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22. Zones côtières et développement durable : une équation à résoudre

p. 96-97


Texte intégral

1L’humanité doit faire face à une multitude de défis interdépendants, qui vont des impacts de la crise à une vulnérabilité accrue face au changement climatique. Concilier en urgence les besoins alimentaires d’une population en expansion avec le caractère limité des ressources naturelles est une difficulté environnementale majeure. La situation côtière est la plus complexe. Sièges d’une activité croissante, les fleuves, le littoral et les eaux côtières sont trois milieux naturels soumis à de nombreux conflits et interférences d’usages. Les ressources et l’environnement côtiers se dégradent. Jusqu’à peu, ces trois milieux étaient traités séparément, chaque gestionnaire ne se préoccupant que de son périmètre ou de son activité (eau, trait de côte*, érosion, pêche, navigation). Grâce à la prise de conscience croissante de ces relations, le littoral est reconnu comme une interface naturelle fragile, essentielle au plan socio-économique et à l’intégration des deux domaines, terrestre et marin.

2Aujourd’hui, scientifiques et gestionnaires s’accordent sur le fait que le développement durable de la mer ne peut plus se résumer seulement à la question « comment prélever plus ? », ni s’appuyer uniquement sur une optimisation des usages. Ainsi, certaines réserves halieutiques* imaginées inépuisables, et pourtant uniques ressources pour beaucoup de populations très pauvres, sont au bord de l’effondrement : la pêche (100 millions de tonnes prélevées par an) va toujours « plus loin », toujours « plus profond », et à présent toujours « plus petit ». Les moyens sont plus performants, mais les prélèvements s’amenuisent (cf. I.9).

Gouvernance durable des zones côtières

3Le développement durable en mer repose sur des outils participatifs et interconnectés. Il est conditionné par une organisation plus harmonieuse, acceptable et acceptée des usages sur un espace complexe, où les moyens de suivi et de police sont plus faibles qu’à terre. La gestion intégrée de la zone côtière (GIZC) s’impose lentement. Elle consiste à choisir des orientations, des politiques et des mécanismes de gestion, qui reconnaissent, en vue de la protection de l’environnement et du développement socio-économique, les relations écologiques, fonctionnelles et économiques entre ces trois milieux. L’aspect durable nécessite la prise en compte de tous les usages des populations actuelles et futures, en évaluant leurs conséquences simultanées. Cette approche globale permettra d’atteindre des bénéfices collectifs meilleurs que les plans sectoriels indépendants (cf. III.18).

4L’efficacité et l’acceptation de la GIZC s’appuient sur des tableaux de bords alimentés par des données et des indicateurs écologiques, économiques, sociaux et culturels provenant de producteurs de plus en plus hétérogènes. Les réseaux d’observations doivent relever le défi de l’interopérabilité au-delà de leur champ d’investigation. L’organisation des systèmes d’information entre eux conditionne la pertinence à long terme des analyses. Les bases de données scientifiques doivent devenir des bases de partage de connaissances. La science participative vient en appui de réseaux pérennes d’observation. Cet ensemble sensibilise, éduque, et finalement permet l’acceptation des mesures planifiées par les directives nationales ou européennes.

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Fig. 1 – Sars pris dans un tramail (filet à trois rangs de mailles), utilisé par la pêche professionnelle comme de loisir, selon les régions. © CNRS-F. Zuberer

Les directives, outils européens de développement

5Aujourd’hui, les activités marines génèrent 3 à 5 % du PIB* de l’Europe et elles vont inéluctablement croître encore fortement. La Directive-cadre sur l’eau (DCE*, 2000) a établi que la pollution constatée en mer est majoritairement d’origine terrestre. La Directive-cadre stratégie pour le milieu marin (DCSMM*, 2008) a pour objectif d’atteindre le « bon état écologique* », d’ici à 2020. Il s’agit de la première directive fondée sur le principe des démarches qualités, un processus itératif qui reviendra à la première étape tous les 6 ans, afin de l’améliorer. Elle prévoit de : 1) définir l’état initial des différents écosystèmes, 2) définir l’état durable, c’est-à-dire permettant de développer des activités sans entamer le capital des écosystèmes, 3) mesurer les impacts liés aux usages sur la période 2012/2013, 4) définir des programmes d’acquisition, de surveillance et de suivi pour 2014 et 5) développer, dès 2012, des programmes d’actions et de mesures concertés, veillant particulièrement à la bonne compréhension, l’acceptation et l’appropriation des choix politiques par les parties prenantes. Le démarrage du programme de mesures est prévu pour 2016. En 2018, un nouveau cycle DCSMM sera initié (cf. IV.31).

6Cette GIZC dispose d’outils, comme les schémas d’aménagements développés par les « Grenelle ». Elle doit se baser sur les tableaux de bords factuels de la DCSMM, construits à l’aide de 11 descripteurs répartis en 56 indicateurs, confiés en France à différents organismes, et répartis sur les façades Manche, Atlantique et Méditerranée. Cinq descripteurs – 1) biodiversité (MNHN, AAMP*), 2) espèces invasives (MNHN), 3) espèces commerciales (IFREMER), 5) eutrophisation* (IFREMER) et 6) intégrité des fonds marins (BRGM) – caractérisent la structure du milieu naturel. Cinq autres – 7) conditions hydrographiques (SHOM*), 8) contaminants (IFREMER), 9) contaminants dans les organismes (ANSES*), 10) déchets marins (IFREMER) et 11) pollution sonore (SHOM) – définissent les pressions. Le seul descripteur appréhendant l’aspect fonctionnel est le 4) réseaux trophiques (CNRS).

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Fig. 2 – Les descripteurs de la Directive-cadre stratégie pour le milieu marin

7L’aspect éco-systémique prôné par la directive et permettant l’étude des dynamiques a nécessité des mises en relations entre descripteurs. Le descripteur 4) a pris en compte les aspects biodiversité et les espèces invasives ou commerciales ainsi que l’intégrité des habitats benthiques. Les étapes de choix de sites d’observation et de suivi en réseau nécessiteront intégration et coopération.

8La nécessaire harmonisation entre les pays européens sera plus ou moins complexe, selon les descripteurs. La France est l’un des rares pays à avoir pris en compte le descripteur 4), une minorité d’autres l’ont traité avec la biodiversité. Au plan européen, ce descripteur est pourtant le seul capable de décrire une dynamique globale. Les autres descripteurs ne permettent ni de mettre en évidence les déséquilibres, ni d’appréhender la capacité du milieu à se stabiliser. Ces deux événements seront pourtant les principales problématiques de gestion de la zone côtière.

Bibliographie

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Références bibliographiques

• P. CURY et Y. MISEREY – Une mer sans poissons, Calmann-Lévy, 2008.

• VERTIGO – Quelle stratégie européenne pour la gestion intégrée des zones côtières ?, hors-série n° 5, 2009.

10.1016/j.marpolbul.2010.09.026 :

• A. BORJA et al. Marine management. Towards an Integrated Implementation of the European Marine Strategy Framework and the Water Framework Directives, Marine Pollution Bulletin, 2010.

• FAO – La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture, 2012.

• P. GOULLETQUER, P. GROS, G. BOEUF et J. WEBER (éds.) – Biodiversité en environnement marin, Quae, 2013.

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