Discussion
p. 279-280
Texte intégral
L’Agriculture
R. Montjardin
1Je pense que jusqu’à présent nous examinons les enseignements de la préhistoire en partant du passé et en montant vers le présent. Je pense que de temps en temps, il faudrait partir du présent, ou tout au moins d’un passé relativement lointain, par exemple le gallo-romain, ou bien l’Age du Fer, pour aller vers le passé. Si nous prenons les sites chalcolithiques ou du Néolithique final qui sont au moins dix ou vingt fois plus nombreux que ceux du Cardial, nous aurions exactement les mêmes problèmes. En effet nous avons finalement très peu de sites qui ont livré de nombreuses meules : on ne conteste pas la meule gallo-romaine, on ne conteste pas la meule de l’Age du Fer. Je ne vois pas pourquoi on viendrait contester la meule du Cardial. D’autre part je voudrais regretter l’absence de confrontation dans ce Colloque depuis le début entre ce qui se passe dans la vallée du Danube et ce qui se passe en Méditerranée. Je crois que c’est une lacune regrettable parce que, par exemple, la question se pose pour le porc domestique qu’on a répugnance à admettre dans le Midi de la France alors que dans la vallée du Danube cette contestation n’a pas l’air d’avoir lieu. Enfin il est incontestable que les sites les mieux fouillés sont des sites de grottes et que ça déborde seulement maintenant sur les sites de plein air. Maintenant est-ce que la conservation des sites de plein air permettra de trouver ainsi facilement des graines ? Ce n’est pas évident.
P. Marinval
2Les problèmes se posent exactement de la même façon quelle que soit l’époque. Je travaille du Néolithique jusqu’à la fin de l’Age du Fer et je suis confronté à un manque de données absolument incroyable. Cela est dû au manque de postes pour les sciences naturelles appliquées à l’archéologie. A part M. Erroux qui a réalisé des déterminations sur lesquelles je me suis appuyé et quelques étudiants, il n’y a personne en France pour étudier les macro-restes. Quant aux meules, j’ai effectivement noté la différence entre les sites sous abris ou on a peu de meules et les sites de plein air où on a davantage de meules.
G. Firmin
3Il faut reconnaître en effet qu’il y a très peu de spécialistes d’où le retard accumulé en ce domaine des macro-restes. En ce qui concerne les sites de plein air, je voudrais quand même signaler qu’il existe des sites de plein air de la civilisation danubienne, en particulier les stations de la vallée de l’Aisne avec lesquelles j’ai justement essayé de faire la liaison tout simplement pour montrer que du point de vue botanique et en particulier des spectres de végétations, on pouvait trouver une similitude entre des sites du Midi et du Nord. Par ailleurs je confirme tout à fait que des meules peuvent servir à bien d’autres choses qu’à broyer des céréales. On peut également broyer des graminées sauvages. Quant au lustré des céréales il y a des gens qui travaillent maintenant sur ces questions en France - comme Patricia Gerfaud-Anderson - et qui sont en train de faire des études non seulement sur le lustré vu à travers un microscope et sur les processus chimiques qui conditionnent ce lustré, mais également sur la présence des phytolithes. Il semble donc, à l’heure actuelle, que pour arriver à produire un lustré des céréales, on ne travaille pas probablement sur des céréales qui sont moissonnées à l’état sec, mais probablement sur des céréales qui ont été moissonnées à l’état frais. Les phytolithes, quand on a la chance d’en trouver, peuvent éventuellement permettre de déterminer la différenciation entre les céréales, des graminées et éventuellement des roseaux.
