6. Qualité de l'air et santé
p. 222-223
Texte intégral
1La pollution de l’air est une altération des niveaux de qualité et de pureté de l’air d’origine naturelle ou liée aux émissions anthropiques de polluants. Au siècle dernier, en termes de santé publique, l’augmentation massive des émissions de polluants atmosphériques, dues à la croissance économique et industrielle, a fait de la qualité de l’air un problème majeur, pour un grand nombre de pays d’Europe et d’Amérique du Nord, et un problème émergent pour les autres pays du monde. De nos jours, c’est surtout la pollution véhiculaire qui dégrade la qualité dans les grandes villes européennes et américaines, les industries constituant toujours la source de pollution atmosphérique la plus importante dans les pays en voie d’industrialisation (cf. II.8). Cependant, d’autres sources de pollution ne doivent pas être sous-estimées. Le sable du désert, le sel marin et la cendre volcanique, ainsi que d’autres formes de pollutions naturelles, viennent s’ajouter aux niveaux croissants de poussière, qui souillent l’air et rendent plus difficile, notamment pour les pays méditerranéens, la réalisation des objectifs fixés par l’Union européenne en matière de pollution de l’air. Le retour au bois pour le chauffage observé dans la dernière décennie est une autre source de pollution. Si le bois-énergie possède un atout indiscutable en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre*, il est par contre responsable de l’émission de nombreux autres polluants atmosphériques, gazeux et particulaires. Parallèlement, les individus sont exposés à la pollution atmosphérique aussi à l’intérieur des locaux, où ils passent entre 80 et 90 % de leur temps.
Origine des polluants atmosphériques
2Aujourd’hui, des dizaines de milliers de polluants avérés ou suspectés, agissant parfois en synergie entre eux et avec d’autres paramètres (température, vent…), sont dénombrées. Cependant, très peu d’entre eux sont surveillés, uniquement ceux visés par les réglementations européennes et françaises. À l’intérieur des locaux, se trouve un cocktail de polluants allergisants et toxiques : peintures, colles, revêtements de sols, produits d’entretien, de bricolage, appareils de chauffage et de cuisson au gaz… Sans parler des autres composés toxiques, comme les poussières de peinture au plomb, le radon et l’amiante. Par ailleurs, avec ses 3 000 composés identifiés à ce jour et ses 5 milliards de particules par cigarette, la fumée de tabac est incontestablement le plus redoutable des polluants atmosphériques liés à l’activité humaine.
Effets sur la santé
3La dégradation de la qualité de l’air causée par un ou plusieurs polluants, dont les degrés de concentration et les durées de présence varient, est à l’origine d’effets écotoxiques et toxiques pour la végétation, les animaux et les êtres humains (cf. IV.10).
4Concernant la santé humaine, les études épidémiologiques ont montré que la pollution atmosphérique était responsable d’effets à court et à long terme, qui touchent à la fois la morbidité et la mortalité des individus. Un risque accru de manifestations cliniques, fonctionnelles ou biologiques, conduisant parfois au décès toutes causes, et plus spécifiquement pour causes cardio-respiratoires, a été observé parmi les personnes exposées à des variations journalières importantes des niveaux ambiants d’ozone (O3), de dioxyde d’azote (NO2), et de matière particulaire (PM). Par ailleurs, une surmortalité toutes causes, notamment par maladies cardio-respiratoires, une réduction de l’espérance de vie et un cancer du poumon peuvent survenir après une exposition chronique à la pollution atmosphérique, même à des niveaux considérés comme non élevés. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la pollution a été responsable en 2010-2011 de plus de 2 millions de morts prématurées par an, surtout dans les pays à revenus moyens et faibles, dont 1,3 million directement dû à la pollution urbaine. Dans environ la moitié des cas, ce sont des pneumonies qui ont emporté des enfants de moins de 5 ans. L’OMS estime qu’en ramenant dans l’air urbain les taux moyens annuels de particules de diamètre inférieur à 10 µm (les PM10 pénétrant profondément dans les poumons) de 70 à 20 µg/m3, la mortalité induite par la pollution de l’air extérieur chuterait de 15 %. D’après l’étude APHEKOM menée dans 12 pays européens, et à laquelle a participé la France, l’espérance de vie augmenterait jusqu’à 22 mois pour les personnes âgées de 30 ans, et plus si les niveaux moyens annuels de particules fines de taille inférieure à 2,5 µm (PM2,5) étaient ramenés au seuil de 10 µg/m3, valeur guide préconisée par l’OMS. D’un point de vue économique, le respect de cette valeur-guide se traduirait par un bénéfice d’environ 31,5 milliards d’euros, grâce à la diminution des dépenses de santé, de l’absentéisme, et des coûts associés à la perte de bien-être, de qualité et d’espérance de vie. De plus, l’exposition à certains polluants atmosphériques, notamment les particules, serait responsable d’effets dits « sans seuil », c’est-à-dire que le risque de mortalité et de morbidité augmente avec l’exposition. Parmi les polluants, CO2 et O3 sont dans la liste des gaz à effets de serre impliqués dans le réchauffement climatique, et ainsi dans les effets de celui-ci sur la santé.
