6.2. Aliment et médicament – Aspects réglementaires
p. 219
Texte intégral
1La fameuse phrase attribuée à Hippocrate – « Que ton aliment soit ta première médecine ! » – traduit bien le recouvrement des notions d’« aliment » et de « médicament ». Pourtant, les progrès scientifiques en médecine et en nutrition, le poids économique des industries pharmaceutique et agro-alimentaire et la présence croissante de normes et de réglementations tentent de les dissocier.
2Sur le plan juridique, seul le médicament dispose d’une définition englobant « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines […] ou pouvant être administrée en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique » (Code de la Santé publique, article L. 5111-1).
3Il suffit de peu de connaissances en nutrition pour détecter l’ambigüité de cette définition : les aliments sont bel et bien « administrés » à l’homme et apportent des nutriments qui « exercent des actions métaboliques » et peuvent « modifier les fonctions physiologiques ». S’ils ne sont pas censés guérir une pathologie, nombre d’entre eux sont recommandés par les politiques de Santé Publique pour diminuer le risque de dysfonctionnements précurseurs de pathologies.
Distinguer aliment et médicament
4Le législateur européen met actuellement en place un arsenal complexe visant à éviter qu’un aliment ne devienne un « médicament par présentation », ne répondant pas à la définition d’un médicament. La tâche est particulièrement délicate quand on traite des compléments alimentaires, gélules ou comprimés souvent vendus en pharmacie, mais qui sont juridiquement considérés comme des aliments. C’est sur la communication des propriétés des aliments ou compléments alimentaires concernant la santé que portent les efforts réglementaires. Sont uniquement autorisées des allégations portant sur les capacités d’un aliment à « maintenir » une fonction physiologique normale ou à « diminuer un facteur de risque d’une maladie » (cholestérol), mais pas à agir sur la maladie elle-même (maladie cardio-vasculaire). La différence est subtile et il n’est pas sûr qu’elle soit bien mesurée par le consommateur final.
5Il reste néanmoins des différences très significatives entre aliment et médicament concernant les circuits de distribution (les médicaments ne sont vendus qu’en pharmacie), les normes de fabrication (beaucoup plus exigeantes pour les médicaments), les effets secondaires (tolérés pour les médicaments mais exclus pour les aliments qui doivent être parfaitement sûrs). Enfin, la justification du « service rendu » conditionne la mise sur le marché d’un médicament alors que celle d’un aliment s’appuie implicitement sur ses caractéristiques nutritionnelles ou organoleptiques. Toutefois, lorsqu’un aliment prétend à une allégation santé, celle-ci doit avoir été préalablement autorisée sur la base d’une évaluation de l’« évidence scientifique », dont la rigueur peut être comparée à celle manifestée par les instances d’autorisation des médicaments.
Auteur
Nutritionniste
Société Vab-Nutrition
Clermont-Ferrand
veronique.braesco@vab-nutrition.com
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