27. Techniques de dépollution
p. 264-265
Texte intégral
1Les exploitations minières intensives et les activités industrielles métallurgiques sont à l’origine d’une pollution des sols par les métaux lourds ou « éléments trace métalliques » (ETM). Il s’agit d’un problème très préoccupant, car le sol exerce des fonctions essentielles, qui déterminent en grande partie la production des produits alimentaires et la qualité de l’eau. De plus, les ETM font partie des composés les plus nocifs et ne sont pas biodégradables. Si certains sont utiles à l’organisme (zinc, fer, magnésium…) comme cofacteurs d’enzyme*, biocatalyseurs ou constituants de molécules essentielles, ils deviennent toxiques à partir d’un certain seuil. D’autres, tels que le cadmium, le plomb, le mercure, le sélénium, l’arsenic ou le thallium, n’ont aucune activité biologique et sont toxiques, même en très faible quantité. La pollution métallique présente des risques réels sur la santé et les conséquences environnementales sont également importantes. En effet, de fortes teneurs en ETM diminuent la biodiversité, la densité et l’activité de la flore et de la faune, y compris à l’échelle la plus petite. La fertilité du sol est altérée ; les animaux sont contaminés par contact, inhalation de poussières métalliques, ingestion d’eau et d’aliments, venant polluer l’ensemble de la chaîne alimentaire.
2Préserver la qualité de l’eau, des sols et de l’air est ainsi devenu une priorité. Il y a une réelle nécessité à développer des technologies inventives et efficaces de restauration, des sites et zones pollués, grâce à l’ingénierie écologique* (cf. VI.8) et, en particulier, à la phytoremédiation*.
Solutions vertes et phytoremédiation
3La phytoremédiation est une des rares solutions intéressantes de réhabilitation durable des sols dégradés ou contaminés par les ETM. Il s’agit de l’utilisation de plantes vertes vivantes et de leurs micro-organismes associés pour réduire, éliminer ou contenir in situ les risques causés par des polluants dans les sols, l’eau, les sédiments ou l’air (figure 1). Plusieurs procédés sont possibles : la phytoextraction : les polluants du sol sont extraits par les plantes et stockés dans leurs feuilles ; la phytostabilisation : les sols sont recouverts par des espèces végétales capables d’immobiliser la pollution au niveau racinaire ; la phytostimulation : les exsudats racinaires* favorisent le développement des micro-organismes (bactéries et champignons) capables de biodégrader les polluants ; la phytodécomposition : les polluants sont dégradés en composés moins toxiques par des enzymes* de la plante dans ses tissus ; la phytovolatilisation : les polluants volatilisables du sol sont absorbés par les plantes, puis éliminés par évapotranspiration ; et la rhizofiltration : les polluants sont extraits en milieu liquide au niveau de la rhizosphère de plantes aquatiques.
4Les phytotechnologies les plus étudiées sont la phytostabilisation, la phytoextraction et la rhizofiltration. La première consiste à recouvrir les sols par des espèces végétales tolérantes aux éléments traces métalliques, la seconde permet de les extraire partiellement à l’aide d’espèces végétales hyperaccumulatrices* d’ETM. Ces dernières années, de nombreux progrès ont été réalisés dans la connaissance et la maîtrise de chacune de ces technologies. Il est maintenant admis que l’une et l’autre sont utiles et complémentaires pour réussir des travaux d’ingénierie écologique permettant une réhabilitation durable et respectueuse du patrimoine local.
5Si les expériences antérieures ont montré que la phytostabilisation permettait d’immobiliser les contaminants et contribuait à la croissance de la végétation sur des zones hostiles, en revanche, elle favorise l’apparition spontanée de végétaux qui deviennent parfois capables d’hyperaccumuler les ETM. Ainsi, l’évolution dans le temps des parcelles revégétalisées pose le délicat problème de la maîtrise des risques dans la durée.
6La phytoextraction est une écotechnologie de dépollution partielle des sols et des sédiments par accumulation des ETM dans les parties aériennes des végétaux. Elle peut être utilisée en priorité sur des zones plates, telles que des bassins de décantation* où la culture et la récolte régulière de la biomasse végétale sont facilement réalisables. Des études récentes d’évaluation des performances adaptatives de ces végétaux, ont mis en évidence la présence d’espèces hyperaccumulatrices de type légumineuses (cf. V.28). L’étude des micro-organismes associés et l’installation de symbiose endomycorhizienne* prouvent tout l’intérêt des métallophytes* hyperaccumulateurs dans les programmes de phytoremédiation. Cependant, c’est certainement en termes de potentiel économique que la phytoextraction est la plus remarquable des phytotechnologies, compte tenu de la concentration naturelle des ETM dans les systèmes foliaires.
La phytoextraction : vers une transition écologique et économique ?
7La phytoextraction est l’objet de différentes expériences de valorisation économique. Les essais les plus avancés concernent essentiellement la phytoexploitation minière ou « phytomining ». Mais ils sont décevants, car le procédé multi-étape que nécessite le procédé, le coût inhérent aux étapes de purification et de réduction électrochimique, et la consommation globale en espèces métalliques pour atteindre une application de valorisation, sont difficilement compatibles avec des objectifs de rentabilité et de compétitivité économique.
8Le changement systémique en chimie durable (cf. VI.11) suggère des procédés en rupture dans le recyclage vert, qui sont plus adaptés aux nouvelles orientations industrielles et qui pourraient permettre une « réhabilitation écologique durable » des sites dégradés en intégrant une dimension socio-économique. La valorisation chimique de la biomasse végétale aérienne, dans laquelle les espèces métalliques sont venues se concentrer représente une opportunité unique de filières vertes d’avenir, capables de jouer le rôle de moteur économique dans de tels programmes. Un programme de recherche avancé étudie le développement d’un procédé innovant de valorisation chimique des technologies de phytoextraction. Il repose sur l’utilisation directe des espèces métalliques d’origine végétale comme catalyseurs* de réactions chimiques organiques supportés. Il s’agit d’une révolution verte où la phytoextraction est source d’innovation en chimie verte (figure 2).
Bibliographie
Références bibliographiques
• C. GRISON – Quand la dépollution devient productive… Info Chimie Magazine, Prix « Technologies Innovantes pour l’Environnement » décerné par Pollutec – Éditions ADEME, 2009.
• C. GRISON – Métaux lourds et chimie verte, La Recherche, 2012.
• C. GRISON – Les phytotechnologies appliquées aux sites et sols pollués, Guide opérationnel, Éditions ADEME, 2012.
Auteurs
Chimiste, Professeur des Universités, CEFE, Montpellier.
claude.grison@cefe.cnrs.fr
Écologue, CEFE, Montpellier.
clemence.bes@cefe.cnrs.fr
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