18. Silicium cristallin : de la cellule au module
p. 165-167
Texte intégral
1Le silicium* cristallin est le matériau semi-conducteur* de prédilection pour la fabrication des modules* photovoltaïques, avec une part de marché qui a oscillé entre 80 à 90 % dans la décennie 2000-2010 alors que le marché a crû d’un facteur de plus de 50 dans la même période. De l’ordre de 25 GW de modules photovoltaïques au silicium ont été produits et connectés au réseau en 2011 ! La technologie de modules à base de silicium cristallin fait appel à un processus de fabrication complexe si on le compare à celui utilisé pour les cellules en couche mince (utilisant le silicium amorphe hydrogéné* ou les semi-conducteurs composés), mais possède par contre des atouts majeurs. En effet, le silicium est le seul semi-conducteur élémentaire (composé d’un seul élément chimique) dont la bande interdite* (cf. II.6) est adaptée au spectre solaire (pour les cellules simple jonction). Par ailleurs, c’est un matériau très abondant, largement disponible dans la croûte terrestre et facilement exploitable et enfin, il a bénéficié de très nombreux développements au fil des années grâce à l’industrie de l’électronique. Ces efforts se sont traduits par la disponibilité de matériaux de très haute qualité et de haute pureté directement utilisables dans le domaine du photovoltaïque, et permettant d’atteindre des rendements de conversion des cellules élevés.
2Il a fallu toutefois développer des axes spécifiques au photovoltaïque sans lesquels la filière ne serait pas restée compétitive : la mise au point de procédés de fabrication de cellules à la fois simples et performants et une forte réduction du coût de toutes les étapes de fabrication, de la purification à l’assemblage des modules (ramené à sa surface, le coût d’une cellule photovoltaïque* doit être de deux ordres de grandeur moindre que celui d’un circuit intégré). Les premières cellules datent de la fin des années 1950 avec des rendements médiocres de 6 % et des coûts élevés. Une progression continue a ensuite eu lieu pour aboutir à des rendements records de 24,7 % en laboratoire à la fin des années 1990 et de plus de 22 % pour les meilleures cellules commerciales.
3Aujourd’hui le processus de fabrication des modules au silicium cristallin suit le cycle suivant : obtention du silicium métallurgique par carbo-réduction du quartz, purification du silicium, cristallisation sous forme de lingots, découpe des tranches de silicium de faible épaisseur (plaquettes), fabrication de la cellule, assemblage des cellules en module.
Le matériau purifié, les lingots et les wafers
4Pour assurer un bon rendement de conversion des cellules les matériaux doivent être les plus purs possible. Pour cette raison on utilise comme procédé celui développé pour l’électronique. Il est basé sur la transformation du silicium métallurgique de faible pureté en chlorosilanes qui sont ensuite distillés. À la fin du cycle, les chlorosilanes sont retransformés en silicium par décomposition chimique, produisant ainsi des blocs de silicium relativement purs. Ce procédé, dit « procédé Siemens », est fortement consommateur d’énergie. Des développements importants ont donc été entrepris pour réduire la consommation des fours de décomposition, efforts qui ont abouti par là même à une forte réduction des coûts.
5Deux méthodes de cristallisation sont actuellement utilisées à partir du silicium fondu en utilisant les blocs de silicium comme matière première : le tirage de monocristaux essentiellement par la méthode Czochralski* – celle utilisée pour la microélectronique –, et la croissance de lingots polycristallins par solidification dirigée qui est spécifique au photovoltaïque. Pour ce dernier, la structure colonnaire des grains et la faible densité des joints de grains* permettent de garder un bon rendement des cellules, même si celui-ci est légèrement dégradé par rapport à celui sur les plaquettes monocristallines (à cause d’une perte d’une partie des charges par recombinaison dans les joints de grains). La possibilité d’obtenir des lingots de beaucoup plus grande taille – actuellement de 450 kg et évoluant vers 1 000 kg – et l’obtention de plaquettes de forme carrée sans perte de matière rendent cette technique très attractive.
