3. Les smart-grids ou réseaux électriques intelligents
p. 280-281
Texte intégral
1Après plusieurs décennies de lente évolution, les réseaux électriques connaissent un développement de grande envergure avec la multiplication des acteurs issus de la libéralisation des marchés de l’énergie. Les préoccupations croissantes de sécurité d’approvisionnement et d’environnement, les défis posés par le développement des énergies renouvelables et l’apparition de nouveaux usages rendent les systèmes électriques de plus en plus complexes et donc vulnérables et plus chers en exploitation. L’introduction de plus d’intelligence grâce aux smart-grids est aujourd’hui le moyen le plus efficace pour faire face à cette complexité croissante et résoudre les problèmes posés dans les meilleures conditions de coût et de sûreté.
Déclencheurs du développement du réseau intelligent
2Le fonctionnement actuel des réseaux électriques est basé sur quatre segments issus de la construction du système électrique* global : une production en grande majorité sous forme d’unités de grande puissance installées en des lieux stratégiques pour leur fonctionnement en lien avec le réseau ; l’acheminement vers les centres de consommation par un réseau de transport hautement instrumenté et dont la gestion hiérarchisée est fortement centralisée ; des réseaux de distribution qui sont l’interface entre le réseau de transport et le consommateur final et sont, pour des raisons d’économie et de simplicité, le plus souvent exploités en structure radiale, l’énergie circulant toujours dans le même sens du réseau vers les consommateurs ; et enfin des consommateurs qui sont des acteurs passifs ne contribuant pas à la gestion du système. Les trois premiers segments, bien que séparés institutionnellement avec des domaines de responsabilité clairement définis, dépendent les uns des autres et leur fonctionnement est régi, dans le respect des contraintes techniques, par les lois de la physique avec notamment l’équilibre entre la production et la consommation.
3Il est très difficile aujourd’hui d’imaginer nos activités, qu’elles soient économiques ou sociétales, sans électricité. Les réseaux électriques constituent donc un maillon essentiel de l’ensemble de la chaîne énergétique et sont de ce fait un facteur économique essentiel. Cependant, ils sont confrontés aujourd’hui à des défis majeurs, autant scientifiques et technologiques qu’économiques et sociétaux : changement de paradigme énergétique (libéralisation des marchés de l’énergie, développement de la production décentralisée et des énergies renouvelables), adaptation du réseau pour le raccordement en masse de la production décentralisée et des nouveaux usages, satisfaction des impératifs de qualité de fourniture et renforcement de la sûreté de l’ensemble du réseau interconnecté, et enfin nécessité de faire face à la complexité croissante du système électrique dans toutes ses dimensions. Ces éléments sont les principaux facteurs « déclencheurs » de l’émergence des réseaux intelligents.
4Cette intelligence peut être déployée à divers niveaux du réseau (production, matériel réseau, consommation et pilotage). Ainsi l’intelligence embarquée en réseau sera portée par des « objets » ou « dispositifs » caractérisant la chaîne suivante : mesurer, analyser, décider, agir, communiquer. Le réseau électrique intelligent peut se résumer en une combinaison des infrastructures électriques et TIC (technologies de l’information et de la communication). Cette intelligence peut être déployée et insérée à divers niveaux du réseau électrique : production, matériel et architecture du réseau, consommation, observation et pilotage, automatismes, transmission et traitement de l’information, etc. (figure).
Les différents verrous
5Le concept de réseaux intelligents concerne une vision système impliquant la recherche, le développement, le test et l’analyse du retour d’expérience de technologies innovantes permettant d’atteindre des objectifs précis en termes de gestion des réseaux pour une meilleure efficacité énergétique de l’ensemble de la chaîne de valeur, une augmentation de la pénétration des énergies renouvelables ou encore l’implication du consommateur final. C’est un défi remarquable qui ne peut être relevé qu’avec la mise en place de partenariats regroupant l’ensemble des acteurs de cette chaîne (producteurs d’énergie, opérateurs et gestionnaires du système, fournisseurs de service en énergie, équipementiers intégrateurs de solutions, universités et centres de recherches, organismes de standardisation) sans oublier le client final qui devient un consommateur actif.
6Les principaux verrous scientifiques et technologiques concernent : l’intégration des énergies renouvelables et l’insertion du véhicule électrique sur le réseau ; la mise en place des technologies d’auto-cicatrisation « simples » et à coût réduit en présence de production décentralisée pour assurer la sécurité du réseau ; la maîtrise de la complexité croissante et de la sûreté d’ensemble dans un contexte de multiplication d’objets « intelligents » (cyber sécurité et sûreté du réseau) ; et enfin la planification des investissements « smart-grids » dans un environnement incertain (apport des approches stochastiques, cf. IX.5) et l’évolution des architectures du réseau. Les verrous économiques et sociologiques, quant à eux, portent sur la recherche de modèles d’affaire pour une action sur la demande diffuse et efficace et l’acceptabilité du client par rapport à l’intrusion des technologies de pilotage de la consommation ainsi que son comportement « positif » et son implication dans l’action sur la demande.
7Face à l’augmentation de la complexité liée à des paramètres aussi bien institutionnels que techniques, la mise en place des réseaux intelligents va induire une évolution notable du système électrique dans son ensemble. Ce concept fournira un cadre technique permettant l’intégration à grande échelle des sources intermittentes d’énergie renouvelable, une plus grande efficacité énergétique et un fonctionnement optimal du réseau dans les meilleures conditions d’économie, de sécurité et de qualité de l’approvisionnement. L’infrastructure des réseaux intelligents pourra également permettre de fournir de nouveaux services à l’énergie comme la gestion intelligente des bâtiments (cf. VII.6) et la maîtrise de l’énergie ; et elle pourra être mutualisée avec d’autres besoins comme le développement de réseaux intelligents multifluides (électricité, télécommunications, gaz, eau), l’interaction avec les transports et la ville intelligente de demain, etc.
8Enfin, comme toute aventure technologique, les smart-grids offrent un gisement d’évolution technologique et sociétal dont on peut aujourd’hui mesurer toute la richesse : transfert technologique vers d’autres secteurs (domotique, logistique, multifluidique, domaine applicatif de l’intelligence artificielle), catalyse d’une évolution comportementale et sociétale à travers une gestion réfléchie de l’énergie et des autres fluides dans un esprit de coopération et de mutualisation de moyens.
Bibliographie
Références bibliographiques
• J.-C. SABONNADIÈRE et N. HADJSAID – Smart-grids : les réseaux électriques intelligents, HERMES, 2012.
• N. HADJSAID – Les réseaux électriques de distribution : de la production décentralisée aux smart-grids, HERMES, 2010.
• N. HADJSAID – Les distribution d’énergie électrique en présence de production décentralisée, HERMES, 2010.
Auteurs
Spécialiste des réseaux électriques, Professeur à l’Institut Polytechnique de Grenoble, Responsable de la chaire d’excellence Smartgrids ERDF, Directeur GIE - IDEA, Grenoble.
nouredine.hadjsaid@g2elab.grenoble-inp.fr
Professeur Émérite à l’Institut Polytechnique de Grenoble, Conseiller du Président de INPG Entreprise SA, Grenoble.
jean-claude.sabonnadiere@grenobleinp.fr
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