6. Efficacité énergétique des bâtiments : performance et localisation
p. 230-231
Texte intégral
1En France, les 33 millions de logements offrent un gros potentiel de réduction des gaz à effet de serre (GES*). Ces émissions résultent principalement de la consommation excessive de ressources fossiles et de biomasse (pétrole, gaz, charbon, bois, etc.), qui le plus souvent « partent en fumée » dans les chaudières. Il convient d’aborder le problème de la consommation énergétique d’un ménage dans sa globalité et de prendre en compte non seulement la performance du bâtiment mais aussi sa localisation. Sinon, les gains réalisés dans le bâtiment pourraient être annihilés par un usage croissant de la voiture : une réduction de 80 kWh/m2/an dans l’habitat est annulée par 20 km parcourus en véhicule particulier chaque jour, pendant 1 an.
Vers le bâtiment économe
2Dans le secteur du logement, la cible principale reste le chauffage, en particulier dans le parc existant, puisqu’il représente encore près de 70 % de la consommation totale. Les autres postes de consommation sont la production d’eau chaude sanitaire (ECS), la ventilation, le rafraîchissement, l’électricité spécifique (moteurs et pompes) et enfin les équipements électriques (électroménager et multimédia). Avec les renforcements successifs de la réglementation thermique depuis 1973, la consommation unitaire d’énergie a baissé, en moyenne, d’environ 372 kWh/m2/an à 245 kWh/m2/an, actuellement. L’effort a porté principalement sur les besoins en chauffage qui ont baissé régulièrement pour atteindre aujourd’hui 40 % de la consommation totale des bâtiments neufs construits suivant la Réglementation Thermique 2012 (RT2012). Ces chiffres permettent de situer les ordres de grandeur mais il existe des différences, parfois importantes, entre les différents types de bâtiments, résidentiels et tertiaires, privés, publics. En particulier, dans le tertiaire, l’éclairage et le matériel informatique sont souvent les postes dominants.
3Demain, avec la généralisation des bâtiments basse-consommation (50 kWh/m2/an - RT 2012), les besoins de chauffage représenteront moins de 40 % de la consommation totale. En Europe et dans le monde, les mêmes objectifs sont déclinés avec quelques différences suivant le climat et les choix technologiques des différents pays. Habitations dites « passives » en Europe du Nord et Centrale, à « énergie zéro » (principalement aux États-Unis et au Japon), voire à énergie positive (figure 1).
4L’amélioration énergétique des bâtiments en Europe permettrait, d’après certaines études, d’économiser l’équivalent de la consommation des transports. La réduction des besoins en chauffage passe principalement par la conception bioclimatique et l’amélioration de l’enveloppe du bâti (isolation thermique et étanchéité à l’air renforcées, fenêtres haute-performance, éclairage naturel, etc.). Quant aux équipements complémentaires installés (chauffage, ventilation, éclairage), ils sont à haute efficacité énergétique. À la fois hybrides (mixant les énergies renouvelables aux énergies fossiles), compacts et multifonctionnels, ils permettent de réduire les coûts d’installation et de fonctionnement. Enfin, si des panneaux photovoltaïques ou des micro-éoliennes sont installés sur ces bâtiments basse-consommation, ils deviennent alors des sites de production décentralisés de production, aujourd’hui vendue intégralement au réseau mais qui demain pourrait être autoconsommée, voire stockée localement pour limiter le recours au réseau. La dépendance énergétique des consommateurs serait ainsi limitée. La localisation joue un rôle important pour l’évaluation des pertes thermiques du bâtiment (voir les zones climatiques de la RT) et l’estimation du potentiel de production photovoltaïque et éolien ; elle est aussi primordiale pour les déplacements induits (domicile-travail, écoles, commerces, centres culturels, loisirs).
5Dans le domaine des transports, des progrès ont aussi été accomplis mais même bourrées de technologies, les voitures restent très mal utilisées. Elles passent en moyenne 95 % du temps à l’arrêt (parking, garage…). D’où l’idée de rechercher une synergie entre les bâtiments et les voitures ou autres équipements de mobilité. Pourquoi ne pas profiter de ces longues heures « d’attente » pour recharger les véhicules hybrides rechargeables (VHR) ou électriques (VE) sur place, au plus près de la demande ? En partant du principe que les bâtiments deviendront à moyen terme producteurs d’électricité, cette option est envisageable. Elle représenterait un gain de temps pour l’utilisateur, un facteur supplémentaire de développement pour les énergies renouvelables et surtout, une condition sine qua non à l’essor des véhicules électriques. En effet, leur temps de recharge étant généralement très long, il ne peut s’opérer qu’une fois le véhicule garé pour quelques heures… à la maison, au travail ou sur un parking (gare, centre commercial).
6Pour répondre au double défi de la performance du bâtiment et de sa localisation, l’idée de transformer la voiture en un équipement de mobilité, connecté au bâtiment, est apparue au début des années 2000. Par extension du concept V2G (Vehicle to Grid), cette idée de convergence bâtiment-transport est souvent appelée « Vehicle to Home » (V2H). À terme, on imagine que le VE deviendra un nouvel équipement de stockage mobile de l’énergie électrique, un peu à l’image des autres équipements de stockage : froid (réfrigérateurs/congélateurs) ou chaud (ballon ECS). Bien sûr, la recharge devra être contrôlée et se faire plutôt avec les ENR ou en dehors des périodes de pics de consommation.
Un territoire durable est-il possible ?
7Dans les années à venir, un nouveau paradigme pourrait apparaître : celui du « Territoire Durable » (figure 2). Il vise la connexion des maisons à « énergie zéro » et des véhicules de type VHR ou VE à un réseau intelligent (ou smart-grid, cf. IX.2). Au Japon, les constructeurs ont tous le projet de connecter les maisons à énergie zéro avec leurs équipements électriques et les voitures à proximité avec un microréseau local alimenté avec des énergies renouvelables (éolien et photovoltaïque). L’intérêt du concept est qu’il peut se développer dès maintenant sur la base du réseau électrique existant et évoluer vers une intégration plus importante des énergies renouvelables. L’objectif principal de ces expérimentations est de trouver des solutions pour sortir du dilemme des intermittences respectives de la production des ENR et de la consommation des utilisateurs. Cet enjeu est considérable car l’effacement du pic de fin de journée permettrait de limiter le recours à des centrales grosses émettrices de CO2. L’idée d’utiliser le VE comme « trésorerie énergétique » pourrait être étendue à tous les équipements électrodomestiques qui pourraient devenir des acteurs de l’efficacité énergétique globale, non seulement en réduisant leur consommation mais aussi en participant à l’effacement des pics de consommation.
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Références bibliographiques
• D. QUENARD – Vers des bâtiments à énergie positive, Nouvelles Technologies de l’énergie 4, Lavoisier, 2007.
10.1051/futur:200530439 :• A. MAUGARD et al. – Le bâtiment à énergie positive, Futuribles, n° 304, 2005.
Auteur
Docteur en Mécanique, Chef de la Division Enveloppe et Matériaux Innovants, Direction Énergie & Environnement, CSTB, Grenoble.
daniel.quenard@cstb.fr
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