9. Avenir du mix énergétique
p. 292-293
Texte intégral
1Soyons clairs, le concept de mix énergétique existe depuis des siècles avec l’utilisation de la biomasse et du feu, du vent et de l’eau. Jusqu’à l’avènement du charbon, les ressources énergétiques étaient renouvelables. Alors pourquoi le concept de mix énergétique est-il tant au goût du jour ? Qu’y a-t-il de nouveau ? Trois éléments fondamentaux obligent à repenser nos ressources énergétiques et leur utilisation. Tout d’abord, la demande exponentielle du besoin qui augmente d’un facteur deux à quatre suivant les scénarios d’ici la fin du siècle. Alors qu’aujourd’hui nous ne savons pas satisfaire la demande pour sept milliards d’habitants, il est grand temps de se préoccuper des solutions pour neuf milliards d’habitants dans quelques dizaines d’années. Par ailleurs, les conséquences – notamment climatiques – liées à l’extraction du carbone puis à son rejet dans l’atmosphère, sont de plus en plus avérées et dureront des siècles. Enfin, les ressources en énergies fossiles diminuent et devront être progressivement remplacées alors qu’aujourd’hui elles dominent très largement le mix énergétique mondial.
2Le mix énergétique sera toujours présent, mais ce qui devra changer est la répartition des différentes ressources d’énergie pour satisfaire l’équation du besoin exprimé. Ce changement, aussi qualifié de transition énergétique, serait une révolution s’il se faisait en un temps court, car il va bouleverser bien des domaines, notamment dans nos pays occidentaux. L’énergie, de par son intérêt géostratégique, est d’abord un enjeu politique et sociétal car il faut fixer des objectifs et établir des stratégies qui touchent aux usages et à la vie quotidienne. C’est aussi une donnée économique importante à l’échelle de la planète et de chaque pays du point de vue de la production et de l’achat. C’est enfin une dimension scientifique et technologique, car il sera indispensable d’élaborer des solutions nouvelles pour demain.
Différentes politiques mondiales
3Dans l’optimisation de leur mix énergétique, les pays recherchent d’abord l’indépendance énergétique pour les fonctions de base, mais ils veulent également diminuer l’impact sur leur balance commerciale, accorder un accès à l’énergie le plus large possible à leurs industries et à leurs concitoyens, limiter les risques environnementaux et enfin, pour les plus vertueux, diminuer l’impact sur le climat.
4Toutes les régions du globe ne sont pas à la même enseigne. En effet, les ressources énergétiques du Brésil, de la Pologne, de la Chine ou de l’Afrique sont très différentes. Certains disposent de ressources à foison, d’autres n’en n’ont presque pas. Les solutions du mix énergétique seront donc adaptées à chaque région pour satisfaire les objectifs ci-dessus. Les choix politiques jalonneront également la transition énergétique.
5À titre d’exemple, on peut comparer l’Allemagne et la France qui ont choisi des options très différentes, même si l’Europe a fixé des objectifs à satisfaire par ses pays membres qui engagent vers une transition énergétique : moins 20 % de réduction des gaz à effet de serre, 20 % d’énergies renouvelables et moins 20 % de consommation. Il sera également indispensable d’amplifier la R & D et les évolutions des technologies pour permettre d’enrichir la mise en œuvre des mix énergétiques en proposant des solutions nouvelles. Le transport est un exemple intéressant par les alternatives énergétiques qui rentrent sur le marché notamment électrique, et demain peutêtre à base d’hydrogène. Les évolutions autour de l’habitat sont aussi des enjeux importants. Mais quelque part, le coût du kWh restera le juge de paix.
6Un dernier aspect a trait aux solutions mises en œuvre pour l’accès à l’énergie car elles influent fortement sur le mix énergétique. Pour l’électricité, il existe un débat entre une vision basée sur un réseau centralisé et celle qui prône une autonomie locale. Sans aucun doute, elles devront apprendre à cohabiter en fonction des spécificités régionales. Ceci modifiera l’obtention des équilibres indispensables à la sécurité du réseau et des concepts de gestion seront à développer. Le projet SAGESSE, décrit dans l’encadré, sert précisément de démonstrateur de lien possible entre les deux types de réseaux.
