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3. Hydraulique : les énergies marines

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Texte intégral

1Largement exploités pour le transport et la nourriture, les océans du globe le sont beaucoup moins en ce qui concerne leur potentiel énergétique. Estimé à environ 30 000 Wh par an par l’Agence internationale de l’Énergie, celui-ci est pourtant tout à fait conséquent, puisqu’il est du même ordre que la consommation d’électricité dans le monde (18 500 TWh en 2009). La principale raison à cette sous-exploitation est principalement liée à l’hostilité du milieu du marin (tempêtes, corrosion) et aux coûts que cela implique pour la réalisation des structures récupératrices.

2En fait, les océans ne renferment pas une, mais quatre types d’énergies marines : l’énergie marémotrice et des courants de marée, l’énergie des vagues, l’énergie thermique des mers, et l’énergie des gradients de salinité.

Énergie marémotrice et des courants de marée

3L’énergie marémotrice et celle des courants de marée sont certainement les plus connues des énergies marines en France, grâce à la célèbre usine marémotrice sur l’estuaire de la Rance. Pour ce type d’installation, il s’agit de récupérer l’énergie contenue dans l’onde de marée sous sa forme d’énergie potentielle : grâce à un barrage artificiel, on exploite les variations du niveau de la mer. Le principe est connu depuis longtemps, puisqu’il existait déjà des moulins à marée au Moyen-Âge.

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Fig. 1 – Vue d’artiste d’une ferme d’hydroliennes* développées par la société Hammerfest Strom

4Plus récente est la récupération de l’énergie des marées sous sa forme d’énergie cinétique : les courants de marée. Les dispositifs utilisés sont appelés hydroliennes : ce sont des turbines sous-marines assez semblables à des éoliennes, mais sous l’eau. La figure 1 présente l’exemple de l’hydrolienne* Hammerfest Strom, développée en Norvège et qui développe une puissance nominale d’1 MW.

5Le potentiel énergétique des marées est estimé à 300 à 800 TWh/an. Les sites adaptés sont peu nombreux, car ils nécessitent, pour des raisons économiques, l’amplification par les conditions bathymétriques et côtières du phénomène de marée, afin d’obtenir un marnage de l’ordre de la dizaine de mètres ou des courants de l’ordre de 3 nœuds. Parmi les régions les plus favorables, on peut citer en Europe les littoraux de la Bretagne, du Royaume-Uni, de l’Irlande et de la Norvège. Dans le monde, les littoraux du Canada et de la Corée du Sud présentent également des sites particulièrement énergétiques. Enfin, un intérêt notable de l’énergie marémotrice par rapport à d’autres formes d’énergies renouvelables est sa parfaite prédictibilité.

Forme d’énergie marine

Potentiel annuel exploitable (TWh/an)

Énergie marémotrice et des courants de marée

800

Énergie des vagues

2 000

Énergie thermique des mers

10 000

Gradients de salinité

2 000

Total

29 800

Énergie des vagues

6L’énergie houlomotrice est l’énergie des vagues qui animent la surface des océans. Son potentiel énergétique global est estimé à 23 000 TWh/an. Les vagues étant provoquées par la friction de la surface de la mer par les vents, les vagues les plus fortes (et donc les plus énergétiques) se trouvent dans les régions soumises à de fortes rafales : les célèbres quarantièmes rugissants dans l’hémisphère sud, mais aussi les tempêtes qui agitent les côtes bretonnes et plus au nord dans l’Atlantique, ainsi que leurs homologues dans le Pacifique.

7À l’heure actuelle, on recense plus d’une centaine de projets de technologies récupératrices en cours de développement de par le monde, dont un petit nombre a atteint un stade précommercial avec des prototypes de démonstration à pleine échelle. Les technologies les plus avancées sont probablement les systèmes Pelamis et Oyster, illustrées sur la figure 2. Le Pelamis est une technologie flottante, constituée de 5 cylindres articulés entre eux, orientés dans la direction de propagation des vagues. Sous l’action des vagues, les cylindres oscillent les uns par rapport aux autres, les mouvements relatifs sont mis à profit pour produire de l’électricité par l’intermédiaire de convertisseurs hydrauliques (pompes et vérins). La puissance nominale d’une machine est de 750 kW, pour une longueur de 150 mètres. Le système Oyster est quant à lui fixé au fond, et est donc destiné à être installé proche des côtes, en faible profondeur d’eau (10-15 mètres). Il s’agit d’un volet articulé, placé face aux vagues. Comme pour le Pelamis, le mouvement de rotation à l’articulation est transformé en électricité par un groupe hydraulique. La puissance nominale d’une machine Oyster est de 800 kW, pour une largeur de 26 mètres. On constate que les dimensions de ces machines sont importantes : cette caractéristique s’explique par le fait que la longueur d’onde des vagues océaniques est de l’ordre de la centaine de mètres.

