29. Géothermie : différentes filières pour des utilisations très variées
p. 190-192
Texte intégral
1La géothermie recouvre toutes les techniques mises en œuvre pour l’exploitation des propriétés thermiques du sous-sol, à des fins de production d’électricité, de chaleur ou de froid. La ressource exploitée, à savoir le sous-sol, se caractérise par une température fixée, ce qui fait de la géothermie une énergie dont les méthodes de valorisation seront très différentes de celles des combustibles, qu’ils soient fossiles ou renouvelables (biomasse). En effet, le recours à un combustible permet, en jouant simplement sur la conception de l’installation qui va le consommer (qu’il s’agisse d’une chaudière individuelle ou d’une centrale thermique), d’obtenir aisément des conditions de température et de pression optimisées pour la finalité visée : on peut ainsi sans difficulté produire de l’électricité, de la chaleur sous forme de vapeur, d’eau pressurisée, de réseau moyenne ou basse température… En matière de géothermie, cette température, fixée à partir du moment où on a déterminé la portion de sous-sol que l’on va exploiter, est susceptible de limiter (ou tout au moins de dicter) l’usage qui va pouvoir être fait de cette énergie. On distingue habituellement trois usages, que nous présenterons successivement : l’électricité, l’usage direct de la chaleur géothermique et la production de chaud et de froid par l’intermédiaire de pompes à chaleur.
La production d’électricité géothermique
2Cette technique repose sur le principe classique d’alimenter une turbine par un fluide vaporisé sous pression. Le concept le plus classique consiste à exploiter directement l’eau naturellement présente dans le sous-sol, que l’on trouve à des températures et à des pressions importantes en cas de proximité d’une source de chaleur magmatique et/ou en cas de profondeur importante. Cette eau remontée en surface par forage, se retrouve au moins partiellement sous forme de vapeur apte à alimenter un groupe turbo-alternateur.
3Les premières expériences géothermiques de ce type remontent à 1904, lorsque quelques ampoules furent allumées grâce à la vapeur émergeant du sous-sol à Lardarello, en Toscane. En 1911, la première centrale d’électricité géothermique y sera construite et restera l’unique référence mondiale jusqu’aux années 1950. Depuis, les opérations se sont multipliées dans les régions volcaniques.
4D’un point de vue technique, on peut distinguer les cas où les puits géothermiques remontent en surface un fluide géothermal dont le contenu énergétique (l’enthalpie*) est si fort qu’il conduit à disposer uniquement de vapeur géothermale, et des cas où l’on manipulera un mélange d’eau sous pression et de vapeur. La valorisation de ces fluides se fait par une ou plusieurs étapes de vaporisation où la pression est relâchée, afin d’augmenter la proportion de vapeur par rapport au liquide ; cette vaporisation est immédiatement suivie d’une action de séparation de la vapeur (qui alimente la turbine) et de l’eau sous pression, appelée « eau séparée ».
5À l’exploitation directe de la vapeur géothermale s’est ajoutée une seconde technologie, appelée « cycle binaire », qui consiste à utiliser la chaleur du fluide géothermal pour vaporiser un autre fluide, placé dans une boucle fermée. C’est ce fluide qui va alimenter une turbine, puis être condensé pour revenir à l’étape de vaporisation au contact du fluide géothermal. L’intérêt de ces cycles est d’avoir recours à des fluides dont le point d’ébullition est inférieur à celui de l’eau, pour exploiter des ressources géothermales de température plus faible (120 à 180 °C, voire moins), ainsi que l’eau séparée non exploitée par une turbine vapeur. Le fluide peut être un fluide organique comme un hydrocarbure ou un réfrigérant – on parle alors d’ORC (Organic Rankine Cycle) ; une seconde technique est le cycle de Kalina, qui utilise un mélange de deux espèces chimiques – souvent de l’eau et de l’ammoniac.
6Aujourd’hui, ces technologies cohabitent et se complètent, avec des unités disposant d’un ou plusieurs étages vapeur et/ou un cycle binaire, en fonction des caractéristiques du fluide exploité, ceci afin d’exploiter au mieux le contenu énergétique du fluide remonté en surface. Après sa valorisation, le fluide est rejeté en surface ou réinjecté dans le réservoir, en sous-sol. Cette décision dépend de nombreux paramètres, comme la facilité de réinjection, l’effet sur la pérennité de la ressource (maintien en pression) et l’impact environnemental (fonction de la composition du fluide, qui s’étend selon les cas de l’eau potable à une saumure concentrée, et des caractéristiques du milieu récepteur).
L’usage direct de la chaleur géothermique
7Cette utilisation de l’énergie géothermique consiste à faire passer le fluide géothermal dans un échangeur thermique où il va céder ses calories à un réseau d’eau qui va alimenter en chaleur différents usagers. Cela permet notamment de valoriser l’énergie des ressources géothermales de températures plus faibles, comprises entre 30 et 120 °C.
8Une utilisation typique est le réseau de chaleur urbain, qui permet de chauffer un îlot urbain ou un quartier beaucoup plus vaste. La géothermie assure souvent dans ces cas-là la base du besoin en énergie du réseau (eau chaude sanitaire, besoin modéré de chauffage) et elle est complétée par d’autres appoints (gaz par exemple) pour couvrir la demande en période de grand froid. D’autres usages sont possibles, notamment pour l’agriculture (chauffage de serres), pour la pisciculture et pour l’industrie. La géothermie assure une production d’énergie stable, qui s’associe bien avec des procédés industriels réguliers demandant des températures modérées, comme la désalinisation de l’eau de mer, le séchage de produits… Un exemple récent est la réalisation à Mokai, en Nouvelle-Zélande, d’une valorisation de la chaleur géothermale pour la fabrication de lait concentré, à hauteur de 270 TJ par an.
