2. Accès aux services essentiels
p. 144-145
Texte intégral
1Pour permettre aux populations de se développer et d’accéder à un certain bien-être, lutter contre la pauvreté est une nécessité. L’accès aux services essentiels, que sont la santé, l’eau, l’assainissement, l’électricité, le logement, l’alimentation, les transports… est un gage de cohésion sociale, et donc source de développement (cf. IV.14). Il est ainsi à la base de la construction d’un avenir acceptable et plus « durable » pour les sociétés les moins favorisées, et dont la vulnérabilité s’accentue avec, notamment, l’augmentation d’événements extrêmes* (sécheresses, inondations…). Si l’accès à ces services se généralise dans les métropoles et les grandes villes – dont la population ne cesse de croître – ils ne sont pas systématiques dans toutes les zones périurbaines qui continuent à se développer ou dans des zones précaires, et encore moins en milieu rural (cf. VI.19). Et, bien que l’électrification des villes soit généralisée et les réseaux de transports démultipliés, la question de l’eau et de l’assainissement reste, quant à elle, prégnante.
Les Objectifs du Millénaire, pour lutter contre la pauvreté
2Pour contrer la pauvreté, la faim et la maladie, la communauté internationale, via l’Organisation des Nations unies (ONU), a adopté en 2000 les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Au nombre de huit, ces objectifs visent, d’ici 2015 : 1) à réduire l’extrême pauvreté et la faim ; 2) à assurer l’éducation primaire pour tous ; 3) à promouvoir l’égalité des sexes ; 4) à réduire la mortalité infantile ; 5) à améliorer la santé maternelle ; 6) à combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies ; 7) à préserver l’environnement ; et 8) à mettre en place un partenariat mondial. Chaque objectif fait l’objet de cibles spécifiques, associées à des indicateurs, afin d’orienter les actions et de les évaluer.
3Par exemple, l’une des ambitions de l’objectif 7, relatif à l’environnement, était de réduire de moitié le pourcentage de la population n’ayant accès ni à un approvisionnement en eau potable ni à des services d’assainissement de base pour 2015. Cette prise de conscience internationale, a été appuyée par la déclaration de l’ONU stipulant que « le droit à une eau potable propre et de qualité et à des installations sanitaires est un droit de l’Homme, indispensable à la pleine jouissance du droit à la vie » (28 juillet 2010). Cela a favorisé la mise en œuvre de nombreuses actions locales, parfois aidées par des organisations non gouvernementales, qui ont porté leurs fruits. En effet, selon un rapport de l’UNICEF – OMS, paru en 2012, il semblerait que dès la fin de l’année 2010, 89 % de la population mondiale utilisait de meilleures sources en eau, réalisant ainsi l’objectif avant l’échéance. En revanche, seulement 63 % des êtres humains avaient accès à un assainissement correct, bien loin des 75 % attendus.
