Les débuts de l’agriculture et la diffusion des plantes cultivées dans la péninsule Ibérique
p. 267-274
Résumés
En Espagne, les plus anciennes plantes cultivées datent de la culture cardiale (4670 B.C.) ; au Portugal, seulement du Néolithique final. Les blés tendres et durs, l’orge polystique nue y sont plus importants que dans les autres pays méditerranéens. Quelques lentilles sont trouvées aussi et, plus tard, le lin, le pavot noir et tout spécialement la fève. Mais les plantes cultivées n’ont pas remplacé entièrement la cueillette des fruits indigènes.
The oldest plant remains found in Spain date from 4670 B.C. (Cardial Culture) ; in Portugal, so far, only finds from the final neolithic and chalcolithic are known. Naked wheats and naked polystiche barley are more important than in the other Mediterranean countries ; few lentils are mentioned. Later also linseed, black poppy, and especially the broad bean. But plant cultivation did not fully replace the collecting of local fruits.
Texte intégral
1L’origine de la culture des plantes alimentaires doit être localisé au Proche Orient. C’est là que l’on trouve les ancêtres des blés et de l’orge ainsi que des lentilles et des pois. Il est probable que les techniques de propagation des arbres fruitiers - la greffe - comme pour les figuiers, les amandiers, les oliviers ou la vigne, se sont elles aussi développées en Orient. Mais, la structure, la forme et les dimensions des plantes sauvages et des premières plantes cultivées sont plus ou moins identiques. C’est pourquoi, jusqu’à présent, seule la présence d’une espèce dans une région dans laquelle elle n’est pas indigène, peut être considérée comme l’indice d’une culture, tout spécialement au Néolithique. Plus tard, à l’âge du Bronze, l’horticulture diffusera aussi dans toutes les directions, comme c’était le cas pour l’agriculture.
2De nombreuses fouilles attestent de la domestication et de la culture des céréales et des légumes dans l’Asie de l’Ouest dès le huitième millénaire, ceci même avant l’invention de la fabrication de la céramique.
3En Europe méridionale - de l’est à l’ouest et au nord -nos ne connaissons aucune culture de végétaux indigènes avant l’introduction des plantes, domestiquées d’abord dans le sud-est de l’Asie, bien qu’il y ait eu au moins, par exemple, les avoines, quelques autres graminées (Setaria, Glyceria etc.), le pavot, plusieurs Papi-lionacées. Mais ces plantes ne furent cultivées que beaucoup plus tard, après la découverte des techniques.
4La diffusion des végétaux se fit principalement le long des côtes de la Méditerranée et, par les vallées des grands fleuves, à l’intérieur du continent. Ainsi, les premiers villages paysans dans le sud-est, par exemple en Grèce (comme Sesklo, environ 6000 B.C., C14) et en Macédoine (Anza, 5500 B.C., C14) sont plus vieux que ceux de l’ouest et du nord du continent. Ainsi, en France, Châteauneuf-les-Martigues (5210-4190 B.C., Cl4) ou, en Espagne, la Cova de l’Or (4670-4315 B.C., C14).
5En Asie de l’ouest, le Néolithique proprement dit -avec l’agriculture, l’élevage et la céramique -commence vers 7000 B.C., par exemple en Palestine à Beidha ou Jericho. Il arrive vers 2500 B.C. en Europe du nord avec la culture des gobelets à entonnoirs (Trich-terbecher) ou de la céramique cordée (Schnurfkeramik), ce qui veut dire que le processus de néolithisation dura à peu près 4 500 ans dans l’Ancien Monde et la diffusion des plantes cultivées, de la Mer Egée à l’Atlantique, environ 2 000 ans.
