30. L’hydrogène naturel
p. 193
Texte intégral
1Dans de nombreux documents ou rapports de prospective sur l’énergie, il est encore souvent écrit que l’hydrogène n’existe pas à l’état naturel. Cette affirmation sous-entend qu’il n’existerait pas de source concentrée en hydrogène libre sur Terre (la teneur en H2 libre est de 0,55 ppm dans l’atmosphère). En fait, il existe bien des émanations naturelles focalisées de dihydrogène dans les océans et sur les continents. Elles résultent de l’interaction de l’eau avec des roches du manteau terrestre qui affleurent dans les fonds marins par l’écartement progressif des plaques océaniques ou qui ont été exhumées sur les continents lors de la formation des chaînes de montagne. Lorsqu’elles sont mises en contact avec l’eau, ces roches s’altèrent spontanément en s’hydratant et en s’oxydant dans un processus appelé serpentinisation. Ce phénomène a probablement participé à la création des conditions nécessaires à l’apparition de la vie. La roche ainsi formée, la serpentinite, assez commune en surface, est souvent exploitée pour ses qualités ornementales ou pour ses propriétés de résistance au feu. Lors de l’altération par l’eau infiltrée en profondeur dans les continents ou par l’eau de mer sous les fonds océaniques, le fer Fe2+, contenu dans les minéraux du manteau terrestre s’oxyde partiellement en fer Fe3+ pour produire de la magnétite, le reste de la roche étant transformée en serpentine. Au cours de ce processus, l’eau est chimiquement réduite en dihydrogène et voit parfois son pH s’élever à des valeurs exceptionnelles pour un fluide naturel (12, voire plus). La réaction chimique bilan peut se symboliser par :
2Si on laisse de côté la situation continentale et que l’on se focalise sur le système océanique profond, on peut considérer que la tectonique des plaques* met chaque année une vingtaine de milliards de tonnes de roches profondes au contact avec l’océan. On sait par ailleurs qu’une bonne partie de ces roches est serpentinisée ce qui implique une production potentielle de l’ordre de la dizaine de millions de tonnes de H2 chaque année, renouvelable. Cela peut sembler faible en regard des 2,2 milliards de tonnes de gaz naturel fossile brûlées annuellement mais ce processus de production, sans émission de gaz carbonique, est continu et durera aussi longtemps que la tectonique des plaques. Le défi est de transformer ce concept de principe en procédés concrets de production décarbonée d’hydrogène capables de rivaliser avec les 70 millions de tonnes d’hydrogène actuellement fabriqué à partir du gaz naturel. Un programme de recherche ambitieux, tant en milieu océanique que continental, doit donc se mettre en place pour comprendre les processus fondamentaux mis en œuvre, explorer les temps caractéristiques de génération et de disparition de H2, déterminer la localisation précise et prédictive des lieux de production et d’émanation, explorer la production de H2 associée à la géothermie, identifier les verrous technologiques pour la capture et recenser exhaustivement les impacts environnementaux qu’impliquerait une exploitation à grande échelle.
Bibliographie
Référence bibliographique
• Y. FOUQUET et D. LACROIX – Les ressources minérales marines profondes, étude prospective à l’horizon 2030, Éditions Quae, 2012.
Auteurs
Géologue, Minéralogiste, Directeur de Recherche au CNRS, ancien Directeur-adjoint de l’INSU en charge des sciences de la terre au CNRS, CEREGE, Aix-Marseille.
goffe@cerege.fr
Minéralogiste, Professeur des Universités, IMPMC/IPGP, Université Denis Diderot, Paris.
guyot@impmc.upmc.fr
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L'archéologie à découvert
Hommes, objets, espaces et temporalités
Sophie A. de Beaune et Henri-Paul Francfort (dir.)
2012