et représente un quart des émissions de CO2. Le secteur de la construction doit donc améliorer de façon radicale ses performances, tant à l’échelle du bâtiment que de la ville (cf. VII.6). Un premier verrou concerne la rénovation de l’enveloppe (étanchéité, confort thermique) des bâtiments existants pour se rapprocher des performances du neuf. En s’appuyant sur les technologies numériques, l’interopérabilité d’équipements est cruciale pour une maîtrise globale de la consommation. Elle est également indispensable à la mise en œuvre d’une gestion intelligente de l’énergie aux échelles des réseaux. La maîtrise de l’énergie est aussi, pour une large part, une affaire de comportements. Il faut donc développer une approche centrée sur l’usager. Trois autres verrous conditionnent le succès : la formation des professionnels ; la mise au point d’outils informatiques leur permettant de concevoir et de gérer des bâtiments répondant aux nouvelles exigences ; et l’observation du parc immobilier afin d’optimiser les solutions retenues.

7Outre la lourdeur des investissements, plusieurs obstacles freinent le déploiement des réseaux et des systèmes de stockages énergétiques, indispensables à la montée en puissance des énergies renouvelables : la fiabilité du réseau, sa sûreté de fonctionnement, le traitement et la sécurité des données, l’ouverture vers de nouveaux modèles économiques et sociaux, la durée de vie des équipements de stockage, la capacité d’adaptation offre/demande en temps réel. La transition énergétique implique une modification du fonctionnement de la société et de l’économie. Développer des modèles et scénarios énergétiques*, pour étudier et anticiper les conséquences des différents choix stratégiques est un axe d’étude important.

8L’auteur s’exprime ici au nom de l’alliance ANCRE, dont il assume actuellement la Présidence (document ANCRE cité ci-dessous).

Bibliographie

Référence bibliographique

• www.allianceenergie.fr – Identifier les verrous pour accélérer les développements industriels indispensables à la transition écologique, 2012.

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