POLLUANTS ATMOSPHÉRIQUES | SOURCES À L’EXTÉRIEUR | SOURCES À L’INTÉRIEUR |
Dioxyde de soufre (SO2), gaz | Combustion (surtout lors de procédés industriels) de charbon et fuel-oils | Combustion et transfert de l’extérieur |
Oxydes d'azote (NOx), se transformer en gaz pouvant acide sous l'action du rayonnement solaire | Véhicules automobiles et installations de combustion | NO2 : cuisinière et chauffage au gaz |
Ozone (O3), gaz | Transformation d’oxydes d’azote, monoxyde de carbone, hydrocarbures, sous l'action du rayonnement solaire | Transfert de l’extérieur |
Monoxyde de carbone (CO), Gaz | Combustion incomplète des véhicules à moteur à explosion | Combustion incomplète et transfert de l’extérieur |
Particules (PM) solides et/ou liquides en suspension dans l'air, classées en fonction de leur taille. | Combustion, transports et certains procédés industriels | Combustion (dont fumée de la cigarette) et transfert de l’extérieur |
Composants Organiques Volatils (COV), ensemble de plusieurs milliers de gaz issus de différentes familles chimiques (alcools, cétones, hydrocarbures…) | Combustion | Produits de construction, décoration, ameublement, combustion (dont fumée de la cigarette)… |
Populations susceptibles
5Si l’ensemble de la population humaine est concerné par la qualité de l’air, il existe une grande variabilité dans l’exposition aux polluants, dans la réponse à ceux-ci, ainsi que dans la susceptibilité des individus. L’étude APHEKOM a montré que le fait d’habiter à proximité du trafic routier serait à l’origine de 15 % des asthmes chez l’enfant et des maladies respiratoires et cardiovasculaires chez les plus de 65 ans, deux populations à risque en raison de leur fragilité. Les populations socio-économiquement défavorisées constituent un autre groupe à risque accru. L’étude française PAISARC a ainsi montré l’existence de forts gradients socio-économiques du risque d’infarctus du myocarde chez les hommes et les femmes et mis en exergue une vulnérabilité particulière des femmes vivant dans les quartiers les plus défavorisés. Ces résultats, au vu du fait que les hommes, tout en étant également exposés, étaient moins atteints, semblent s’expliquer davantage par un différentiel de susceptibilité que par un différentiel d’exposition. Le système de santé et le recours aux soins peuvent aussi moduler les effets de la pollution atmosphérique.
6La recherche des mécanismes responsables des effets de la pollution atmosphérique nécessite d’être poursuivie dans de futurs travaux afin que des actions de prévention efficaces puissent être mises en œuvre pour protéger les populations, et particulièrement les plus vulnérables.
Bibliographie
Références bibliographiques
• www.who.int/mediacentre/factsheets/fs313/fr.
• www.aphekom.org.
• S. DEGUEN, B. LALLOUE, D. BARD, S. HAVARD, D. ARVEILER et D. ZMIROU-NAVIER – A Small-Area Ecologic Study of Myocardial Infarction, Neighborhood Deprivation, and Sex : a Bayesian Modeling Approach. Epidemiology, 2010.
Auteur
Épidémiologiste, Directrice de Recherche à l’INSERM, Directrice de l’Équipe Épidémiologie des Maladies allergiques et respiratoires, Sorbonne Université, Faculté de Médecine Saint-Antoine, Paris.
isabella.annesi-maesano@inserm.fr
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L'archéologie à découvert
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2012