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24. Biodiversité et sociétés

p. 100-101


Texte intégral

1La biodiversité est à la fois un concept, un enjeu social et une problématique scientifique. Du point de vue de la biologie, elle se définit par les propriétés du règne vivant (faune, flore, micro-organismes) : diversité biologique, structure et fonctions. Sous l’effet du changement global, ces propriétés se modifient rapidement.

Diversité biologique, biodiversité ordinaire

2La diversité biologique décline à un rythme élevé. Le taux d’extinction des espèces s’accélère depuis quatre siècles, devenu comparable au taux observé durant les grandes crises géologiques. De nombreuses espèces sont menacées, c’est-à-dire qu’elles pourraient s’éteindre au XXIe siècle, dont 20 % des espèces de mammifères (lynx, tigres, rhinocéros, éléphants…), les causes étant multiples (figure 1). Les conséquences des crises d’extinction précédentes – disparition de nombreuses espèces de grande taille, changements écologiques… – ont été durables, la diminution de la diversité spécifique persistant plusieurs dizaines de millions d’années. L’irréversibilité et l’imminence de ces extinctions, leurs enjeux éthiques, ont justifié les premières politiques de préservation de la biodiversité, comme le Réseau Natura 2000, réseau d’espaces protégés sur près de 20 % de la surface européenne, ciblés sur les territoires des espèces menacées. À l’échelle mondiale, des « points chauds » de biodiversité ont été identifiés sur des surfaces comparables, comme en Nouvelle-Calédonie, sur Bornéo ou dans le bassin méditerranéen, préférentiellement, donc, en région tropicale et insulaire. Leur protection ralentirait significativement le rythme de perte de la diversité spécifique globale.

3La biodiversité ordinaire, comprenant les espèces non menacées et leurs interactions écologiques, se transforme, elle aussi, profondément (cf. II.23). Les grands carnivores, chauves-souris, oiseaux (particulièrement dans les espaces agricoles), amphibiens, pollinisateurs*, ou encore les grands arbres, se raréfient dans de nombreux écosystèmes. À l’inverse, la prolifération des grands herbivores a des effets majeurs sur la végétation. Les patrons* sont comparables en milieu marin, avec le déclin préférentiel des espèces au sommet des chaînes alimentaires et des récifs coralliaires – habitat essentiel pour de nombreuses espèces marines – et la prolifération de certains niveaux trophiques inférieurs (méduses…). Dans tous les milieux, les espèces spécialistes d’un habitat (i. e. rencontrées dans un seul type d’habitat, agricole, forestier, urbain…) sont remplacées par des généralistes, entraînant une homogénéisation biotique locale.

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Fig. 1 – Caractéristiques majeures des changements de biodiversité

4Certaines modifications sont des adaptations au changement global. Néanmoins, l’hétérogénéité des réponses, par exemple au réchauffement climatique selon le niveau trophique*, en termes de phénologie* et de déplacement des aires de distribution, perturbe le fonctionnement des écosystèmes (cf. I.13).

5D’autres modifications de la biodiversité ordinaire, comme les diminutions d’abondance et de diversité biologique, altèrent les structures et les fonctions de la biodiversité, ainsi que sa capacité d’adaptation au changement global. Des services écosystémiques* majeurs, notamment de régulation, sont affectés : qualité de l’eau et de l’air, fertilité des sols, pollinisation, contrôle biologique (des proliférations animales ou végétales), prévention des épidémies, régulation du climat local et global.

Institutions et dynamique de la biodiversité

6La préservation de la diversité biologique et de la biodiversité ordinaire est donc un enjeu majeur dans l’ensemble des écosystèmes, impliquant diverses institutions (figure 2). Dans le domaine des sciences et techniques de la nature, l’ingénierie écologique* explore les possibilités d’améliorer la gestion des écosystèmes en restaurant la place de la biodiversité, à travers l’agro-écologie, l’écologie de la santé, l’éco-hydrologie (cf. VI.8)…

7Dans le domaine économique, divers instruments, taxes, permis (individuels ou collectifs), incitations… peuvent améliorer la compatibilité entre activités de production, consommation et maintien de la biodiversité. Les définitions des droits de propriété et d’accès à la biodiversité, et des rôles respectifs de l’État, des marchés et de la société civile dans sa gouvernance, font partie des grands enjeux politiques. Des règles étatiques, marchandes ou communautaires pourraient coexister, s’ajustant aux préférences des parties prenantes, selon leurs valeurs. Celles-ci, avec les représentations des acteurs, l’importance accordée aux biens matériels, à la solidarité écologique*, et les styles de vie préférés, déterminent les capacités d’adaptation des sociétés au changement global, ainsi que le type d’innovations techniques et sociales. Tout cela confère une importance majeure aux mécanismes sociaux déterminant les valeurs, et leur transmission. Les sciences participatives, très présentes en biodiversité, engagent la société civile dans ces innovations, et contribuent aux changements de représentations vis-à-vis de la biodiversité (cf. VI.3).

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Fig. 2 – Champs institutionnels impliqués par la dynamique de la biodiversité

8La dynamique de la biodiversité dépendra des effets rebonds de ces dynamiques institutionnelles, des adaptations des acteurs et des réponses de la biodiversité… Indicateurs et scénarios de biodiversité permettent l’évaluation et l’anticipation de ces effets, l’analyse des interactions entre ces différents champs institutionnels. En d’autres termes, les capacités d’innovation scientifiques, économiques, politiques et sociales des sociétés, et d’analyse critique de leurs effets, détermineront la compatibilité entre projets de société et préservation de la biodiversité.

Bibliographie

Références bibliographiques

• D. COUVET et A. TEYSSÈDRE – Écologie et Biodiversité, Berlin, 2010.

• E. OSTROM – La gouvernance des biens communs : pour une nouvelle approche des ressources naturelles, De Boeck, 2010.

• H. PEREIRA et al. Global Biodiversity Change : the Bad, the Good, and the Unknown, Annual Review of Environnement and Ressources, 2012.

• R. PRIMACK, J. LECOMTE et F. SARRAZIN – Biologie de la Conservation, Dunod, 2012.

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