Les plus anciens sites avec des restes de plantes nutritives
(cueillies et cultivées)
L’Italie
A. — Néolithique initial/Cardial
1. Grotte S. Angelo di Ostuni/Brindisi
2. Monte Aquilone/Puglia
3. Passo di Corvo/Puglia
4. Torre Canne/Puglia
5. Villagio Leopardi/Abruzzi
6. Pienza/Siena
7. Skorba/Malta
B. — Néolithique
8. Albinea/Emilia
9. Chiozza di Scandiano/Emilia
10. Arene Candide/Liguria
11. Vhô di Piadena - Campo Ceresole/Cremona
12. Molino Casarotto - Fimon/Vicenza
13. La Vela/Trento
14. Lago di Ledro/Trento
15. Isolino Virginia/Varese
16. Casale/Viadana
17. Monte Còvolo/Brescia
18. Santa Maria in Sel va/Marche
C. — Néolithique final et Chalcolithique
19. Grotta di Agnano/Pisa
20. Arquà Petrarca/Padova
21. Caldiero/Verona
22. Castellacio - Imola/Emilia
23. Cogazzo/Viadena
24. Farneto/Bologna
25. Lagozza di Besnate/Varese
26. Loc. Lagozzetta/Varese
27. Monte Loffa - Breoni/Varese
28. Ripoli - Corropoli/Abruzzi
29. Torbiere di Scalucce, Molina/Verona
30. Tolereit/Bolzano
La France
A. — Paléo- et Mésolithique
1. Pompignan/Gard
2. La Baume Monclus/Gard
3. La Baume Fontbrégoua, Salernes/Var
4. La Poujade, Millau/Aveyron
B. — Néolithique initial et Cardial
5. La Baume Bourbon, Cabrières/Gard
6. Châteauneuf-les-Martigues/Bouches-du-Rhône
. 6a. La Baume de Gonvillars/Haute-Saône
C. — Néolithique
7. La Bastide de Virac/Ardèche
8. Campigny/Somme
9. Chassey/Saône-et-Loire
10. La Condamine, Limoges/Haute-Vienne
11. Génissiat/Ain
12. Grotte d’Antonnaire/Drôme
13. Grotte G, Baudinard/Var
14. Grotte de la Madeleine, Villeneuve-les-Maguelonne/Hérault
15. Grotte Murée du Verdon, Montpezat/Basses-Alpes
16. Lac de Chalain, Jura/Dôle
17. Perte du Cros, Saillac/Lot
18. Roucadour, Thémines/Lot
19. Trou Arnaud, St. Nazaire-le-Désert/Drôme
20. Grotte de l’Adaouste, Jouques/Bouches-de-Rhône
21. Balme-Gontram, Chaley/Ain
22. Enzheim/Bas-Rhin
23. Pieux à Beaulieu/Ardèche
24. Taravo/Corse
D. — Chalcolithique
25. L’Aven des Corneilles à Prades/Lozère
26. Grotte de l’Église supérieure, Baudinard/Var
27. Grotte 1 de Sargel, Saint-Rome-de-Cernon/Aveyron
28. Le Lébous à Saint-Mathieu-de-Tréviers/Hérault
29. Clairvaux, Motte au Magnins/Doubs
+ Paléo- et Mésolithique.
Néolithique initial et cardial.
o Néolithique.
Δ Néolithique final et Chalcolithique.
- Les numéros renvoient au texte.
L’Espagne
A. — Néolithique Cardial
1. Cova de l’Or, Alcoy/Alicante
2. Cova de la Sarsa/Valencia
B. — Néolithique
3. Aljoroque/Almera
4. Bóbila Madurell, San Quirze del Vallès de Galliners/Barcelona
5. Cueva del Toll, Moiá/Barcelona
6. Cueva del Toro, El Torcal, Antequerra/Málaga
7. Vilanova i la Geltrú/Barcelona
C. — Néolithique final et Chalcolithique
8. Cueva de Nerja/Málaga
9. Cerro de la Virgen, Orce/Granada
10. Albuñol, Cueva de los Murciélagos/Granada
11. Cueva de la Bajoncillo/Málaga
12. Cueva de los Murciélagos, Zuheros/Córdoba
13. Montefrío, Granada
14. Ereta del Pedregal, Navarrés/Valencia
15. Barsella, Torremanzanas/Alicante
Le Portugal
Néolithique final et Chalcolithique
1. Gruta de Redondas, Algar do Joáo Ramos/Alcobaça
2. Pedra de Ouro/Alenquer
3. Pepim/Amarante
4. Vila Nova do S. Pedro/Cartaxo
5. Zambujal/Torre Vedras
6A part un petit nombre de sites acéramiques en Grèce - mais avec des restes de plantes et animaux domestiqués - tous les habitats néolithiques européens où élevage et agriculture sont connus, ont aussi fourni de la céramique.
7Dans les pays du nord et spécialement du nord-ouest de la Méditerranée, la première céramique est décorée par des empreintes. Cet « impresso » style ou style cardial a son origine au Levant où il est daté d’au moins 6000 B.C. Nous pouvons suivre son expansion et, avec elle, la diffusion de l’agriculture à travers la Méditerranée, par étapes, jusqu’au Levant espagnol. Là, à la Cova de l’Or, la couche la plus ancienne à céramique cardiale est datée par le radiocarbone de 4670 B.C. En France méridionale, des restes végétaux trouvés avec cette céramique à la baume Fontbrégoua datent de 4700 à 4200 B.C. Dans ces régions, ces restes sont les plus anciennes plantes cultivées.
