9. Les différents types de pollution en lien avec l’énergie
p. 260-261
Texte intégral
1Les activités en lien avec l’énergie sont inévitablement des sources potentielles de pollution chimique (émissions ou rejets de contaminants), physique (élévation de température, nuisances sonores, radioactivité) ou visuelle (utilisation de l’espace vital et des terres cultivables, dégradation des paysages) (figure 1). Ceci concerne chaque étape de la production d’énergie, de l’extraction de la matière première (pétrole, gaz, minerais, mais aussi déforestation et agrocarburants) à sa transformation, de son utilisation (transports, chauffage, production industrielle et agricole) jusqu’au traitement des déchets inhérents à chaque activité. Malgré l’importance et l’évolution rapide des réglementations, les voies possibles de contamination des milieux naturels restent nombreuses.
Émission de carbone et polluants
2La quantité de carbone émis est l’unité souvent utilisée comme référence pour évaluer l’impact environnemental d’une activité, dans une optique d’affichage des performances énergétiques vis-à-vis des politiques de développement durable ou pour des considérations climatiques. Cependant, la diversité des activités en lien avec l’énergie implique une très grande variété de polluants, au-delà du seul dioxyde de carbone (CO2) : oxydes d’azote (NOx), de soufre (SOx), métaux lourds, polluants organiques persistants (POPs), composés organiques volatils (COV), particules en suspension, etc. Il est important de rappeler que la majorité de ces composés sont généralement déjà présents dans les milieux naturels non impactés par les activités anthropiques (hormis les composés purement synthétiques), mais deviennent polluants lorsqu’ils sont introduits en quantité suffisante pour induire un impact environnemental ou sanitaire.
Propriétés et devenir des polluants
3Une fois dans l’environnement, chaque polluant aura un comportement qui lui est propre, déterminé par ses propriétés physico-chimiques. Ce comportement va, en premier lieu, dépendre des voies d’introduction du polluant dans le milieu (source ponctuelle ou diffuse), du compartiment environnemental* impacté (atmosphère, eaux de surface ou souterraines, sols) et de l’état (gazeux, liquide ou solide) sous lequel il est introduit. Ensuite, le devenir des polluants (transfert entre compartiments, dégradation ou stockage sous forme d’espèces réservoirs*) sera gouverné par de nombreux paramètres (pro priétés intrinsèques de la molécule, concentrations, mécanismes de dégradation, etc.) qu’il est nécessaire de mesurer ou de prédire pour in fine évaluer leur dangerosité et caractériser leurs impacts sanitaires et environnementaux (changement climatique, fonctionnement des écosystèmes).
Production, transit et transfert vers l’environnement
4L’air que nous respirons est le lieu des émissions atmosphériques des polluants gazeux et particulaires. Parmi eux, on retrouve principalement les gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O, etc.), les composés organiques volatiles COV (mono-aromatiques, oléfines…), les composés soufrés (SO2, H2SO4), azotés (NOx…) et les particules de type suies*, poussières, sur lesquelles sont potentiellement adsorbés de nombreux polluants comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP*), les métaux lourds ou encore les dioxines. Ces polluants sont émis principalement par les transports, le chauffage résidentiel, le secteur tertiaire et l’industrie, avec une répartition variant selon les composés considérés et le type d’activité (figure 2). Parallèlement à ces sources primaires (émission directe), on retrouve des polluants secondaires comme l’ozone ou les pluies acides*, issus de la transformation des masses d’air selon différents processus physico-chimiques (photo-oxydation, conversion gaz-particule…) lors de leurs dispersion et transport à des échelles locale, régionale ou globale. Ainsi, la qualité de l’air, dépendant du temps de vie des espèces et des paramètres météorologiques, est par essence une problématique transfrontalière. C’est aussi le cas la plupart du temps pour l’eau.
5Les eaux superficielles, douces ou océaniques, et les eaux souterraines sont les lieux de rejets (réglementés, accidentels ou illégaux) des polluants dissous ou associés à des particules en suspension dans l’eau. Suivant les activités incriminées (chimie de synthèse, lavage, refroidissement etc.), les polluants rejetés dans les milieux aquatiques peuvent avoir des effets directs (mutagènes*, cancérigènes, tératogènes*, perturbateurs endocriniens*) ou indirects (modification des propriétés physico-chimiques du milieu naturel). Par exemple, les contaminants peuvent s’hydrolyser, être métabolisés ou bioaccumulés dans les êtres vivants selon leurs propriétés (hydrophobe*, lipophile*). Les perturbations des cycles biogéochimiques élémentaires causées par des excès de rejets de composés azotés ou phosphorés ou les modulations sensibles des valeurs de pH*, de température ou de teneurs en oxygène aboutissent aussi à des impacts néfastes comme l’eutrophisation* des écosystèmes. L’hydrosphère, en raison des réserves d’eau potable et de l’importance des écosystèmes aquatiques, est soumise à un risque exacerbé vis-à-vis des impacts sanitaires et environnementaux.
6Les sols ou les sédiments* sont le réceptacle ultime des rejets aquatiques et atmosphériques et des déchets solides, et constituent la couche superficielle de la lithosphère, appelée aussi couche critique, réservoir majeur de la matière première nécessaire à la production d’énergie et à notre alimentation. Les étapes de réhabilitation des sites pollués par des activités d’extraction, de transformation ou de stockage, passent souvent par la re-disponibilité de certains métaux lourds (Pb, Hg, Cd…) ou de polluants organiques persistants (PCB*, HAP…), nécessitant une remédiation adaptée et souvent coûteuse.
Vers un compromis raisonnable
7Les liens entre production et utilisation de l’énergie et leur impact sur l’environnement sont complexes et souvent non linéaires. Par exemple, SO2, dont les émissions sont réglementées, est à l’origine de particules atmosphériques sulfatées, dont l’effet sur le climat est plutôt « refroidissant ». La diminution des émissions de SO2 depuis une trentaine d’années, parallèlement à l’émission d’aérosols carbonés ayant un effet plutôt « réchauffant », aurait contribué à un réchauffement rapide de l’Arctique. Un des enjeux est donc une bonne appréhension de l’ensemble des impacts des polluants : directs, indirects, ou cumulés. Néanmoins, du fait de la nécessité urgente de protéger notre environnement et malgré l’amélioration des procédés, l’approche d’une économie raisonnée de l’utilisation de la matière première et de l’énergie apparaît aujourd’hui essentielle.
Bibliographie
Références bibliographiques
• C. BLIEFFERT et R. PERRAUD – Chimie de l’environnement : air, eau, sols, déchets, DeBoeck Université, 2008.
• M. POPESCU, J. -M. BLANCHARD et J. CARRE – Analyse et traitement physico-chimique des rejets atmosphériques industriels, Lavoisier Tec & Doc, 1998.
Auteurs
Chimiste de l’atmosphère, Maître de Conférences à l’Université Bordeaux 1, EPOC-LPTC, Talence.
e.perraudin@epoc.u-bordeaux1.fr
Chimiste de l’atmosphère, Professeur des Universités, EPOC-LPTC, Talence, Directeur de l’Observatoire Aquitain des Sciences de l’Univers, Université de Bordeaux 1, Floirac.
eric.villenave@u-bordeaux1.fr
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