8Comme l’énergie éolienne, l’énergie des vagues est fluctuante. Cependant, les modèles météorologiques actuels permettent de prédire le niveau de ressource, et donc la production des machines, à l’horizon de quelques jours.

Énergie thermique des mers

9L’énergie thermique des mers (ETM) consiste à exploiter la différence de température entre les eaux chaudes de surface et des eaux froides pompées à grande profondeur (1 000 m). En zone tropicale, ce gradient thermique peut atteindre 20 à 25 °C. À l’échelle du globe, le potentiel est estimé à 10 000 TWh/an. L’intérêt majeur de cette ressource est qu’elle n’est pas fluctuante, et qu’elle permet de contribuer à la partie dite «  base » de la consommation électrique. Le principal défi technologique est de parvenir à produire un niveau de puissance significatif à partir d’une si faible différence de température, le rendement thermodynamique théorique n’étant que de 6 à 7 %.

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Fig. 2 – Les systèmes houlomoteurs* Pelamis P2 (à gauche) et Oyster (à droite)

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Fig. 3 – Le laboratoire NELHA à Hawaï où l’énergie thermique des mers est exploitée

10Les premières tentatives de réalisation remontent aux années 1930 et furent réalisées par le Français Georges Claude. Malheureusement, il subit de nombreux échecs, principalement dus à des matériaux de mauvaise qualité et à la méconnaissance du milieu marin. Au milieu des années 1970, le laboratoire NELHA dédié à l’exploitation de l’énergie thermique des mers fut créé à Hawaï. Le laboratoire est doté d’une conduite d’eau froide à 7 °C, pompée à 610 mètres de profondeur, et d’une conduite en surface pompant de l’eau chaude à 24 °C. En 1979, une usine ETM y réalisa la première production nette d’électricité en cycle fermé. Aujourd’hui, les progrès spectaculaires accomplis dans l’offshore pétrolier permettent d’envisager l’exploitation de cette ressource en mer, sur support flottant. Un projet est en cours de développement pour une installation à l’île de la Réunion.

11Notons également que cette forme d’énergie peut être exploitée pour d’autres usages que la production d’électricité. En zone tropicale, l’eau froide pompée à grande profondeur peut être utilisée directement à des fins de climatisation. Au laboratoire NELHA, des entreprises mettent à profit la disponibilité de sources d’eau froide et chaude pour la pisciculture.

Gradients de salinité

12Cette forme d’énergie marine consiste à exploiter les différences de concentration en sel entre des eaux douces et des eaux salées ou saumâtres, typiquement en zone d’estuaire. Le principe est d’exploiter la pression osmotique. Le potentiel est estimé à 2 000 TWh/an. Comme pour l’énergie thermique des mers, un intérêt majeur de cette ressource est qu’elle est toujours disponible.

13Un prototype de 4 kW a été inauguré en 2009 en Norvège et testé avec succès. Le défi technologique est ici d’augmenter le rendement des membranes, afin de diminuer le coût de telles centrales.

Conclusion

14À l’exception des usines marémotrices, les dispositifs de récupération des énergies marines n’existent encore qu’à l’état de prototypes, au coût de production du kWh électrique incompatible avec le tarif de rachat actuel pour ces formes d’énergies renouvelables (15 c€/kWh pour la France). Cependant, ces dispositifs existent, et prouvent la faisabilité de l’exploitation des énergies marines. Dans le futur, si le cadre législatif le permet, on peut raisonnablement s’attendre à ce que l’industrialisation de la filière permette de réduire ces coûts drastiquement, comme cela a pu être observé pour l’éolien ou le photovoltaïque.

15Pour terminer, contentons-nous de citer Victor Hugo, qui écrivait en 1874 dans le livre Quatre-vingt-treize : « Utilisez la nature, cette immense auxiliaire dédaignée. […] Réfléchissez au mouvement des vagues, au flux et reflux, au vaet-vient des marées. Qu’est-ce que l’océan ? Une énorme force perdue. Comme la terre est bête ! Ne pas employer l’océan ! »

Bibliographie

Références bibliographiques

• B. MULTON – Énergies marines renouvelables : aspects généraux, éolien, marémoteur et hydrolien, Hermès/Lavoisier, 2012.

• B. MULTON – Énergie thermique, houlogénération et technologie de conversion et de transport des énergies marines renouvelables, Hermès/Lavoisier, 2012.

• International Energy Agency, Implementing Agreement on Ocean Energy Systems (IEA-OES), Annual Report 2007.

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