9L’usage direct de la chaleur géothermique est également une manière de valoriser la chaleur résiduelle des centrales de production d’électricité géothermique, contenue principalement dans l’eau séparée. Par ailleurs, la valorisation thermique des quantités importantes d’eau chaude qui sont fréquemment extraites de manière conjointe au pétrole et au gaz suscite également l’intérêt.
10De nombreux usages en cascade sont donc possibles, en jouant sur les finalités (électricité puis chaleur) ainsi que sur les niveaux de température, en commençant par les procédés et bâtiments fonctionnant aux températures les plus élevées, pour finir par ceux qui ne demandent que de basses températures (séchage, bâtiments avec planchers chauffants…), ce qui permet d’exploiter au mieux la chaleur géothermale. Dans certains cas, il peut être fait appel à une pompe à chaleur* pour exploiter les dernières calories résiduelles du fluide, technique qui nous conduit naturellement au troisième usage de la chaleur géothermale présentée ici.
La géothermie assistée par pompe à chaleur
11Le proche sous-sol représente, par son accès plus facile, une réserve d’énergie géothermique qu’il est tentant d’exploiter. Cependant, sa température moyenne de 12 °C à 15 °C exige d’avoir recours à une pompe à chaleur. Cette machine thermodynamique, en jouant sur le changement d’état d’un fluide frigorigène* et des étapes de compression et de détente, permet de capter les calories d’une source de faible température et de les transférer vers une cible de plus haute température, moyennant une consommation d’énergie liée à la circulation du fluide et à sa compression à un point de la boucle.
12L’échange thermique avec le sous-sol se fait soit par la production et la réinjection de l’eau des nappes aquifères* superficielles, soit par des échangeurs fermés qui vont exploiter la chaleur du sous-sol par conduction. Les échangeurs les plus classiques sont le capteur horizontal, qui consiste à faire serpenter un tuyau à environ un mètre de profondeur, et la sonde géothermique verticale, qui consiste à placer dans un forage de 100 à 300 mètres de profondeur un ou deux tubes en U et à remplir l’espace résiduel avec un coulis à base de ciment. Ces sondes peuvent être multipliées sous forme de champ. Sur le même principe que la sonde, les pieux et fondations peuvent également être équipés de tubes et ainsi assurer à la fois une fonction mécanique et énergétique. Ces solutions géothermiques présentent des débouchés très intéressants pour le bâtiment, en étant à même d’assurer le chauffage de celui-ci, mais aussi son alimentation en eau chaude sanitaire et son rafraîchissement. Pour le chauffage, on a parfois recours à un appoint (électricité, gaz) pour limiter la taille de l’échangeur géothermique et l’investissement correspondant, sachant qu’une installation qui assure 50 % de la puissance maximale nécessaire pour un bâtiment permet en climat tempéré de couvrir 85 % de la demande annuelle.
13Pour le rafraîchissement, deux possibilités sont ouvertes : un fonctionnement réversible de la pompe à chaleur, mais aussi le géo-cooling. Cette technique consiste à utiliser directement la fraîcheur naturelle du sous-sol pour tempérer le bâtiment, en ayant recours à de larges diffuseurs (planchers chauffants/rafraîchissants par exemple) et à un simple échangeur thermique avec la source géothermique. Ce rafraîchissement présente une excellente efficacité énergétique, la consommation étant réduite aux pompes de circulation. La thématique du rafraîchissement deviendra sans nul doute centrale dans les années à venir, dans un contexte de réchauffement climatique, mais aussi parce que les efforts d’isolation faits sur les bâtiments, s’ils permettent de réduire drastiquement le besoin de chaleur, augmentent légèrement le besoin de rafraîchissement. Ces applications géothermiques couvrent des tailles de bâtiment très variées, de la maison individuelle au bâtiment collectif et tertiaire, en étant à même également d’alimenter des microréseaux de chaleur. Par ailleurs, une autre technique géothermique est le puits canadien (encore appelé puits provençal) qui consiste à assurer la ventilation d’un bâtiment en prévoyant une circulation préalable de l’air extérieur dans un tuyau souterrain, ce qui permet de préchauffer l’air en hiver et de le tempérer en été.
14La géothermie représente donc un panel de solutions très variées qui permettent d’exploiter au mieux et de manière pérenne la chaleur naturelle du sous-sol. Dans les perspectives innovantes associées à toutes les formes de géothermie, on peut citer le stockage souterrain de chaleur fatale* (incinération, solaire), momentanément excédentaire. Un tel changement est facilité par le fait que les puits ou autres équipements souterrains utilisés sont des équipements qui peuvent assez aisément fonctionner dans les deux sens. Ceci conduit à développer l’hybridation de différentes sources d’énergie, le sous-sol représentant à la fois une source d’énergie et un moyen de stockage, et fera appel à une gestion intelligente de ces énergies à l’échelle d’un bâtiment, d’un quartier ou de tout autre système énergétique.
Bibliographie
Références bibliographiques
• IEA Technology Roadmap – Geothermal Heat and Power, 2011.
• ADEME/BRGM – La Géothermie – Quelles technologies pour quels usages ?, 2008.
• ADEME/BRGM – Guide technique – La géothermie et les réseaux de chaleur, 2010.
• ADEME/BRGM – Guide technique – Les pompes à chaleur géothermiques sur champs de sondes, 2012.
Auteur
Manager et ingénieur généraliste, BRGM, Directeur-adjoint des Géoressources et responsable de la Division géothermie, Orléans.
r.vernier@brgm.fr
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