4.6. L’alimentation de la personne âgée
p. 144-145
Texte intégral
1Le vieillissement rend la population très hétérogène. À âge équivalent les sujets peuvent être en bon état de santé et réussir leur vieillissement sans pathologie ni handicap, ou être fragiles moins actifs à risque de pathologies, ou bien malades, ou encore déjà dépendants ou en perte d’autonomie. L’évolution vers la fragilité n’est pas inéluctable et peut être inversée vers un état robuste. Les changements physiologiques avec l’avancée en âge peuvent retentir sur le statut nutritionnel : perte d’appétit, rassasiement précoce, diminution du goût. Réciproquement, l’alimentation joue un rôle sur pratiquement tous les facteurs de sénescence.
Mécanismes fondamentaux
2Stress oxydatif et statut inflammatoire sont les dénominateurs communs de nombreux processus de dégénérescence. La sarcopénie* (perte de masse et de force musculaire) est accélérée par tout processus pathologique, en particulier la dénutrition. La masse musculaire fera le pronostic chez un sujet âgé qui régule plus difficilement son poids corporel. Le risque majeur est d’être à la fois sarcopénique et obèse.
3L’obésité est un facteur de risque de mauvais vieillissement, à l’origine de morts prématurées et de diminution d’activité physique. L’IMC* favorable est cependant plus élevé chez les sujets âgés (23 à 27) et un poids similaire peut masquer une composition corporelle différente par fonte musculaire et augmentation parallèle de la masse grasse. La perte de poids délétère est toujours difficile à récupérer. C’est un signal d’alarme qui, hors pathologie sous-jacente, indique une dénutrition débutante. La sédentarité participe à la perte musculaire et osseuse contemporaine de l’avancée en âge et favorise les chutes. Il est nécessaire de maintenir une activité de 30 minutes par jour, sous toute forme d’exercice, si possible en plein air. Le jardinage est un marqueur significatif de vieillissement réussi.
Moyens d’action
Fig. 1 – Les conséquences de la dénutrition (d’après Ferry et al, 1992)
4On doit maintenir un état d’hydratation correct alors qu’il existe une diminution de la sensation de soif avec l’âge. Il faut aussi entretenir l’appétit, préserver le goût et donc lutter contre la dénutrition, notamment contre le manque d’hyperphagie compensatrice qui complique la nutrition en cas de pathologie. Favoriser « l’envie » de manger est un enjeu important. L’anorexie fait le lit de la dénutrition en diminuant les apports et l’hydratation par l’eau liée aux aliments. Elle est accrue par la diminution du goût, elle-même aggravée par la monotonie de l’alimentation. Une cause supplémentaire d’anorexie est la prise de médicaments. Lutter contre la dénutrition et ses conséquences (Figure 1) nécessite donc de relever le goût des plats et d’enrichir l’alimentation pour éviter l’ingestion de volumes importants du fait d’une satiété plus précoce.
5D’autre part, on doit conserver un poids stable. L’apport de protéines animales et végétales de bonne valeur aide à préserver la masse musculaire et la densité osseuse, donc à limiter la sarcopénie. Le rôle de l’environnement reste majeur. Il faut préserver les contacts sociaux et lutter contre la dépression. La solitude est en soi un facteur de risque de dénutrition. Enfin, la précarité financière joue un rôle sur le maintien d’une alimentation adaptée.
Comment équilibrer l’alimentation ?
6Les régimes restrictifs sont à proscrire au-delà de 70 ans. La perte de masse grasse s’accompagne d’une perte de masse maigre chez le sujet âgé. Les sucres « plaisir » peuvent être donnés à la fin du repas où ils n’augmentent pas brutalement la glycémie.
7L’apport des macronutriments est fonction de la dépense énergétique, environ 2 000 kcal/j chez un homme actif de 60 kg. L’énergie est apportée par les sucres dits lents, les graines et les féculents. Les lipides ne doivent pas être abusivement réduits. Les acides gras polyinsaturés* à longue chaîne ne suffisent pas à limiter le vieillissement mais leurs dérivés supérieurs (DHA* surtout et EPA*) sont considérés comme essentiels. Les lipides seraient même une clé de prédisposition à la longévité. Le cholestérol participe à la constitution des membranes cellulaires, notamment celles du système nerveux. Les protéines ont toutes un rôle et quelle que soit leur origine sont dissociées en acides aminés qui entrent dans un pool nécessaire à la survie. Si les apports alimentaires diminuent, il n’y a resynthèse de protéines indispensables qu’au détriment de certains tissus, notamment le muscle.
8En ce qui concerne les micronutriments, le déficit du statut et la fréquence des pathologies dégénératives sont associés au processus de vieillissement et seraient favorisés quand la production de radicaux libres dépasse les capacités de défense antioxydante de l’organisme. Le sujet âgé sain est comparable à l’adulte plus jeune, mais les déficits peuvent s’installer quand un changement apparaît (pathologies, médications, modifications du cadre de vie, etc.). L’absorption et la biodisponibilité des micronutriments sont modifiées par les pathologies chroniques et leurs traitements. Un apport alimentaire inférieur à 1500 Kcal/j entraîne un déficit en vitamines et minéraux. Toutefois les antioxydants peuvent devenir pro-oxydants quand ils sont employés à dose élevée ou inadaptée.
9Répondre aux besoins de la personne qui avance en âge est le meilleur moyen de l’aider à bien vieillir. L’absence de réserves mobilisables du sujet âgé impose qu’il consomme régulièrement les nutriments nécessaires, et maintienne un rythme régulier de repas pour faciliter la digestion et réguler la glycémie. Il n’est jamais trop tard pour bien faire et adopter de bons comportements, quel que soit l’âge, est toujours bénéfique.
Bibliographie
Références bibliographiques
• PNNS, Le guide Nutrition à partir de 55 ans.
• Martin A., Apports nutritionnels conseillés pour la population française, 3e édition, Tec & Doc, 2001.
• Ferry M. et al., « Techniques de la renutrition de la personne âgée et résultats attendus », Rev Gériat 1992 ; 17 : 564-8.
• Ferry M. et al., Nutrition de la personne âgée, 4e édition, Elsevier-Masson, 2012.
Auteur
Gériatre nutritionniste
Unité d’Épidémiologie
Nutritionnelle
Centre de Recherche en Nutrition Humaine d’Ile-de-France
Bobigny
m.ferry@uren.smbh.univ-paris13.fr
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2012