12. Vue générale de l’intérieur de la Terre
p. 65-66
Texte intégral
L’inaccessible intérieur de la Terre
1De tous les voyages extraordinaires imaginés par Jules Verne, son Voyage au Centre de la Terre est le seul qui n’ait pas été réalisé. Et il s’en faut de beaucoup ! Le plus profond forage réalisé à ce jour atteint « seulement » les 12 km. La température au centre de la Terre dépasse les 5 000 °C et la pression atteint les 3,6 millions d’atmosphères. Cependant, les techniques d’auscultation sismique développées au siècle dernier nous fournissent une vision précise de la structure de la Terre (figure 1) qui comporte trois grandes coquilles de compositions chimiques distinctes : un cœur de fer, un manteau de silicates* et une croûte moins dense en surface.
2C’est sous l’effet de la gravité que le fer, plus dense, s’est différencié du manteau pour former le noyau, quelques dizaines de millions d’années seulement après la formation de la Terre, il y a 4 570 millions d’années. Le manteau est essentiellement solide, mais sa fusion partielle sous les dorsales produit des magmas qui montent jusqu’à la surface où ils se refroidissent pour former la croûte océanique dont l’épaisseur atteint près de 10 km. La croûte continentale, granitique et plus épaisse, s’est accumulée progressivement au cours de l’histoire de la Terre.
La Terre, machine thermique
3Depuis l’avènement de la théorie de la tectonique des plaques*, nous savons que le manteau terrestre est animé de lents mais puissants mouvements. Les plaques tectoniques s’écartent ou se rapprochent les unes des autres de quelques centimètres par an. Les grandes dorsales océaniques marquent les zones d’écartement, tandis que dans les zones de convergence les plaques s’affrontent et forment des chaînes de montagne ou des zones de subduction*. L’une des plaques plonge alors dans le manteau, dans un fracas de tremblements de terre et d’éruptions volcaniques.
4À l’origine de ces mouvements : l’énergie thermique emmagasinée dans la Terre. C’est elle qui met le manteau en convection*. La puissance thermique transportée à la surface atteint les 46 TW. Le bilan géochimique de la Terre indique que 27 TW sont apportés par la désintégration* actuelle des éléments radioactifs (principalement l’uranium 235 et 238, le thorium 232 et le potassium 40) présents dans le manteau et la croûte. Le reste provient de la baisse progressive de la température moyenne de la Terre, que l’on estime à environ 120° C par milliard d’années.
5Le lent refroidissement du noyau apporte environ 8 TW à la base du manteau et est également responsable des mouvements convectifs qui animent le noyau liquide à des vitesses de quelques km/an. Par ailleurs, le mélange fer (85 %)/nickel (7 %) qui constitue le noyau est un bon conducteur de l’électricité, ce qui permet aux mouvements convectifs de générer un champ magnétique* par effet dynamo*. Une partie de ce champ s’étend loin des frontières du noyau et forme le bouclier magnétique qui nous protège du vent solaire. Mais la plus grande partie de l’énergie magnétique est dissipée par effet Joule à l’intérieur du noyau. Sous l’effet des pressions gigantesques qui règnent au cœur de la Terre, le fer cristallise pour former la graine solide. On calcule que ce phénomène a dû commencer il y a moins d’un milliard d’années, lorsque le noyau s’était suffisamment refroidi.
6Plus près de nous, dans la croûte, ce sont les fluides qui transportent efficacement la chaleur en percolant à travers les roches poreuses ou fracturées.
La Terre, usine chimique
7L’intérieur de la Terre n’est pas seulement une extraordinaire machine thermique, c’est également une gigantesque usine chimique. Lorsqu’une roche du manteau fond partiellement, certains éléments chimiques migrent dans le magma. C’est le cas des gros atomes qui se trouvent « à l’étroit » dans le réseau cristallin. Ainsi, au cours des âges géologiques, l’uranium, le thorium et le potassium ont-ils progressivement déserté le manteau pour se concentrer dans la croûte continentale où ils produisent environ 7 TW.
8De la même manière, l’intense lessivage des roches par les fluides géothermiques parvient, dans certains environnements, à concentrer différents éléments, et en particulier les métaux. Dans des conditions exceptionnelles, d’énormes cristaux peuvent se former (figure 2).
9Le ballet incessant des plaques tectoniques produit surrection* et subsidence*. En surface, l’atmosphère et l’hydrosphère prennent le relais : les montagnes sont érodées, les bassins sédimentaires se remplissent. Et c’est ainsi que les restes des organismes qui peuplent les océans et les terres émergées se retrouvent enfouis sous des kilomètres de sédiments*. Comprimés, et réchauffés par la chaleur qui sort de la Terre, ces sédiments organiques mûrissent lentement et donnent naissance au pétrole et au charbon : nos énergies fossiles ; renouvelables si l’on peut se permettre d’attendre des centaines de millions d’années.
Bibliographie
Références bibliographiques
• C. GRAPPIN, P. CARDIN, B. GOFFÉ, L. JOLIVET et J.-P. MONTAGNER – Terre, planète mystérieuse, Le Cherche Midi, 2008.
• A. BRAHIC – Sciences de la Terre et de l’Univers, Vuibert, 2006.
• H.-C. NATAF et J. SOMMERIA – La physique et la Terre, Belin-CNRS Éditions, 2000.
Auteur
Géophysicien, Directeur de Recherche au CNRS, ISTerre, OSUG, Université de Grenoble, Grenoble.
henri-claude.nataf@ujf-grenoble.fr
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2012