6. Biomasse : filière ligno-cellulosique, filière bois
p. 146-147
Texte intégral
1L’énergie issue de la biomasse représente actuellement 77 % des énergies renouvelables et 10 % (1 200 millions de tonnes équivalent pétrole* – Mtep – par an) de l’énergie totale produite au niveau mondial. Selon l’agence internationale d’énergie (l’AIE), la biomasse reste sous-utilisée et une augmentation de la proportion, (25 - 33 % de la demande totale en 2050), sans impact supplémentaire sur l’environnement est envisageable. En France, le Grenelle de l’environnement a fixé la production à 10 Mtep/an supplémentaires pour 2020. La biomasse potentiellement disponible provient des forêts (6,2 - 10,2 Mtep/an), des déchets organiques (5,4 Mtep/an), des résidus agricoles (4,3 Mtep/an) et des cultures dédiées (1 - 5 Mtep/an). Ces dernières peuvent être produites sur des terres agricoles disponibles ou sur des terres marginales, telles que des jachères, des terres polluées etc., auquel cas elles n’entrent pas en compétition avec des cultures alimentaires. Dans ce contexte, il convient de sélectionner et d’améliorer les cultures les mieux adaptées à la production de biomasse répondant aux besoins industriels, avec un faible besoin d’intrants et d’eau. Des espèces ligneuses sous forme de taillis à courte rotation, des graminées C4* annuelles (ex. le sorgho) et pérennes (ex. le miscanthus) sont ainsi développées.
2Les plantes convertissent l’énergie solaire en énergie stockée par la fixation de CO2 en carbohydrates* (cf. II.8). Une partie est stockée sous forme de molécules de réserve (saccharose, amidon, lipides). Ces molécules sont adaptées à une conversion enzymatique efficace en énergie ou en composants pour la croissance de la plante. Elles sont aussi exploitées par l’homme pour l’alimentation ou comme source d’énergie. Ces molécules de réserve forment la base des biocarburants de première génération (1G). En revanche, la plupart du carbone fixé s’accumule dans les polysaccharides* structuraux et lignines des parois végétales (la biomasse ligno-cellulosique). Ces dernières sont rigides et très récalcitrantes à l’attaque enzymatique. L’exploitation de la biomasse nécessite donc sa déconstruction à différentes échelles : les tiges, les fibres, les polymères et les molécules solubles (sucres et composants phénoliques) par des traitements thermochimiques éventuellement combinés avec des enzymes*. Enfin, des microorganismes réalisent la fermentation* des produits en composants utilisables comme carburants (biocarburants de deuxième génération ou 2G) ou synthons* pour la chimie verte.
Conversion de la biomasse en carburants liquides
3Dans le cas des biocarburants 1G, des sucres de réserve tels que l’amidon sont enzymatiquement dépolymérisés en monosaccharides qui font ensuite l’objet d’une fermentation alcoolique. Le même schéma dépolymérisation*/fermentation s’applique aux biocarburants 2G mais ce sont les sucres structuraux des parois qui sont le substrat. Les parois végétales sont composées de fibres de cellulose* (un polymère de glucose*), entourées d’un réseau de polysaccharides complexes, les hémicelluloses*, et de lignines (polymères de composés aromatiques*). Ces sucres sont très résistants à l’attaque enzymatique et leur dépolymérisation totale nécessite une quantité d’enzyme équivalente à 1 % de la masse du substrat, alors que pour les biocarburants 1G, la charge en enzyme n’est que de 0,01 %. Le substrat des biocarburants 2G est donc moins onéreux, mais la dépolymérisation présente un coût bien plus élevé. Les recherches visent donc à diminuer le coût des enzymes et/ou la charge enzymatique.
Prétraitement des substrats lignocellulosiques
4Le substrat brut (paille, bois, etc.) est prétraité afin de faciliter l’hydrolyse* enzymatique. Le prétraitement souvent utilisé consiste à le faire exploser au moyen de vapeur d’eau à hautes température et pression ce qui brise en partie les structures cristallines de la cellulose, et désolidarise les différents polysaccharides, les rendant plus accessibles. De l’acide dilué est parfois ajouté pour dépolymériser chimiquement l’hémicellulose.
Hydrolyse et fermentation
5Le procédé le plus courant, déjà testé à l’échelle pilote est celui de l’« hydrolyse et fermentation séparées » (SHF). La dépolymérisation du substrat prétraité est effectuée par des enzymes sécrétées en grande quantité par le champignon Trichoderma reesei, dont des souches améliorées produisant davantage d’enzymes (ou plus performantes) ont été construites. La dépolymérisation, réalisée à 45 – 50 °C, génère un sirop de mono saccharides dont le glucose* (60 %), le xylose (20 – 30 %) et des sucres mineurs comme le galactose, l’arabinose etc. La fermentation alcoolique est alors réalisée par une levure modifiée pour fermenter tous les monosaccharides, et l’éthanol produit est extrait par distillation.
6Dans un autre procédé appelé « saccharification et fermentation simultanée » (SSF), dépolymérisation et fermentation sont réalisées conjointement afin de réduire le coût global et diminuer l’inhibition des enzymes par le glucose qui est consommé au fur et à mesure par la levure. La dépolymérisation est alors réalisée à une température plus basse (imposée par la levure) et dans un milieu riche en alcool, ce qui nuit à son efficacité. C’est sur ce dernier point que se concentrent les recherches.
7Dans une troisième voie (Consolidated Bio Processing ou CBP), un seul organisme réalise la dépolymérisation et la fermentation alcoolique, pour réduire le coût global. Un tel organisme n’a pas jusqu’ici été isolé, et les chercheurs, dans ce contexte, se sont intéressés à des bactéries anaérobies* qui sécrètent des enzymes sous forme de complexes (les cellulosomes*), hydrolysant très efficacement les parois (figure). Les recherches visent donc à produire ces complexes chez la levure, ou à faire synthétiser de l’éthanol par les bactéries à cellulosomes. Une voie alternative propose d’utiliser des bactéries modèles facilement modifiables telles Escherichia coli* ou Bacillus subtilis*, pour y implanter un système de dégradation et une voie de synthèse de l’éthanol.
Bibliographie
Références bibliographiques
• IEA – Annual report 2009 IEA Bioenergy, www.ieabioenergy.com/Library.aspx, 2009.
• ADEME – Feuille de route biocarburants avancées, www2.ademe.fr, 2010.
Auteurs
Directeur de recherche, Institut Jean-Pierre Bourgin, INRA, Centre de Versailles-Grignon, Versailles.
herman.hofte@versailles.inra.fr
Biochimiste, Directeur de Recherche au CNRS, LCB, Université d’Aix-Marseille, Marseille.
hpfierob@imm.cnrs.fr
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L'archéologie à découvert
Hommes, objets, espaces et temporalités
Sophie A. de Beaune et Henri-Paul Francfort (dir.)
2012