J. Courtin
4M. Marinval, vous avez cité les légumineuses du Mésolithique de Fontbrégoua, mais vous n’avez pas cité Fontbrégoua à propos des céréales cultivées. Or je tiens à préciser que le Pr. Erroux les a étudiées et que, dans ce gisement, comme à Châteauneuf, dans les plus anciens niveaux à céramique il y a du blé et de l’orge qui apparaissent en même temps que les faucilles, en même temps que les meules et en même temps que les haches polies. Alors je veux bien, moi aussi, que les meules servent à écraser de l’ocre, qu’elles aient pu servir à écraser les tessons de poterie pour produire du dégraissant, que les faucilles aient servi à couper les roseaux ou de l’herbe pour nourrir les moutons, mais il faut tout de même remarquer qu’il n’y a pas de faucilles, tout au moins dans le Midi de la France, et en Provence en particulier, qu’il n’y a pas de meules, qu’il n’y a pas de haches polies avant les premiers niveaux à céramique. Je suis d’autre part tout à fait d’accord avec vous sur le manque de chercheurs en ce qui concerne les macro-restes et les plantes cultivées et je tiens à préciser aussi que le Pr. Erroux a réalisé toutes les analyses à titre gratuit et bénévolement. Donc il n’y a jamais eu personne en France jusqu’à ce jour qui ait été payé pour ce genre d’étude. Enfin à propos du trafic des bracelets en pierre au Néolithique ancien évoqué par P. Phillips, il faudrait tout de même rappeler que pour la Provence il y a 21 bracelets, ou fragments de bracelets en pierre. Sur la durée du Cardial sur un millénaire ou un millénaire et demi, ça fait vraiment un petit commerce.
G. Camps
5Je m’adresse à J. Vaquer et à M. Barbaza, je voudrais savoir la raison qui leur a fait prendre le terme d’horticulture pour désigner les débuts de l’agriculture à l’Abeurador.
J. Vaquer
6Nous avons adopté ce terme d’horticulture dans la mesure où il semble bien qu’une bonne partie, sinon la totalité, des graines de l’Abeurador sont des graines cultivées, introduites à partir du Proche-Orient. Si on se fie aux analyses cytogénétiques qui ont été réalisées concernant l’origine du pois chiche, de la lentille, du petit pois, de la gesse chiche et de la lentille ervillière...
G. Camps
7Le terme horticulture en français ou en latin signifie « culture dans un jardin ». C’est pour cela que vous l’avez choisi ?
J. Vaquer
8Nous pensons que cela pourrait correspondre à des activités de ce genre.
G. Camps
9Or les lentilles se cultivent en champ, comme le blé.
J. Vaquer
10C’était pour l’opposer à la céréaliculture, si vous préférez.
G. Camps
11D’accord, mais c’est une agriculture comme les autres. S’il s’agissait de tarots, alors là on pourrait parler d’horticulture parce que cela se passe dans des endroits très limités et avec une nécessité d’arrosage. Mais je ne pense pas que la culture de lentilles mérite le terme d’horticulture. C’est une question de terminologie.
J. Vaquer
12J’ai oublié de citer une des dernières découvertes de M. Erroux, à savoir que la plupart des graines que l’on trouve dans les niveaux anciens de l’Abeurador (couches 8 et 7 qui datent entre 8000 et 7000) avaient posé un problème de détermination. Les graines qui étaient appelées provisoirement « graines X » de Fontbrégoua sont en fait des graines qui appartiennent au genre vale-rianella. Il s’agit donc de graines de mache qui étaient probablement cultivées et semées pour être consommées sous forme de salades.
M. Lippmann
13Je voudrais jeter un pont entre les études du milieu et notamment la géomorphologie et les données de la préhistoire pour rappeler qu’à Paestum en Italie méridionale on peut mettre en évidence une coupure paléoécologique et climatique très importante qui apparaît comme bien antérieure au Néolithique ancien. Or si, comme le soulignaient tout à l’heure Mme Follieri et M. Coppola, le Néolithique ancien remonte à environ 5000 B.C. voire un petit peu avant, donc 7000 B.P. environ, cela situe la coupure paléo-écologique avec la formation des sols qualifiés d’atlantiques un peu antérieurement, assez nettement même aux lignes isochrones de l’Atlantique telles qu’elles ont pu être définies en France méridionale. Il semblerait donc bien que l’optimum climatique holocène soit assez ancien, plus ancien quand on descend vers le sud que lorsque l’on se situe en France du Sud. Par ailleurs je voulais aussi souligner que le milieu en définitive se défend bien en Italie méridionale contre les interventions humaines, qui sont pourtant précoces, à partir de 5000 B.C., et que les premières traces d’agression réelles sur les sols n’apparaissent qu’à l’Age du Bronze. Les conditions bioclimatiques sont donc extrêmement importantes dans les réponses du milieu par rapport aux activités humaines.
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