1. Introduction aux vecteurs et aux stockages d’énergie
p. 201
Texte intégral
1Un vecteur d’énergie, c’est la forme physique que prend une énergie primaire* pour satisfaire un certain usage. Les vecteurs sont distribués et commercialisés auprès du consommateur final : le carburant à la pompe, l’électricité à la prise, le gaz à la chaudière, etc. Les trois usages principaux sont la mobilité, le chauffage et l’éclairage, les équipements domestiques ou industriels. Ces usages sont conçus pour utiliser un certain type de vecteur qui structure l’industrie correspondante, par exemple les voitures diesel, les trains électriques, les fours à gaz ou électrique. Les vecteurs sont structurés en réseaux, ce qui permet l’accès aux usagers et les ajustements temporels et spatiaux. L’analyse par les vecteurs permet de prendre en compte la concurrence vers l’aval – quel sera le débouché le plus rémunérateur ? – et vers l’amont – quelle sera la source la plus féconde ? Cette compétition peut être économique (le cout final pour l’utilisateur), écologique (quelle quantité de gaz à effet de serre émise), stratégique (quel impact sur la balance des paiements et quels risques de précarité de l’approvisionnement), socioéconomique (quels emplois créés) ou industriel (leaders industriels français). L’analyse par les vecteurs est une façon d’appréhender la transition énergétique.
2Le stockage de l’énergie primaire est parfois assez simple : le carburant, le gaz, la biomasse, le combustible nucléaire. Le Soleil permet de produire soit de la chaleur qui est stockable plus ou moins longtemps selon l’isolation, soit de l’électricité. Le vent et l’hydraulique produisent de l’électricité. Le Soleil et le vent ne sont pas stockables. L’eau oui, en revanche, ce qui en fait actuellement le seul moyen massif de stocker de l’électricité, puisque celleci peut être produite quand cela est nécessaire en lâchant de l’eau à travers les turbines (cf. VI.7). La puissance installée en France sous forme de stock hydraulique est de 13,4 GW, dont 9,2 GW de centrales de lac mobilisable en quelques minutes et 4,2 GW sur le Rhône et le Rhin qui participent à la fourniture de pointe grâce à la gestion fine des biefs entre les usines. Cette puissance stockée peut être fournie entre 1 700 et 2 000 heures par an selon l’année hydrologique. À ceci s’ajoutent les STEP (turbinage-pompage) qui associent un réservoir haut et un réservoir bas et qui alternativement pompent l’eau vers le réservoir haut et la turbine vers le réservoir bas. La puissance installée est de 4,9 GW disponible en quelques minutes. La pleine puissance peut être fournie environ 7 heures de suite selon le volume du plus petit des deux réservoirs. Après quoi, il faut appeler de l’électricité (bon marché) pour remonter l’eau (recharger la batterie). Les STEP sont généralement utilisées pour les ajustements rapides et divers services au réseau. C’est la mission de RTE (Réseau de Transport d’Électricité) de mobiliser ces moyens et d’assurer la satisfaction de la consommation en temps réel. Deux types de stockage d’électricité se développent rapidement et mobilisent d’importants moyens de recherche : les stockages embarqués (du téléphone à la voiture), pour lesquels comptent le poids et le danger dans différentes hypothèses et les stockages décentralisés associés aux réseaux électriques de quartier ou de ville. Pour lisser et stabiliser sa demande au réseau électrique* global, le réseau local intelligent associe différents types de consommateurs non simultanés (services, industries, logement, mobilité-recharge) et recourt à différents types d’effacement selon les usages en exploitant l’inertie thermique pour la chaleur (cumulus et chauffage à accumulation) et des stockages décentralisés pour les usages sans inertie (moteurs, ordinateurs, TV, etc.). On peut utiliser les batteries électrochimiques et notamment les batteries à circulation d’électrolyte* liquide, le stockage inductif ou par volant d’inertie (cf. VI.9), le gaz comprimé qui peut être associé à la production de chaleur lors de la compression et de froid lors de la détente. Des stockages d’assez forte puissance (1 MW/7 heures à l’île de la Réunion) ont été réalisés avec des batteries lithium-ion. Cependant, il est toujours plus facile de stocker de la chaleur que de stocker de l’électricité. Donc si l’usage final est la chaleur, c’est sous cette forme qu’il est préférable de stocker l’énergie. Enfin, le gaz est facilement disponible, stockable, mobilisable rapidement pour fournir de la chaleur et de l’électricité. C’est aussi une forme de stockage d’énergie comme le pétrole et les différentes formes de carbone.
Auteur
Membre de l’Académie des Technologies, Président de la Commission Énergie et Changement Climatique, Président d’Honneur de Coyne et Bellier (groupe GDF suez).
tardieu.bernard@neuf.fr
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2012