Discussion
p. 443-445
Texte intégral
Sicile, péninsule italique, zone tyrrhénienne
G. Camps
1Y-a-t-il de l’obsidienne dans les niveaux du Néolithique ancien de la grotte dell’Uzzo ?
M. Piperno
2On a de l’obsidienne dans tous les niveaux néolithiques et à partir du dépôt néolithique le plus ancien. Il existe des pièces que je considère comme remaniées aussi dans les niveaux que l’on appelle « phase de transition » mais il y en a très peu. Dès l’existence de la céramique on a l’obsidienne. Du point de vue stratigraphique il y a de l’obsidienne avant la céramique mais on peut peut-être la considérer comme remaniée, par prudence.
G. Camps
3J’ai été très sensible à votre remarque sur la permanence de la céramique imprimée apparue précocément et, si j’ai bien compris, différente du style de Stentinello qui serait légèrement postérieur à votre premier niveau. Cette permanence de la céramique imprimée me conforte dans mon opinion sur la perduration de cette céramique qui s’est maintenue avec peu d’évolution de la partie méridionale de la Méditerranée, aussi bien en Andalousie qu’en Sicile ou qu’en Afrique du Nord. Vous avez fait allusion à l’occupation de Lampedusa ; un article de Madame Radi avait attribué cette occupation au groupe de Stentinello. Ne pensez-vous pas qu’il s’agisse plutôt de cette céramique imprimée comparable à celle que vous avez trouvée à la grotte dell’Uzzo et qui existe sur tout la côte nord-africaine ?
S. Tusa
4Je n’ai pas vu la céramique de Lampedusa ; d’après les tessons publiés, je pense qu’il s’agit d’une céramique imprimée différente de celle de Stentinello.
G. Camps
5Au sujet du style cardial que l’on connaît à Basi on avait d’abord parlé de style de Basi, ce qui est tout à fait normal. Or on le retrouve maintenant à Aleria, à Pienza et à Filiestru. C’est quelque chose de remarquable que cette unité, au moins dans les motifs, de cette céramique qui est vraiment tyrrhénienne et non pas limitée simplement à un secteur de la Corse.
A.-J. Ammerman
6Quand nous nous trouvons dans ces gisements de transition Mésolithique-Néolithique, je voudrais que l’on fasse preuve de prudence et évoquer les travaux de J. Courtin et P. Vila sur le remontage des tessons, le glissement et le mélange des sédiments. Or qu’avons-nous vu dans la grotta dell’Uzzo ? Les niveaux 10 à 12 sont situés sur une pente. Il existe une date pour les niveaux juste au-dessus. Cette date provient d’un dépôt de 30 cm en paliers de 10 cm. En-dessous nous avons une date des niveaux 13 et 14, épais aussi de 20 cm. A regarder le déplacement de la céramique, comme les trois tessons du niveau 12, le niveau qui contient le plus d’ossements, nous devons nous demander si ces tessons sont vraiment en place ou s’ils n’ont pas plutôt subi un déplacement dû à un mécanisme de sédimentation ? Je ne critique nullement la fouille mais j’insiste sur l’idée qu’il me paraît dangereux d’aboutir à des hypothèses sur les transitions du Néolithique sans tenir compte du mélange de dépôts.
A. Benac
7M. Costantini, vous avez découvert à la grotte dell’Uzzo des sépultures mésolithiques. Avez-vous des données, des résultats d’ordre anthropologique ? S’agit-il d’une population méditerranéenne « gracilisée » ou de quelque autre chose ?
M. Piperno
8Pour la nécropole mésolithique dell’Uzzo on dispose, pour l’instant, des études anthropologiques faites par Mme Borgonini de l’Université de Pise, sur les deux squelettes de la première sépulture que l’on a fouillée en 1975. Ces résultats sont publiés. L’un des squelettes de cette sépulture appartient à une variété progressive, assez proche du type méditerranéen, et donc se distingue du type Cro-Magnon, Obercassel comme du type Combe Capelle que l’on trouve par exemple dans la nécropole mésolithique des Arene Candide. Il s’agit du même squelette qui a été daté par la racémisation de 8550 et qui montre des traits disons évolutifs, en direction du type proto-méditerranéen du Néolithique italien.
J. Guilaine
9On nous a donné pour la grotte dell’Uzzo une date de 6100 pour la « période de transition ». A cette époque-là, si je comprends bien, il n’y a pas de poterie encore, c’est-à-dire que la poterie apparaîtrait dans un deuxième temps en gros vers le milieu du 6e millénaire. On aurait donc en Sicile des dates qui, grosso modo, correspondraient avec les débuts de la première poterie en Italie du Sud. Je remarque ensuite que le passage de la première poterie imprimée au style de Stentinello se placerait en gros vers 5000. Cette mutation correspondrait donc à l’apparition des céramiques peintes en Italie du Sud Est, type Masseria la Quercia, pour lesquelles on a maintenant une série de datations qui tournent grosso modo autour de 5000 B.C. avec les dates de San Vito, de Masseria Giuffreda ou de Villa Communale à Foggia. Tout cela est intéressant parce que ça montre que le début des poteries peintes en Italie du Sud et leur évolution sont contemporains en gros de notre Cardial franco-ibérique. C’est dire qu’il existe un décalage chronologique entre les divers groupes à poterie imprimée. Enfin pour Curacchiaghiu j’avais été persuadé effectivement, en voyant le matériel à Lévie, qu’il s’agissait plutôt d’un épicardial sensu lato que de quelque chose qui pouvait être ancien et c’est ce que vous nous avez confirmé. Il faut donc en conclure, hélàs, que les dates du Néolithique ancien de Curacchiaghiu ont mille ans de trop.
