16. Déforestation et impacts globaux
p. 84-85
Texte intégral
1À l’aube du XXIe siècle, la forêt mondiale couvre un peu moins de 4 milliards d’hectares, soit 30 % des terres émergées. Toutefois, environ 80 % de la couverture forestière originelle aurait disparu, essentiellement au cours des 40 dernières années. Actuellement, malgré les prises de conscience récentes se traduisant par une légère diminution de la vitesse de déforestation, le rythme de destruction de la forêt est de l’ordre de plus d’1 hectare toutes les 2 secondes, à l’échelle mondiale. Certes, des mesures de reboisement ont été mises en place pour pallier la perte des superficies forestières, mais ces opérations ne parviennent pas encore à compenser le préjudice sur le plan écologique. En effet, une forêt, pour satisfaire les principaux services écosystémiques* qui lui sont propres (« hot spot » de biodiversité, régulation hygrothermique, épuration, turn-over* de la matière organique*, approvisionnement…), doit s’inscrire dans une certaine durabilité, et cette condition n’est pas forcément remplie dans les peuplements boisés récemment replantés.
2Sur le plan du changement climatique, la déforestation serait responsable de 20 à 25 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre* (cf. II.5). Ainsi, la forêt est à la fois puits et source de carbone, mais affiche toujours un bilan positif en termes de capacités de stockage (+ 0,7 milliard de tonnes de carbone par an) ; toutefois, ce bilan pourrait s’inverser sous peu, si les tendances restent les mêmes. Parallèlement, la FAO* a estimé que 60 millions de peuples indigènes dépendent directement des forêts, que 300 millions de personnes vivent à proximité des systèmes forestiers et que plus d’1,6 milliards de personnes dépendent de la ressource forestière à des degrés divers, depuis le bois de chauffe jusqu’au bois d’œuvre, avec des prises de conscience progressives en termes de gestion, visant à des prélèvements de plus en plus raisonnés (cf. I.9).
État des lieux mondial
3L’expansion des terres agricoles est la principale cause de destruction des surfaces forestières, notamment pour les plantations de palmiers à huile ou les cultures pour l’élevage industriel, renforcée par les exploitations minières et le commerce des bois exotiques (cf. V.26).
4L’Amérique latine et l’Afrique sont les régions les plus impactées par les processus de déforestation. Par exemple, la culture du soja au Brésil, s’est étendue sur plus d’un million d’hectares de terres cultivées au cours des six dernières décennies, au détriment des surfaces forestières. Selon le fonds WWF (World Wildlife Fund), l’expansion du soja nuit gravement à l’écosystème de la forêt tropicale humide amazonienne et il estime qu’en 2020, près de 22 millions d’hectares de forêts et de savanes en Amérique latine seront détruits au bénéfice de cette culture. Quant à l’Afrique, elle concentre à elle seule la moitié de la déforestation mondiale. Entre 1990 et 2005, le continent a perdu 9 % de son couvert forestier.
5Au-delà des fonctions environnementales liées à ces forêts à l’échelle planétaire, s’ajoutent les enjeux économiques et socioculturels considérables qu’elles représentent pour les pays couverts : actuellement, en Centrafrique, le secteur forestier représente plus de 10 % du PIB* ; au Gabon, la filière bois emploie 28 % de la population active et au Cameroun, 80 % de la population tire son énergie de la biomasse, qui recouvre 64 % de l’énergie consommée dans ce pays.
6Le massif forestier ouest africain, moins grand du point de vue des structure et composition floristique par rapport au bassin du Congo, couvre presque la totalité des pays du Golfe de Guinée. Ainsi, en Guinée, Sierra Leone, Liberia, Côte d’Ivoire, Ghana, Togo et Nigeria, de fortes densités de population surexploitent ces forêts pour l’agriculture, le bois d’œuvre et de chauffage. Dans cette région, près de 90 % des forêts originelles auraient disparu, laissant la place à des formations boisées extrêmement fragmentées et dégradées. La Côte d’Ivoire est désignée comme l’un des « points chauds » de la déforestation sous les tropiques, avec un taux de déforestation avoisinant 11 % par an.
