18. L'usine du futur : vers un génie des procédés durables
p. 306-307
Texte intégral
1Le terme « usine du futur » recouvre un certain nombre de concepts propres aux industries de transformation de la matière et de l’énergie par voies physico-biochimiques (industrie chimique, pharmacie, cosmétique, pétrole, métallurgie). Ces nouveaux concepts proviennent de la prise de conscience des pays développés de la nécessité de respecter l’environnement, tout en résistant à la compétition et à la globalisation des économies, et d’accompagner la société dans une transition postindustrielle inévitable, en créant des produits nouveaux de qualité avec des procédés maîtrisés. C’est ainsi qu’a émergé la notion d’« usine éco-conçue » autour de procédés propres et sûrs, économes en énergie, associant production de masse, qualité et diversité des produits intégrées dans un site optimisé.
Agir sur le cycle de la matière
2Les industries de procédés dépendent fortement des ressources en matières premières et énergétiques (figure 1). Elles ont un fort impact sur l’environnement (air, eau, changement climatique). Leur rôle économique est important, elles sont dans une situation de forte concurrence et doivent continuellement s’adapter en s’appuyant sur la recherche et l’innovation. C’est pourquoi, initialement centré sur le couple procédé-produit, le génie des procédés* s’est orienté vers une vision « cycle de vie de la matière » en explorant plusieurs voies parallèles : l’optimisation énergétique et l’économie de matière ; la réduction des rejets des usines en termes de pollution ; la sécurisation des installations ; la valorisation des sous-produits et de la chaleur fatale ; et enfin, à plus long terme, la recherche de nouveaux procédés et de nouveaux modes de production. Il s’agit d’aller vers une complète maîtrise, à la fois des unités et de la qualité des produits, dans une optique de circularité de la matière épargnant la ressource.
Modifier l’acte chimique : chimie verte
3À l’échelle de l’acte chimique (« chimie verte »), de nouvelles voies de synthèse sont explorées (cf. VI.12). Elles sont issues d’une chimie douce, sans solvant, spécifiquement catalysée, et aux réactifs biosourcés et/ou recyclés, où sont privilégiées les voies minimisant les sous-produits non-valorisables. C’est le cas de la biocatalyse, qui met en œuvre des enzymes* et conduit à des procédés plus économes en énergie, minimisant les réactifs toxiques et les déchets (technologies blanches). Citons un procédé enzymatique récemment industrialisé par l’industriel DSM pour la production de l’antibiotique Cephalexin, qui ne comporte plus que deux étapes de bioconversion enzymatique, alors que le procédé chimique traditionnel en incluait treize.
Innover dans les procédés
4Au niveau du procédé lui-même, la grande révolution est dans la conception de procédés flexibles, adaptables, avec un contrôle total des divers processus à tous les niveaux, là où le critère d’économie d’échelle fut longtemps la règle (plus gros = plus économique). La flexibilité des installations permet leur polyvalence, mais aussi l’optimisation des procédés à des échelles intermédiaires. C’est un enjeu primordial pour lequel il s’agit de faire adopter des principes de conception de « procédés continus » à des échelles de production, où le réacteur discontinu était d’usage traditionnel. Cette « intensification » des procédés à base de microréacteurs ou de réacteurs microstructurés (figure 2) conduit à un changement dans les technologies et vise à assurer des productions localisées et parfaitement contrôlées de produits intermédiaires. Elle devrait permettre, en cas de besoin, de fiabiliser les extrapolations à grande échelle de procédés innovants, en adaptant la structure des équipements aux conditions optimales de la transformation physico-bio-chimique et en autorisant des innovations rapides.
Une nouvelle conception de sites industriels
5De nouvelles usines apparaissent sur des sites « écologiquement » conçus. L’usine est envisagée dans son environnement de ressources et dans son interaction avec le territoire industriel dans lequel elle baigne ou qu’elle délimite par son activité : c’est l’écologie industrielle. Un exemple est celui du site agroindustriel de Bazancourt-Pomacle, où progressivement s’est constituée une bioraffinerie à partir de la production sucrière de betteraves et d’autres biomasses pour la production principale de bioéthanol. Les sous-produits sont rationnellement utilisés au sein de plusieurs entreprises développées sur le site, assurant une circularité de la matière et de l’énergie (cf. III.8). Ainsi l’optimisation du fonctionnement des unités est réalisée à l’échelle de groupes d’entreprises, d’une filière et d’une région.
Le développement durable dès la conception
6Si la conception des nouvelles unités passe toujours par les étapes classiques d’identification des besoins, de sélection du site et du procédé, et d’estimation des coûts, elle doit à présent intégrer les contraintes de développement durable (figure 3). Dans l’usine du futur, le principal enjeu est d’augmenter l’efficacité des ressources afin d’aboutir à une situation « gagnant – gagnant » entre l’économie et l’environnement. Il s’agit de générer plus de richesses tout en réduisant l’impact des activités économiques sur la biosphère et en favorisant le progrès social.
Bibliographie
Références bibliographiques
• J.-P. DAL PONT – Le génie des procédés et l'entreprise, Hermès Sciences, Lavoisier, 2012.
• M. POUX, P. COGNET et C. GOURDON – Génie des procédés durables, Série Chimie, Dunod, 2010.
Auteur
Professeur de Génie des Procédés, ENSIC-Université de Lorraine, LRGP, Nancy.
sardin.michel@univ-lorraine.fr
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