4.11. Calcium, polyphénols et santé osseuse
p. 153-154
Texte intégral
La préservation du capital osseux, un défi majeur de santé publique
1Le tissu osseux se distingue des autres tissus par la présence de minéral (99 % et 90 % du calcium et du phosphore de l’organisme, respectivement). Ses propriétés de rigidité et de flexibilité sont indispensables à son rôle de soutien des masses musculaires contribuant ainsi à la posture, au mouvement, à la locomotion et à la protection des organes vitaux.
2L’ostéoporose, principale pathologie du squelette, constitue donc un problème majeur de santé publique. Elle est caractérisée par une faible masse osseuse accompagnée d’une altération microarchitecturale, conduisant à une fragilité accrue. Chez la femme âgée de 50 ans, le risque cumulé sur les années restant à vivre de développer le syndrome atteint 40 %, et il est de 13 % chez l’homme. Au-delà de 80 ans, 70 % des personnes sont ostéoporotiques. Au niveau européen, le nombre de fractures de la hanche devrait augmenter de 135 % d’ici 50 ans et la prévalence des tassements vertébraux de 75 %, d’où la nécessité de mettre en place une prophylaxie efficace. Dans ce cadre, le concept d’une alimentation saine, fournissant des quantités suffisantes de différents nutriments potentiellement ostéo-protecteurs, mérite d’être considéré.
Le calcium (associé à la vitamine D), une valeur sûre pour la santé osseuse
3Le calcium est l’élément déterminant de la qualité du squelette. Une malnutrition minérale chez l’enfant (générée par exemple par la non-consommation de produits laitiers) est susceptible de perturber la croissance du squelette, d’engendrer une fragilité osseuse immédiate et d’accroître le risque de fracture chez les séniors.
4Cette nécessité de chercher dans le régime alimentaire le minéral persiste même lorsque la croissance est achevée car l’organisme excrète en permanence du calcium par voie digestive, urinaire, sudorale et cutanée. Si cette perte n’est pas compensée par l’ingestion, l’os en tant que réservoir minéral est résorbé sous l’action de la parathormone* pour maintenir la calcémie constante (toute variation étant très rapidement létale).
5De plus, les besoins calciques augmentent chez les séniors alors que la vitamine D, qui est nécessaire à l’absorption du calcium par l’intestin, est souvent déficitaire. Avec l’âge une insuffisance en vitamine D se développe, consécutivement à une anhélie* et à une altération de la synthèse cutanée de la molécule, ainsi qu’à des apports alimentaires insuffisants. De plus, l’intestin limite de façon physiologique l’absorption du calcium pour éviter une surexposition calcique. Au Paléolithique, l’apport alimentaire en calcium était peut-être de l’ordre de 3 000 mg/jour. Il est aujourd’hui de l’ordre de 900 mg/jour, mais cette fonction de frein de l’intestin qui n’est plus adaptée aux conditions actuelles existe toujours. Il est par conséquent indispensable d’optimiser les apports par la consommation simultanée de vitamine D qui potentialise le transport intestinal du calcium.
6Les apports nutritionnels conseillés (ANC*) pour le calcium sont de 500 mg/j pour les enfants de 1 à 3 ans, de 800 de 5 à 9 ans, de 1 000 pour les adultes de 18 à 55 ans et de 1 200 pour les femmes de plus de 55 ans et toutes les personnes de plus de 65 ans. Les produits laitiers sont les principaux aliments vecteurs, en raison de la forte biodisponibilité du minéral, comparativement aux sources végétales. En ce qui concerne la vitamine D, les ANC sont de 5 mg/j chez l’adulte et de 10 à 15 mg/j après 55 ans, les aliments pourvoyeurs étant les huiles de poissons et les poissons gras qui en contiennent entre 7 et 20 mg/100 g.
Vers de nouvelles stratégies de prévention des pathologies osseuses : intérêt des polyphénols
7L’étiologie* des phénomènes de perte osseuse liée au vieillissement est relativement complexe et multifactorielle. Outre la déminéralisation, une inflammation à bas bruit associée à un stress oxydant au cours du vieillissement a un impact négatif sur les cellules osseuses. Par conséquent, la prévention nutritionnelle de l’ostéoporose associant classiquement calcithérapie et supplémentation en vitamine D évolue en intégrant le potentiel antioxydant et/ou anti-inflammatoire de certains nutriments et microconstituants. Ces propriétés sont portées par les vitamines B, C et E, mais surtout, compte tenu de leur niveau de consommation, par les polyphénols.
8Les polyphénols sont des métabolites secondaires des végétaux contribuant à l’arsenal défensif de la plante. Ubiquitaires dans le règne végétal, ils se retrouvent dans nos aliments (fruits, légumes, noix/noisettes, graines, herbes, épices, thé, vin, chocolat). Les études épidémiologiques ont permis de mettre en évidence une association entre la consommation de polyphénols et la densité minérale osseuse. Ces données ont été confirmées par des essais cliniques d’intervention portant sur différents types de molécules ou aliments (l’oleuropéine dans les produits de l’olivier, les anthocyanes* de myrtille, le thé ou encore le pruneau).
9Toutefois, même si les dernières avancées scientifiques dans le domaine de la nutrition préventive ont permis la prise de conscience du potentiel de certains aliments vis-à-vis du capital osseux, c’est le régime alimentaire dans sa globalité qui détermine l’impact final sur la qualité du squelette. Il est donc fondamental de favoriser une alimentation diversifiée, respectant les grands équilibres alimentaires, et ceci tout au long de la vie.
Fig. 1 – Effet protecteur de la consommation d’un extrait de polyphénols de l’huile d’olive sur la masse osseuse de femmes ménopausées. Ce paramètre est préservé (barres foncées), alors qu’il est diminué dans le groupe placebo (barres claires) (d’après Filip et al., 2015)
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Références bibliographiques
10.1016/S0003-4266(06)72568-9 :• Coxam V. et al., « Nutrition et métabolisme osseux », in Aliments fonctionnels, Roberfroid M. et al. éd. Lavoisier, Paris, 2008 : 729-98.
• Filip R. et al., « Twelve-month consumption of a polyphenol extract from olive (Olea Europaea) in a double blind, randomized trial increases serum total osteocalcin levels and improves serum lipid profiles in postmenopausal women with osteopenia », J Nutr Health Aging 2015 ; 19 : 77-86.
Auteur
Nutritionniste
Unité de Nutrition Humaine
INRA
Clermont-Ferrand
veronique.coxam@clermont.inra.fr
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