F. de Lanfranchi
10C’est la raison pour laquelle j’ai précisé que les premières datations étaient sorties au moment de la première publication. De ce fait tout le monde a emprisonné ce matériel aux alentours de 5650. Je pense que le site de l’Araguina ayant donné une date de 4700 avant J.C., celui de Curacchiaghiu pourrait très bien se situer dans une même fourchette.
J. Guilaine
11Par contre vos comparaisons entre Curacchiaghiu et le Cardial du Sud de la Sardaigne me paraissent un peu sujettes à caution, dans le mesure où le Cardial du Sud de la Sardaigne a des correspondances chronologiques probables avec celui de Basi tandis que Curacchiaghiu serait plutôt contemporain des phases évoluées du Néolithique ancien de la Sardaigne (grotta Verde, Filiestru), voire même plus récent.
F. de Lanfranchi
12C’est-à-dire que là il s’agit uniquement des formes de vases dans la recherche de la genèse du style de Curacchiaghiu. Il se trouve effectivement que les formes de cette céramique de la grotta Verde sont semblables à celles de Curacchiaghiu de même que les armatures de trait sont semblables à celles de Su Caroppu di Sirri.
S. Tiné
13J’espère que les conseils de prudence d’Ammerman, concernant l’interprétation de la stratigraphie des grottes dell’Uzzo en Sicile et ceux de J. Guilaine permettront de ne pas soulever d’autres problèmes, tel que ceux évoqués à propos de Prazziche et des grottes des Pouilles. Vraiment je ne peux pas accepter ces phases de transition du Mésolithique au Néolithique à une date aussi haute, surtout en Sicile, avec la présence d’obsidienne. Il me semble que la grotte dell’Uzzo concorde bien avec les grottes de San Basilo, de Corruggio, et les autres grottes que Bernabo Brea avaient indiquées comme telles : il s’agit de populations en cours d’acculturation. Cependant il me paraît important de souligner dans l’exposé de S. Tusa que cette phase « pré-Stentinello » est effectivement présente en Sicile où elle a déjà été signalée dans la grotte de Kronio. Là, à la base des dépôts, a été trouvé du matériel (peu abondant mais significatif) d’une phase pré-Stentinello semblable, comme l’a dit G. Camps, au matériel de Basi en Corse, à ce faciès ancien de la céramique imprimée de l’aire tyrrhénienne. Une grande prudence est donc nécessaire en ce qui concerne l’interprétation de la séquence dell’Uzzo.
14Je voudrais revenir un moment sur le problème qu’a évoqué Guilaine à propos de Curacchiaghiu et de cette phase présente dans le Nord de la Sardaigne ; il me semble qu’on peut les comparer l’une à l’autre : présence du décor pointillé et présence d’un type d’anse particulier que l’on trouve dans les niveaux inférieurs de Cnossos, associé à la céramique à décor pointillé de l’aire égéenne. Il me semble donc qu’on peut accepter ces parallèles entre la grotta Verde en Sardaigne (et divers matériaux qu’a montré G. Tanda) et cette céramique à décor pointillé de Curacchiaghiu, de même que ceux établis entre les céramiques à décor pointillé des Pouilles. Nous devons donc nous habituer à admettre pour Curacchiaghiu une date de 4500 (le milieu du 5e millénaire).
A.-J. Ammerman
15Je suis d’accord avec le professeur Tiné sur la possibilité et la probabilité d’une céramique pré-Stentinello. Mais quand on voit par exemple qu’il n’y a que trois tessons dans la couche 12, on peut se poser des questions. Ensuite, à la suite de l’expérience réalisée par J. Courtin et P. Vila, on voit que des tessons peuvent se déplacer de 20 cm vers le haut ou vers le bas. Cela donne à réfléchir. Nous avons vu, par exemple, dans la grotte de la Madonna, que j’ai étudiée il y a bien longtemps avec le vieux professeur Cardini, qu’en fouillant d’une certaine manière on récolte des tessons distants, en verticale, de 30 à 40 cm. Et c’est pour cela que j’émets quelques doutes sur la séquence dell’Uzzo.
16Il faut être très attentif avant d’accepter ces données. Ceci dit, le travail que vous avez entrepris est selon moi le meilleur connu à ce jour en Sicile et j’espère le voir se poursuivre.
S. Tusa
17Je ne vois pas comment vous pouvez dire qu’il y a deux ou trois fragments de poterie dans les niveaux anciens dell’Uzzo alors qu’il y en a des centaines.
C. Bouville
18Je voudrais demander à R. Grifoni quelques précisions à propos de la grotte Continenza sur la datation absolue des sépultures d’enfants dans les vases, sur l’âge de ces enfants et, enfin, sur la représentativité du squelette de ces enfants puisqu’il s’agit de crémations.
R. Grifoni
19La datation est faite seulement par comparaison avec toute la céramique imprimée d’Abruzzo qui est datée entre 4500 et 4200 B.C. La crémation a été étudiée par Francesco Malegni et l’âge des enfants a été déterminé à partir des fragments, des radios et des articulations.
A. Muzzolini
20On nous annonce une date de 7000 B.P. pour l’apparition du mouton à la grotte de l’Uzzo. Mais d’où viennent ces moutons ? Y-a-t-il en Italie quelques indices qui laissent penser qu’il peut y avoir comme en Languedoc un mouton pré-néolithique ?
M. Piperno
21La faune est en cours d’étude par S. Bokönyi. Nous n’avons jamais dit que l’arrivée du mouton s’est produite à la date que vous citez. Nous parlons d’ovicaprinés. Nous pensons qu’il peut s’agir de chèvres.
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