6La reprise de croissance sur germes monocristallins pour l’obtention de lingots proches du monocristal, tout en utilisant la technique de solidification dirigée et le même type de fours, est l’innovation la plus importante des années récentes. Elle concilie les avantages des deux techniques précédentes et semble donc promise à un grand succès.
7Après la formation des lingots par méthode Czochralski ou par solidification directionnelle, ces lingots sont ensuite sciés en plaquettes ultra-fines d’épaisseurs comprises entre 140 et 200 µm. On utilise pour cela le sciage à fil avec abrasion du silicium par des particules de SiC entraînées par le passage du fil. Si cette technique minimise les pertes au sciage, celles-ci gardent un impact négatif important sur le coût des wafers et des cellules. C’est la raison pour laquelle des efforts ont été testés de longues dates pour obtenir des tranches de silicium sans pertes de sciage. Essentiellement, trois types d’approches ont été étudiés : le tirage de lames minces à partir du silicium liquide (rubans de silicium) ; la croissance de films épais sur divers substrats par dépôt chimique en phase vapeur ; et la fracture induite par implantation de protons dans un matériau monocristallin.
8Aucune de ces techniques n’a pour l’instant réuni toutes les conditions pour prendre la place de la cristallisation et du sciage conventionnel de lingots massifs : faible coût, qualité cristalline équivalente.
Fabrication de cellules à partir de wafers
9Dans la majorité des cellules sur Si cristallin, on utilise encore des substrats de type p, et le contact redresseur* est obtenu par diffusion thermique à forte concentration d’une impureté de type n (cf. II.6), généralement du phosphore. L’avantage du silicium de type p réside dans une meilleure mobilité des électrons*. Il est toutefois notablement moins tolérant à la présence d’impuretés métalliques nocives au bon fonctionnement de la cellule. In fine, ceci se traduit par de meilleurs rendements de conversion sur le type n et on voit de plus en plus apparaître des technologies basées sur ce type. La cellule est ensuite recouverte d’une grille métallique qui permet d’évacuer des charges et d’une couche anti-réfléchissante qui permet de réduire les pertes de lumière par réflexion en surface (figure a). Cette couche désormais est constituée d’un nitrure de silicium hydrogéné qui permet de minimiser les pertes par recombinaison de surface.
10Les rendements de conversion sont passés au fil du temps de 12 % à 21 % dans l’industrie, et de 17 % à plus de 24 % en laboratoire. La structure qui détient le record du monde (24,7 %) (figure b) a été réalisée sur un matériau monocristallin de très haute qualité (obtenu par la méthode de fusion de zone ou « Fz* ») avec un soin particulier apporté aux pertes par recombinaison de surface et aux pertes optiques (cf. II.6).
11Le rendement de cette cellule record n’est pas très loin du rendement théorique qui se situe entre 27 et 28 % pour le silicium. Ce type de cellule, basée sur une technologie complexe avec plus de 32 opérations est bien sûr trop cher, et tous les efforts consistent actuellement à s’en approcher du point de vue des fonctions à réaliser, mais en simplifiant les procédés.
12Deux développements industriels récents vont dans ce sens : les cellules à hétérojonction et celles à contacts en face arrière. Toutes deux utilisent des substrats de type n.
Cellules avancées
13Pour réaliser le contact redresseur, les cellules à hétérojonctions utilisent non plus la diffusion d’impuretés dopantes, mais le dépôt d’une couche de nature chimique et cristallographique différente de celle du silicium cristallin, à savoir le silicium amorphe hydrogéné* – d’où le terme d’hétérojonction (figure c). La nature de l’interface ainsi créée, dans laquelle l’hydrogène sature les liaisons chimiques non satisfaites, permet de très fortement minimiser la recombinaison et ainsi de donner des tensions records en circuit ouvert pour le silicium cristallin, proches de la limite théorique (743 mV) et des rendements de 23 % sur de grandes surfaces en laboratoire.
