6. Traitement du combustible nucléaire usé et déchets
p. 118-119
Texte intégral
Traitement actuel
1Depuis son origine, l’industrie nucléaire doit se préoccuper du devenir du combustible usé (CU) et des déchets radioactifs. La France a fait depuis les années 1960 le choix du traitement-recyclage des CU, mis en œuvre industriellement à l’usine de la Hague. Les méthodes et les moyens mis en œuvre ont bien évolué depuis les débuts de la filière, et les motivations apparaissent de plus en plus incontournables. Il s’agit d’abord de conditionner de manière sûre les déchets et de permettre leur stockage futur ou leur destruction. Actuellement, les déchets les plus radioactifs (dits « MA » pour Moyenne Activité et « HAVL » pour Haute Activité et à Vie Longue) sont vitrifiés, le verre confinant les éléments radioactifs dans son volume, ce qui réduit très fortement le risque de dissémination. Il faut ensuite réduire leur volume et leur durée de vie. Il est en effet possible de séparer du combustible usé certains éléments que l’on peut recycler et faire disparaître par transmutation. Enfin, il est nécessaire d’économiser du combustible* en valorisant toutes les matières encore présentes : certains éléments comme l’uranium 238 (238U) fertile, l’uranium 235 (235U) fissile et le plutonium 239 (239Pu) fissile peuvent en effet être réutilisés dans les réacteurs nucléaires actuels ou futurs. Cela permet ainsi d’économiser le minerai et d’augmenter la durabilité de ce moyen de produire de l’énergie. Le retraitement met donc en œuvre une science du recyclage et de la séparation des éléments.
2Actuellement, l’industrie sépare l’uranium et le plutonium des CU afin de pouvoir les réutiliser dans la filière actuelle ou dans la prochaine génération de réacteur nucléaires (sous forme de MOX, cf. IV.2). Le procédé PUREX (Plutonium URanium Extraction) qui réalise cette séparation est proche de celui utilisé après la mine et repose sur l’extraction liquide-liquide (figure 1). Le CU est dissous par de l’acide nitrique en phase aqueuse : U et Pu sont alors sous formes oxydées. Cette solution est mise en contact avec une phase organique contenant un extractant, le TBP (phosphate de tri-n butyle), qui a une grande affinité pour l’uranium et le plutonium et qui les extrait, tandis que les produits de fissions (PF) et les actinides mineurs (AM) restent dans la phase aqueuse. Ce recyclage, pratiqué industriellement en France, permet d’économiser 17 % d’uranium naturel – le gain étant limité par le type actuel de réacteurs dits « à neutrons thermiques ». Ce procédé peut être modifié pour réaliser une séparation conjointe de l’uranium et du plutonium, ce qui accroît la résistance à la prolifération. Enfin, le plutonium étant l’élément radioactif sur la plus grande échelle de temps, le séparer réduit considérablement la durée de vie des déchets (typiquement de 200 000 à 10 000 ans pour retrouver la radioactivité du minerai comme représenté sur la figure 2).
PYROCHIMIE
Pour certains combustibles de réacteurs la 4e génération, une alternative à la voie aqueuse est la voie pyrochimique. Par électrochimie dans les sels fondus à haute température, il serait possible de solubiliser directement des CU encore chauds, (sans temps d’attente en piscine), ou très chargés en actinides, ou des CU dont l’enveloppe serait insoluble en milieux aqueux (carbures ou nitrures). Plus compacts que les procédés aqueux, ils pourraient dans certains cas présenter des avantages en termes de sûreté et de coûts. De plus, les sels fondus (dont les constituants sont des ions atomiques) étant insensibles à la radiolyse, le volume de déchets associés serait diminué. Ces procédés sont évidemment la voie de référence pour le CU des réacteurs à sel fondu (cf. IV.9).
À l’avenir…
3Dans le futur, si de nouveaux réacteurs à neutrons rapides sont construits, le recyclage pourra avoir lieu de façon multiple. Les ressources en uranium de la planète, qui avec la filière actuelle sont garanties à un coût modéré pour une durée de l’ordre du siècle, pourront alors être multipliées par un facteur 100. La nécessité d’importer de l’uranium se réduira.
4Pour un traitement à plus long terme, le recyclage des AM est également en voie de développement. La motivation est technique et sociétale. Après élimination du plutonium, ce sont ces éléments qui concentrent l’essentiel de la radioactivité et de la chaleur résiduelle aux temps longs. La séparation des AM permet donc de diminuer la puissance thermique des déchets et de concevoir un stockage plus dense, et de ramener la durée de vie des déchets à quelques siècles. Les procédés envisagés dans ce but sont basés sur des méthodes d’extraction liquide-liquide nouvelles mises en œuvre en complément du procédé PUREX.
5De nombreuses études sont ainsi menées pour améliorer ces procédés de retraitement. On étudie de nouveaux procédés de recyclage des éléments, en mettant en œuvre des molécules extractantes différentes. Il s’agit en effet de développer une séparation économe en produits chimiques, produisant peu de déchets chimiques, efficace, et résistante à la radiolyse. De tels développements intéressent d’ailleurs non seulement l’industrie nucléaire, mais également l’industrie du recyclage des métaux en général puisqu’elle utilise les mêmes méthodes. Les procédés de séparation issus de l’industrie nucléaire pourraient ainsi inspirer ceux de l’extraction des éléments nécessaires au déploiement des différentes nouvelles technologies de l’énergie – les gisements de ressources naturelles associant souvent terres rares et actinides – ou dans le recyclage de matériaux complexes (aimants, électrodes de batteries) associant les mêmes éléments. La recherche s’intéresse également aux procédés de vitrification, en lien avec un futur stockage.
6En conclusion, le retraitement met en œuvre des procédés complexes pour améliorer la sûreté de la filière, limiter les déchets, et économiser les ressources naturelles. Mais l’efficacité des méthodes dépend aussi des choix politiques à long terme. Ainsi, la filière actuelle de retraitement ne pourra fortement diminuer la quantité et la durée de vie des déchets nucléaires que si la future génération de réacteurs nucléaires – capable de consommer avec une grande efficacité les actinides – est construite. Dans le cas contraire, ces éléments ne seront plus valorisables, et il faudra alors traiter un volume bien plus important de déchets ayant une durée de vie beaucoup plus longue.
Bibliographie
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Références bibliographiques
• CEA – Le traitement-recyclage du combustible nucléaire usé, Monographie DEN - Le Moniteur, 2008.
10.1051/978-2-7598-0158-9 :• L. PATARIN – Le cycle du combustible nucléaire, EDP Sciences, 2002.
Auteurs
Physicochimiste, Maître de conférence à l’UPMC, PECSA, Chargé de mission « déchets radioactifs » au Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Paris.
christian.simon@upmc.fr
Physico-chimiste, Professeur des Universités, Université de Montpellier 2, ICSM, Bagnols-Sur-Cèze.
jean-francois.dufreche@icsm.fr
Physico-chimiste, Chef du Département Radiochimie et Procédés, CEA Marcoule, Direction de l’Énergie Nucléaire, Professeur de Chimie à l’INSTN, Bagnols-sur-Cèze.
christophe.poinssot@cea.fr
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