Précédent Suivant

28. Former en sciences de l'environnement

p. 326-327


Texte intégral

1Avec la montée en puissance de la crise écologique mondiale, depuis les années 1990, les organismes scientifiques et les universités ont dû qualifier, puis nommer, un champ de formation et de recherche à partir du concept d’« environnement ». L’appellation « sciences de l’environnement » s’est imposée au fil des dernières années, comme celle qui reflétait le mieux la production et l’apprentissage d’un nouveau type de connaissances permettant d’appréhender les interactions complexes entre les évolutions de l’écosphère et les sociétés humaines, et par le fait même de répondre aux besoins sociétaux en matière de résolution de problématiques environnementales.

Développement d'une filière en sciences de l’environnement

2Nombreuses sont les disciplines qui ont affirmé, depuis plusieurs décennies, que l’environnement était un de leur champ d’étude : la géographie, les sciences de la Terre, la chimie, la biologie, les sciences politiques, les sciences de la gestion l’ingénierie… Toutefois, les sciences de l’environnement, non seulement intègrent divers savoirs et s’alimentent à diverses disciplines classiques, mais elles en dépassent leurs frontières usuelles. En définissant leurs frontières épistémologiques au niveau des interfaces dynamiques entre sociétés et systèmes écologiques, les sciences de l’environnement contribuent en retour au développement de ces savoirs et de ces disciplines. Les sciences de l’environnement modernes, inter et transdisciplinaires (cf. VI.2), se fédèrent autour d’objets-frontières comprenant des composantes, qui croisent les sciences naturelles, les sciences humaines et sociales, les sciences de la santé et les sciences de l’ingénieur.

3Cette nouvelle réalité a mené les universités de par le monde à élaborer de nouveaux programmes de formation centrés spécifiquement sur les sciences de l’environnement. Ils proposent d’une façon plus ou moins systématique des cadres théoriques, méthodologiques et des pratiques de recherche et d’intervention visant une formation interdisciplinaire et préparant les étudiants à innover et à intervenir de façon utile dans les problématiques environnementales. L’esprit qui anime cette posture n’est pas étranger aux débats sur un nouveau régime de production des savoirs, où le passage de la science à l’action est privilégié. Les formations en sciences de l’environnement proposent des synthèses, des analyses et des développements de nouveaux outils, pour mieux déchiffrer la complexité des grands enjeux environnementaux, pour identifier les facteurs qui en sont à l’origine, pour évaluer les mesures de réduction ou d’atténuation des impacts, et pour imaginer des voies alternatives. Ainsi, ne serait-ce qu’aux États-Unis, le National Council for Science and the Environment recense près de 2 000 programmes en environnement, dans près de 200 universités et collèges, et indique que ce champ de formation interdisciplinaire connaît une augmentation fulgurante depuis 2008. En France, en 2013, 47 programmes de master et 10 programmes de doctorat, dont la thématique principale est reliée à l’écologie ou l’environnement, ont été recensés.

Nécessité d’un socle solide de formation disciplinaire

4Les savoirs disciplinaires constituent une base indispensable, mais non suffisante, pour toute approche interdisciplinaire relative aux sciences de l’environnement. Loin de vouloir former les étudiants issus de disciplines distinctes sur la base du plus petit dénominateur commun de leurs connaissances – ce qui constituerait un dangereux nivellement par le bas – il s’agit de développer une confiance dans le savoir de l’autre, savoir qu’il n’est pas nécessaire de maîtriser mais dont il faut comprendre la portée. Ainsi, il s’agit de démontrer que l’étude des problématiques environnementales complexes et l’élaboration de pistes de solution passent par la mise en complémentarité synergétique des savoirs des uns et des autres, illustrant le fait que le tout vaut nettement plus que la somme des parties. Ce constat du besoin d’une solide formation disciplinaire préalable au développement d’une spécialisation en sciences de l’environnement suggère que ce champ d’étude soit privilégié aux cycles supérieurs (master, doctorat) plutôt qu’au niveau du premier cycle (licence). Ceci évite des formations transversales superficielles au premier cycle, qui risqueraient de créer des illusions de maîtrise des théories et méthodes propres à la fois aux sciences naturelles et aux sciences sociales. Par ailleurs, les programmes de formation continue en sciences de l’environnement, spécialement conçus pour des employés dans les entreprises et dans les organisations gouvernementales, ne cessent de se multiplier, en réponse directe à des besoins exprimés par nos sociétés affectées par la crise écologique à l’échelle de la planète.

5La systématisation de l’étude des interactions société/écosystème repose sur des paradigmes pluriels, parmi lesquels la dynamique des systèmes, la modélisation des systèmes environnementaux complexes, l’écologie sociale, l’approche écosanté et le développement durable occupent une place importante. Ce dernier concept, bien que galvaudé, reste néanmoins porteur en ce qui a trait à l’équité entre les membres de la société et à la promotion d’un développement qui tienne compte de la capacité de régénération des écosystèmes et de mitigation des effets des changements climatiques.

Image 10000000000004C40000025E5F85E092.jpg

Former en sciences de l’environnement, faire en sorte que l’intégration des connaissances dépasse la somme des connaissances disciplinaires

Optimisation de la mise en œuvre de la formation

6L’efficience de programmes de formation interdisciplinaires en sciences de l’environnement exige un contexte institutionnel novateur et motivant, des objectifs communs largement partagés, des centres de recherche interdisciplinaires et intersectoriels et le respect de la liberté académique. En ce sens, les programmes de formation et recherche en sciences de l’environnement ne peuvent s’épanouir dans un contexte organisationnel basé sur des disciplines scientifiques de plus en plus cloisonnées et ultra-spécialisées (départements de sciences biologiques, ou de sciences de la Terre, ou de sciences de la gestion…), et ce, même dans un contexte « d’écologisation* » des disciplines traditionnelles. De nouvelles structures interdisciplinaires supra-départementales doivent donc être mises en place, au sein desquelles les spécialistes des différentes disciplines concevront et raffineront d’un commun accord les grandes lignes de formation et de recherche en sciences de l’environnement. Ces structures devront aussi être en mesure d’embaucher de nouveaux professeurs formés en sciences de l’environnement, et donc déjà rompus aux complexités interdisciplinaires.

Bibliographie

Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.

Références bibliographiques

• M. JOLLIVET et A. PAVÉ – L’environnement, un champ de recherche en formation, Natures Sciences Sociétés, 1993.

• NCSE, http://ncseonline.org, 2013.

• H. NOWOTNY, P. SCOTT et M. GIBBONS – Mode 2 Revisited : the New Production of Knowledge, Minerva, 2003.

10.2753/CSH0009-4633130102xiii :

• C. LÉVÊQUE et R. URIEN – Préface, in L. MERMET – Étudier des écologies futures. Un chantier ouvert pour les recherches prospectives environnementales, Lang, 2005.

• C. POHL et G. HIRSCH HADORN – Methodological Challenges of Transdisciplinary Research, Natures Sciences Sociétés, 2008.

Précédent Suivant

Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.