8Il y avait sans doute déjà des semences à Pompignan (Gard) datées de 7900 B.C. Mais il s’agit là seulement de fruits de cueillette, par exemple Prunus, Quercus, Corylus, Vitis et quelques genres de la famille des Papilionacées, c’est-à-dire un dépôt de plantes sauvages des environs.
9Au Proche Orient, dès le commencement de la domestication ou presque des plantes nutritives, nous rencontrons un ensemble composé de céréales -généralement de Triticum monococcum, Triticum dicoccum et de Hordeum- et de légumes comme Lens, Pisum, Cicer, Vicia narbonensis. Il y avait donc dès le début un complément de fruits et de graines fournissant des matières amylacées. Cette combinaison de nourriture végétale fut complétée encore par les fruits sauvages des contrées respectives. Ainsi, les figues, les amandes, les dattes dans l’est ; des noisettes, des fraises, des framboises etc. vers l’ouest. Les olives, les raisins et surtout les glands étaient ramassés dans toutes les régions à tous les âges, quoique les espèces de Chênes variaient naturellement selon les données locales.
10L’importance des céréales et des légumes variait dans le même sens. Dans les fouilles orientales les plus anciennes il y a une stricte prédominance des blés en glume et de l’orge à deux rangs. En Europe orientale -en Grèce, dans les Balkans - les Triticum monococcum et dicoccum sont encore communs mais l’orge à quatre ou six rangs a remplacé celui à deux rangs tandis que Vicia ervilia est le principal légume alors qu’il avait moins d’importance en Asie mineure.
11Beaucoup plus à l’ouest d’autres changements sont connus. En France, la plupart des légumineuses sont des gesses (Lathyrus sp.) ou des vesces (Vicia sp.). On ne trouve pas la lentille dans le Néolithique final et le pois est cité seulement deux fois. Les blés tendres sont plus ou moins aussi fréquents que Triticum monococcum et dococcum ; de même, l’orge nue au même titre que l’orge vêtue.
12En Espagne et au Portugal, ici encore, une autre légumineuse la fève (Vicia faba) est la plus fréquente parmi les Papilionacées. Mais, il faut insister sur le fait que la fève n’apparaît pas avant le Néolithique final ou le Chalcolithique, ce qui veut dire que sa culture eut lieu seulement bien après l’établissement des techniques agricoles. Dans les fouilles les plus anciennes la fève manque et nous ne connaissons pas le pois. La lentille est peu fréquente ici contrairement à l’Europe centrale où, dès le Rubané, les Pisum et Lens étaient fréquemment cultivés sur une vaste étendue.
13La prépondérance de la fève en Espagne du sud-est peut paraître un peu surprenante si l’on considère son besoin en eau qui n’est pour le moins pas inférieur à celui du pois ou de la lentille. Par contre, en quelques régions du Portugal à climat atlantique, la présence de la fève et du lin - ce dernier utilisé principalement pour ses semences oléagineuses - nous semble beaucoup plus normale. Cependant, on doit considérer que vers 2500-2000 B.C., l’irrigation développée au Proche Orient depuis environ 3000 B.C. ou même plus tôt, était aussi connue en Occident.
14Une introduction nouvelle ne se présente qu’à la période ibéroceltique, c’est le millet (Panicum miliaceum) et peut-être aussi le seigle (Secale cereale). Les romains n’ont pas apporté de plantes nouvelles. La vigne est attestée une seule fois dans la fouille « La Bar-sella » (Alicante) de l’époque de Los Millares, mais ces pépins venaient probablement d’une plante sauvage. Les pépins des sites ibéro-celtiques à Gerona et Valencia font penser à une origine ou à une influence grecque.
15Si l’on considère les analyses de restes végétaux préhistoriques de la péninsule ibérique, qui représentent presque tout l’éventail des principales branches de l’agriculture asiatique, on en recueille l’impression que les premières plantes cultivées ici ont été introduites plus ou moins directement de l’est par des porteurs de céramique cardiale et non par un médiateur, soit la France, soit l’Italie du nord. Par la suite, le contact est-ouest fut probablement plusieurs fois interrompu. En conséquence, nous rencontrons quelques traits locaux spécifiques, ainsi l’importance des blés tendres et durs, de l’orge nue, de la fève, du lin. Les capsules du pavot noir, les fruits du châtaignier et l’écorce de Chêne-liège sont documentés en Espagne pour la première fois dans des trouvailles préhistoriques européennes.
Auteur
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