UNE PLATEFORME DE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE : LE PROJET SAGESSE
Dans le foisonnement des projets en gestation ou en cours, l’un d’entre eux permettra de tester en grandeur réelle le chemin sinueux de la transition énergétique, c’est le projet SAGESSE pour Système autonome de gestion électrique solaire et de Stockage de l’Énergie sur le site du CEA-Gramat (Lot).
Il s’agit de démontrer la faisabilité d’autonomie énergétique pour un site d’activité de type industriel (activités tertiaires et d’essais) à l’échelle du MW. Pour ce faire, la première étape consiste à analyser la consommation d’aujourd’hui, puis d’établir une consommation « objectif » en intégrant une démarche MDE (maîtrise de l’énergie) pour optimiser le besoin et les investissements. La seconde étape sera de dimensionner les moyens de stockage nécessaires à satisfaire la consommation « objectif », ce qui permettra de définir les caractéristiques des sources d’énergie renouvelable nécessaires au fonctionnement du système. Pour rendre ces dispositifs opérationnels, il est nécessaire d’intégrer un outil de décision et de dialogue, souvent appelé « smart-grid » (cf. IX.2-3), entre consommation, stockage, production photovoltaïque et réseau afin que l’équilibre du réseau local soit satisfait à chaque instant.
La ressource primaire sera une centrale solaire photovoltaïque capable d’atteindre une douzaine de MWc (Méga watt-crête*). Pour un ensemble de raisons technico-économiques liées souvent à la réglementation française, au coût actuel du kWh renouvelable et au risque, il sera nécessaire de conserver le réseau électrique* comme vecteur.
Les technologies de stockage devront répondre à deux spécifications distinctes : une capacité de cycle rapide pouvant satisfaire des interruptions brutales (passage nuageux par ex.) sans discontinuité ; et une capacité de stockage long et disponible selon les besoins. Dans le premier cas, les technologies possibles sont les batteries, utiles également pour intégrer le parc de transport, et les volants inertiels (cycles rapides pour répondre aux variations brusques et répétitives – cf. VI.9). Par ailleurs, ces stockages doivent aussi être en mesure de réguler la fréquence* et la tension sur le réseau local en cas d’effacement du réseau. Pour les stockages de plus grande puissance, on peut faire appel à une STEP (station de transfert d’énergie par pompage – cf. VI.7), à du stockage d’air comprimé (CAES, Compressed Air Energy Storage – cf. VI.9) ou d’hydrogène (cf. VI.5). Ces stockages, qui peuvent être couplés à une production photovoltaïque comme le montre la photo, peuvent convenir pour des besoins de plusieurs heures jusqu’à la journée. Concernant la MDE, le plus gros poste sera de faire évoluer le chauffage électrique vers une solution biomasse ou géothermie. Les usages devront aussi évoluer pour optimiser l’énergie du stockage qui est le poste non « rentable » du système. En effet, la production PV a sa logique économique propre du fait de la possibilité d’un tarif de revente permettant l’amortissement de l’investissement. Ce n’est pas le cas pour le stockage dont l’électricité produite n’est a priori pas injectable sur le réseau. Elle devra donc être consommée par le réseau local. C’est une des raisons pour laquelle aujourd’hui, en France, les investissements sur le stockage sont faibles, en dehors de l’hydraulique qui, depuis longtemps, a un rôle important de régulation du réseau RTE.
Les objectifs de la transition énergétique à venir devront être mieux définis pour positionner le rôle des énergies renouvelables et des solutions de stockage dans le mix énergétique. Le projet SAGESSE est une plateforme qui permettra les validations et démonstrations indispensables qu’elles soient techniques, financières, juridiques ou sociales.
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L'énergie à découvert
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L'énergie à découvert
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