Solutions à la déforestation
7Pour le WWF, dont l’un des buts est de promouvoir le développement durable, notamment en protégeant les forêts, la cuisine au feu de bois dans les pays d’Afrique subsaharienne est l’une des principales causes de la disparition progressive des forêts. Une solution envisageable serait que les populations recourent à des foyers améliorés, qui consomment moins de bois et qu’elles pourraient fabriquer elles-mêmes. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, (FAO, 2005), le recours aux foyers solaires pourrait aussi pallier le phénomène de déforestation. En effet, les foyers solaires fonctionnent avec des feuilles d’aluminium qui concentrent les rayons solaires sur la casserole. Ils permettent de cuire un plat en 3 heures maximum. Cette solution présente des avantages certains, car elle réduit la dépendance énergétique de ces populations. Mais ces foyers, sans doute moins chers, peuvent paraître coûteux pour une population qui vit avec moins d’1 euro par jour.
8Globalement, la déforestation en Afrique est similaire à celle de l’Europe du XVIIIe siècle. Aujourd’hui, les forêts européennes se développent et occupent de plus en plus d’espace. Elles accomplissent, pour les populations, un rôle plus social (chasse, loisir, promenade) qu’économique. Cela est dû prioritairement à des bouleversements d’ordre socio-économique (industrialisation), mais aussi à une prise de conscience collective et aux mesures mises en place par les institutions gouvernementales, qui, très tôt, se sont attaquées aux causes profondes de la déforestation (lutte contre la misère, baisse du taux de natalité, révolution agricole et développement d’autres secteurs d’activité, cf. I.10).
9En Afrique, les réformes n’ont pas accompagné la croissance démographique. La faible efficacité des pratiques agricoles pousse les petits agriculteurs itinérants à mettre en culture une parcelle qu’ils abandonnent au bout de deux à trois ans pour une autre, essentiellement suite à une perte de la fertilité des sols. Cette manière d’occuper l’espace contribue significativement à la dégradation des milieux.
10La déforestation concerne en priorité les pays du Sud et, à un degré moindre, la Russie, mais elle est directement liée aux orientations de développement prises par les pays industrialisés, ainsi qu’aux adaptations de fortune mises en place par les populations des régions impactées. La prise de conscience des conséquences de la perte massive des espaces boisés sur les changements globaux et des risques inhérents, se traduit par des mesures visant à freiner le processus de déforestation, mais elles ne pourront être véritablement efficaces sans des modifications importantes dans les politiques de développement et sans une amélioration du niveau de vie dans les pays les plus défavorisés. En attendant, des possibilités d’amélioration se dessinent avec la mise en place du REDD (Réduction des Émissions dues à la Déforestation et à la Dégradation), qui vise à favoriser l’achat et le blocage de superficie forestière pour compenser toute forme de déboisement, mais, pour que cette initiative soit vraiment efficace, il faudra veiller à ce qu’elle ne se traduise pas par une forme de spéculation foncière qui accentuerait encore plus les disparités économiques.
Bibliographie
Références bibliographiques
• Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture – Situation des forêts du monde, Rome, 2012.
• P. MOUTINHO et S. SCHWARTZMAN (éds) – Tropical Deforestation and Climate Change, Amazon Institute for Environmental Research, 2005.
• J.-C. VICTOR – Le dessous des cartes : une planète en sursis, Arte, 2005.
Auteurs
Écologue, Professeur des Universités, IMBE, Université Aix-Marseille, Marseille.
thierry.tatoni@imbe.fr
Écologue, Université de Kara, FLESH, Kara, Togo.
tatongueba.soussou@univ-cezanne.fr
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L'archéologie à découvert
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Sophie A. de Beaune et Henri-Paul Francfort (dir.)
2012