14Les cellules à contact arrière (figure d) consistent à réaliser en face arrière une structure inter-digitée entre le contact redresseur et le contact de la base, ce qui permet de totalement supprimer les ombrages dus aux métallisations sur la face avant qui reçoit le rayonnement. Un soin particulier est aussi apporté à la qualité des interfaces. Ce sont actuellement les meilleures cellules sur le marché en termes de rendement de conversion (22 %) avec des rendements records en laboratoire de 24,2 % sur de grandes surfaces.
15Il est intéressant de remarquer que ces technologies nouvelles de cellules minimisant les recombinaisons de surface* permettent de maintenir de très bons rendements tout en abaissant l’épaisseur des substrats. Ceci permet à la fois de diminuer la quantité de matière et de relaxer les exigences en termes de qualité de silicium. Les recherches et développement dans le domaine des cellules avancées vont dans les directions de la réduction de l’épaisseur du silicium monocristallin vers les 100 µm, et de la réalisation de cellules combinant les avantages des cellules à hétérojonctions et celles des cellules à contact arrière.
16D’autres types de cellules silicium dont l’architecture des contacts est plus compliquée sont également encore au stade de développement. On peut citer les cellules à émetteur enterré (EWT pour Emitter Wrap-Through) et à métal enterré (MWT pour Metal Wrap Through). Ce type de cellule nécessite de réaliser des trous par laser dans les wafers, ce qui peut fragiliser le matériau et complique l’industrialisation.
17Par ailleurs, les progrès considérables acquis ces dernières années dans les technologies des implanteurs ioniques, des lasers et des réacteurs de dépôt utilisés en microélectronique, permettent d’envisager de les employer pour la fabrication des cellules photovoltaïques de grande dimension. Cela permettra de traiter efficacement les points résiduels affectant les rendements de conversion.
L’assemblage des modules*
18L’assemblage des cellules en module est aussi un point-clé mais les techniques ont relativement peu évolué ces dernières années. Il s’agit de connecter les cellules entre elles par soudure de rubans de cuivre recouvert des métaux fusibles, et de leur assurer une protection mécanique et chimique grâce à un laminat de trois éléments : un verre trempé transparent aux UV sur la face avant, un polymère de haute résistance contenant des couches fluorées en face arrière et un polymère transparent réticulé de type EVA (Ethyl Vinyl Acetate) pour loger les cellules. Cet assemblage robuste (s’il est bien réalisé) permet d’assurer une durabilité au-delà de vingt ans.
19Une évolution est néanmoins en cours avec plusieurs objectifs : s’adapter aux nouvelles cellules citées plus haut et en particulier à celles avec tous les contacts à l’arrière, augmenter les rendements des modules en jouant sur l’optique (verres et rubans structurés, antireflet) ou sur le facteur de remplissage, diminuer les coûts de montage et faciliter le recyclage, et augmenter la durabilité avec en particulier la mise en œuvre d’autres polymères techniques comme les ionomères*.
Bibliographie
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Références bibliographiques
• M. A. GREEN et al. – Very High Efficiency Silicon Solar Cells, Science and Technology, 1999.
10.1002/pip.1221 :• A. JOUINI et al. – Improved Multicrystalline Silicon Ingot Crystal Quality Through Seed Growth for High Efficiency Solar Cells, Prog. Photovolt, 2012.
• T. MISHIMA et al. – Solar Energy Materials and Solar Cells, 2011.
Auteurs
Directeur Général, INES, Le-Bourget-du-Lac.
jean-pierre.joly@ines-solaire.fr
Physicien, Directeur de Recherche au CNRS, ICUBE, Strasbourg.
abdelilah.slaoui@unistra.fr
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L'archéologie à découvert
Hommes, objets, espaces et temporalités
Sophie A. de Beaune et Henri-Paul Francfort (dir.)
2012