4Malgré des améliorations notables, il est cependant important de préciser, qu’en 2012, plus de 780 millions de personnes n’avaient toujours pas accès à l’eau potable, soit 11 % de la population mondiale (ONU 2012), alors que le Partenariat français pour l’Eau l’estime à 50 %, et près de 2,6 milliards de personnes manquaient encore de services d’assainissement adaptés. L’absence d’eau disponible, en zones arides* et semi-arides notamment, l’impossible raccordement à un réseau dans des zones reculées pour des raisons techniques et économiques, la croissance du développement urbain, ou l’absence de moyens individuels et collectifs, sont autant de raisons qui rendent l’accès à l’eau et à l’assainissement difficile pour de très nombreuses personnes. Par ailleurs, un accès à l’eau dite « potable » ne signifie pas qu’elle le soit effectivement, vu l’absence de contrôle, ou que chaque ménage dispose d’un robinet, mais plutôt qu’il ait accès à une borne-fontaine, à un puits ou à un forage dans le quartier, ou dans une zone parfois très éloignée. De plus, ces estimations ne concernent pas systématiquement toutes les personnes qui n’ont, tout simplement, pas accès à l’eau, même non potable et qui se comptent en millions supplémentaires. Les populations les plus pauvres, notamment celles habitant en milieu rural ou dans les périphéries des grandes métropoles, sont les premières concernées, et l’absence de ce bien essentiel accentue leur vulnérabilité sanitaire et limite leur capacité à améliorer leurs conditions de vie. Notons par ailleurs que, dans certaines grandes agglomérations, être raccordé au réseau ne garantit pas toujours le fait de bénéficier du service (pénurie, coupure ou panne électrique, fuites, problème d’entretien…) et que certaines populations, en grande précarité et sans domicile, n’y ont pas facilement accès. Ainsi, la question de l’accès à l’eau et à l’assainissement est, aujourd’hui encore, loin d’être résolue et doit rester au cœur des préoccupations pour limiter les risques sanitaires, liés aux maladies et au manque d’hygiène, et participer au développement socio-économique des populations, majoritairement dans les pays du Sud, mais aussi au cœur des villes du Nord.
L’accès aux services essentiels, quelle priorité et pour qui ?
5Le choix des priorités de développement des uns n’est pas toujours celui des autres, comme l’illustre une situation emblématique, rencontrée dans un village de brousse au Burkina Faso. Les habitants d’un village, dont l’accès se fait par une piste qui rejoint une voie principale goudronnée, vivent dans des concessions constituées d’un ensemble de cases qui ne sont connectées ni à un réseau électrique, ni à l’eau, ni à l’assainissement. C’est à la borne-fontaine du quartier que se fait l’approvisionnement quotidien en eau et à la lumière des lampes tempêtes et des lampes torches que les activités continuent à la nuit tombée. Malgré ces conditions de vie précaires, l’accès limité aux services essentiels et l’absence de moyens, plusieurs membres de la famille possèdent un téléphone portable, rechargé au marché, pour quelques sous, chez un petit marchand équipé d’un générateur. Ainsi, le choix réalisé par ces populations montre leur priorité de vouloir être connecté avec le monde. Avoir un « cellulaire » devient une source essentielle de développement et d’émancipation pour ces populations géographiquement isolées, loin de l’activité de la ville. C’est aussi un moyen d’accéder plus facilement à un emploi, aux services de santé, de maintenir le lien social… et de profiter aussi des nouvelles technologies pour faire courir l’information dans le village-monde.
6L’échéance de 2015, fixée pour les Objectifs du Millénaire, arrive à grands pas. La perspective de leur intégration par les objectifs du développement durable, tel qu’annoncé à Rio+20, va-t-elle rester une utopie ou être envisagée dans le cadre d’une gestion durable, basée sur la responsabilité et l’expression des droits de chacun, afin de réellement contribuer à une diminution de la pauvreté favorisant, entre autres, la généralisation de l’accès aux services essentiels au cœur d’un changement global ?
Bibliographie
Références bibliographiques
• B. DROBENKO – Le droit à l'eau : une urgence humanitaire, Éditions Johanet, 2012.
• A. EUZEN et Y. LEVI – Tout savoir sur l’eau du robinet, CNRS Éditions, 2013.
• Organisation des Nations unies – Millenium Development Goals Report,http://mdgs.un.org/unsd/mdg/Resources/Static/Products/Progress2012/French2012.pdf, 2012.
• UNICEF-OMS – Progress on Drinking Water and Sanitation : 2012 Update, www.unicef.org/media/files/JMPreport2012.pdf, 2012.
Auteur
Anthropologue, Chargée de Recherche au CNRS, LATTS, Déléguée scientifique Développement Durable à l’INEE, Paris.
agathe.euzen@cnrs-dir.fr
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L'archéologie à découvert
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Sophie A. de Beaune et Henri-Paul Francfort (dir.)
2012