1. À propos du développement durable…
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Texte intégral
1Le terme « développement durable » est entré dans le vocabulaire commun, mais nombreux sont ceux qui ne savent pas ce qu’il recouvre réellement. Selon sa définition officielle (1987), dont l’origine est présentée et discutée dans ce chapitre, il correspondrait à « un développement qui répond aux besoins du présent, sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Ce concept propose une vision large de la société de demain, dans laquelle chacun peut se reconnaître. Il a ainsi été adopté par 178 États (Rio 1992), qui l’ont intégré dans leur discours politique et social. En s’appuyant sur les trois piliers initiaux que sont, par ordre alphabétique, l’économique, l’environnemental et le social, il s’agirait de proposer un changement de paradigme pour construire un monde économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. Depuis peu, ce système d’interactions s’appuie également sur la dimension culturelle, reconnue comme indissociable, tout comme pourrait le devenir l’éducation. Cet ambitieux projet rend nécessaire le fait de s’interroger sur les organisations sociales, les limites et les processus d’adaptation. En effet, cette formulation – suffisamment vaste pour faciliter son adhésion – ouvre la voie à de multiples interprétations, représentations ou encore appropriations, pouvant être divergentes. Celles-ci sont à l’origine de nombreux débats et font l’objet d’infinies interrogations, au moment de la mise en projets, notamment concernant leur durabilité. Par exemple, le soudain verdissement (greenwashing) des campagnes publicitaires questionne l’ancrage des transformations dans la durabilité, le rapport de l’être humain à la nature et ce besoin de « vernir » un processus de développement, afin qu’il devienne susceptible d’être plus acceptable et plus durable…
2L’une des interrogations persistante, et sujette à controverses, porte sur l’idée même de développement qui, associée à l’idée de durabilité, est souvent vue comme un oxymore. Le mot « développement » semble, ici, entendu dans une logique permettant de le rendre compatible à la croissance, contrairement à ce qui était rédigé dans le rapport, plus catégorique, « Halte à la croissance » du Club de Rome (1972). Cependant, l’ambiguïté persiste parfois, l’idée de « développement » restant marquée par l’héritage de l’ère industrielle du XIXe siècle, puis des Trente Glorieuses*, dont les nouvelles richesses résultent aussi de l’exploitation massive de nos ressources. C’est d’ailleurs les effets de ces activités anthropiques et d’événements majeurs, comme l’érosion des prairies du Middle West américain (1960) ou les chocs pétroliers (1973 et 1979), qui ont aidé à une prise de conscience généralisée quant à la non-durabilité des ressources, et à l’urgente nécessité de protéger l’environnement, reconnu comme source vitale du monde vivant.
3Cependant, compte tenu de la réalité des inégalités de développement des différents États entre eux, et même sur leur propre territoire, il est difficilement envisageable de fonder un principe opérationnel universel. Chaque État devrait pouvoir accéder à un niveau socioéconomique comparable, afin d’envisager plus sereinement l’avenir des générations futures, et s’inscrire dans une dynamique respectueuse de l’environnement, qui va bien au-delà de l’hic et nunc. Mais, cela n’est-il pas une vision utopique dans un contexte de changement global, de changement climatique et de croissance démographique, dans une société à l’heure de la mondialisation, et dont le rapport à la nature et à l’environnement se modifie ? Tels sont quelques-uns des enjeux que soulève le développement durable aujourd’hui. Cette complexité du système global est décryptée dans cette première partie, qui pose les jalons d’une réflexion et ouvre sur des questions nous concernant tous.
Auteur
Anthropologue, Chargée de Recherche au CNRS, LATTS, Déléguée scientifique Développement Durable à l’INEE, Paris.
agathe.euzen@cnrs-dir.fr
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2012