6.3. Le droit de l’alimentation : que couvre-t-il ?
p. 220-221
Texte intégral
1Aux termes de l’article 3-1 du règlement européen n° 178/2002 du 28 janvier 2002, qui établit spécialement les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, celle-ci « couvre toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution des denrées alimentaires et également des aliments destinés ou donnés à des animaux producteurs de denrées alimentaires ». Ce texte, qui s’applique directement dans les États membres de l’Union européenne, met en évidence deux « portes d’entrée » pour le droit de l’alimentation : les produits et substances d’un côté, les opérations et activités de l’autre.
Les substances et les produits qui relèvent du droit de l’alimentation
2L’objectif essentiel est ici d’assurer la protection de la santé des consommateurs. Les graves crises sanitaires survenues dans les années 1990 (en particulier, la crise dite de la « vache folle ») ont montré qu’il était nécessaire de prendre en considération les aliments pour animaux, étant donné qu’une contamination accidentelle ou intentionnelle les concernant peut avoir un impact direct ou indirect sur la sécurité des denrées destinées à l’alimentation humaine. Dans cette optique, le règlement de 2002 distingue la denrée alimentaire (ou aliment) définie comme « toute substance ou [tout] produit, transformé, partiellement transformé ou non transformé, destiné à être ingéré ou raisonnablement susceptible d’être ingéré par l’être humain » et l’aliment pour animaux défini comme « toute substance ou [tout] produit, y compris les additifs, transformé, partiellement transformé ou non transformé, destiné à l’alimentation des animaux par voie orale ».
Les opérations et activités concernées par le droit de l’alimentation
3Dans une approche globale et intégrée de la sécurité des denrées alimentaires, le droit de l’alimentation prend en compte tous les aspects de la chaîne de production alimentaire dans sa continuité, à partir de la production primaire et de la production d’aliments pour animaux jusqu’à la vente ou la fourniture des denrées alimentaires au consommateur, puisque chaque élément de la chaîne peut avoir un impact négatif potentiel sur la sécurité alimentaire. Les règles applicables, en France, à chacun des maillons de cette chaîne, sont difficiles à appréhender en raison d’une double circonstance.
4Non seulement, elles sont issues d’une superposition de textes nationaux, européens voire internationaux, mais encore elles se situent au croisement d’autres branches du droit (droit de la consommation, droit pénal, rural et commercial, droit de la construction) et sont de fait éparpillées dans différents textes, codifiés ou non, au milieu de dispositions traitant d’autres questions (fraudes et falsifications, règles de sécurité dans les établissements recevant du public, sous-traitance).
5Dans le cadre du droit applicable à la production et à la préparation des aliments, certaines règles sont communes à l’ensemble ou du moins à plusieurs catégories d’aliments. Il en est ainsi, par exemple, des règles relatives aux additifs pouvant être utilisés dans la fabrication des denrées alimentaires ou des aliments pour animaux, de celles relatives à l’ionisation* des aliments, ou bien encore de celles relatives à l’hygiène, notamment en ce qui concerne les locaux de fabrication et de préparation des produits élaborés.
6D’autres règles sont spécifiques à certaines denrées alimentaires. Elles ont trait à la production primaire de fruits et légumes, à l’élevage et à l’abattage des animaux destinés à la consommation humaine, et à la préparation des viandes correspondantes, à la préparation d’autres produits alimentaires élaborés (plats cuisinés, conserves, produits sucrés ou glacés, etc.), aux règles d’hygiène des établissements y procédant. Dans une perspective non plus sécuritaire mais qualitative, d’autres textes régissent les systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (Appellation d’Origine, Indication Géographique Protégée, Agriculture Biologique, etc.).
Une extension considérable
7Le droit de l’alimentation établit des règles applicables au transport, frigorifique ou non, de denrées et produits alimentaires, et à la conservation de ceux-ci avant leur mise sur le marché, leur vente ou leur cession à titre gratuit, et leur consommation. Cela conduit à régir l’information, l’étiquetage, l’emballage des denrées et produits, mais également l’organisation des établissements concernés, en matière de normes de construction et d’hygiène.
8Le droit applicable à la mise des substances et produits à la disposition du consommateur régit la vente des denrées brutes et produits élaborés et les prestations de restauration (restauration commerciale et restauration collective). Ces règles ont trait à l’information du consommateur sur la nature et la composition des denrées et produits, à l’organisation et à la structure des établissements concernés (établissements de vente directe, restaurants), aux contraintes relatives à l’offre de certains produits par des établissements ouverts au public (restaurants, débits de boissons), aux normes de construction, aux exigences en matière d’hygiène et aux règles de lutte contre l’incendie et la panique, à partir du moment où lesdits établissements reçoivent du public.
9Le droit de l’alimentation, tel qu’il s’applique en France, s’est donc considérablement développé ces dernières années. Son importance et sa complexité rendent d’autant plus nécessaire de le rendre plus accessible, ce qui implique en particulier la mise en œuvre d’un code français de l’alimentation, que n’empêche nullement la présence de nombreuses règles européennes, car elles sont soit applicables directement dans les États membres, soit intégrées dans les lois nationales.
Bibliographie
Références bibliographiques
• Multon J.L. et al., Traité pratique de droit alimentaire, Lavoisier, Paris, 2013.
• Lafforgue L, Raffi R., « Droit de l’alimentation », Dictionnaire des cultures alimentaires, Poulain J.-P. éd. PUF, Paris, 2012.
• Règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002, JO L 31 du 1.2.2002.
Auteurs
Juriste
Institut Supérieur du Tourisme, de l’Hôtellerie et de l’Alimentation Université Toulouse Jean-Jaurès
Toulouse
lafforgue.laurence@yahoo.fr
Juriste
UMR « Centre d’Étude et de Recherche Travail Organisation Pouvoir »
CNRS - Université Toulouse Jean-Jaurès
Toulouse
remy.raffi@free.fr
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L'archéologie à découvert
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Sophie A. de Beaune et Henri-Paul Francfort (dir.)
2012