3.13. « Local food » : les circuits alimentaires courts et de proximité
p. 124-125
Texte intégral
1Longtemps marginalisés, voire décrédibilisés, les circuits alimentaires courts et de proximité, qui rapprochent producteurs et consommateurs d’une même région en réduisant le nombre d’intermédiaires, ont depuis quelques années le vent en poupe. Dans un contexte de crise structurelle, à la fois économique et sociale, ces formes de vente se diffusent au-delà des seuls militants, qu’ils soient producteurs, vendeurs ou consommateurs.
L’origine d’un renouveau
2Les circuits alimentaires courts et de proximité, tels que la vente à la ferme ou les marchés de plein vent, ont longtemps été considérés comme une activité résiduelle ou contestataire, face au modèle de marché dominant. Les peurs alimentaires de la fin des années 1990 leur ont donné une nouvelle dimension, en poussant un nombre croissant de consommateurs à rechercher plus de garanties dans la proximité et le lien direct avec les producteurs. Ce mouvement a encouragé le Ministère de l’Agriculture à construire en 2009 un plan d’action pour soutenir leur développement. Les « circuits courts » sont ainsi définis depuis cette date comme des « formes de vente mobilisant au plus un intermédiaire entre producteurs et consommateurs » : la distance géographique n’est pas prise en compte dans cette définition, mais l’attention est portée sur les circuits rapprochant les acteurs d’une même région, rejoignant ainsi l’intérêt international pour les « local food ». Une des premières actions du plan a été de favoriser la production de connaissances sur ces circuits, notamment à travers le Recensement Agricole de 2010.
Une diversité de circuits
Produits locaux sur un marché (crédit photo : Yuna Chiffoleau)
3Les circuits courts concernent aujourd’hui 1 exploitant sur 5 en France, avec des différences importantes entre filières et entre régions : les produits les plus vendus sont le miel, les fruits, les légumes et le vin ; le Sud-est et les DOM-TOM sont les régions les plus investies. La vente à la ferme et les marchés de plein vent sont les deux circuits courts les plus importants en chiffres d’affaires, suivis par la vente à des commerces de détail, alors que les medias communiquent plutôt sur les AMAP, associant par contrat un producteur et des consommateurs pour la livraison régulière de produits, et l’approvisionnement direct de la restauration collective, encore très minoritaire. Il reste difficile de saisir les formes hybrides (proposant des produits locaux et non locaux) et de suivre précisément les évolutions, face au foisonnement d’initiatives telles que les supermarchés de produits frais, les groupements d’achat de produits locaux ou bien encore les drives qui se mettent en place autour des villes pour permettre au consommateur de retirer une commande de produits fermiers passée à l’avance sur Internet.
Des impacts encore à évaluer
4Les impacts de ces circuits commencent à être mieux cernés. Il apparaît ainsi que les petits ateliers (en volume) peuvent être aussi rentables que des grands, et que les circuits courts rémunèrent en moyenne une main d’œuvre plus importante par hectare que les circuits longs. L’engagement des collectivités pour l’approvisionnement local de la restauration collective contribue par ailleurs à la structuration des filières locales, qui reste toutefois dépendante du maintien de petits ateliers de transformation à proximité.
5On sait d’autre part que 42 % des Français achètent régulièrement des produits en circuit court et que, même si cadres et retraités sont surreprésentés, jeunes et ouvriers sont de plus en plus nombreux à y recourir. Les freins à l’achat sont : la crainte de payer plus cher, alors qu’en moyenne les produits ne sont pas plus chers, à qualité équivalente, qu’en supermarché ; l’image, véhiculée par les media, de circuits pour « bobos » ; les difficultés d’accès aux circuits les plus avantageux. Les acheteurs, demandeurs de plus d’information et de garanties, soulignent l’intérêt de liens plus directs qui permettent de se rassurer mais aussi de mieux connaître les produits. Ces liens sont aussi essentiels pour les producteurs, qui trouvent par là une façon de valoriser leur métier ou, lorsqu’ils sont nouveaux venus, de s’insérer localement. Les circuits courts contribuent aussi à renouveler les liens entre les producteurs eux-mêmes, ce qui favorise des pratiques plus écologiques.
6Dans le domaine de l’environnement ou de la santé, néanmoins, les données restent partielles et controversées. Le taux de producteurs en agriculture biologique est plus élevé en circuit court qu’en circuit long (10 % contre 2 %), Toutefois, les circuits courts sont parfois critiqués pour leur impact environnemental, évalué à travers des analyses de cycle de vie, sur la base des dépenses en carburant imputables aux livraisons, même si d’autres indicateurs relatifs au maintien de la biodiversité ou à la réduction du gaspillage amènent à un bilan plus positif.
7Les connaissances sur les circuits courts et de proximité ont donc progressé mais restent à compléter dans la perspective d’un développement durable des filières et des territoires. S’ils contribuent à mettre en mouvement des territoires et ouvrent la voie à une démocratie alimentaire, en donnant aux citoyens la possibilité de participer à l’évolution des systèmes agricoles et alimentaires, ils peuvent aussi renforcer les concurrences locales, notamment entre producteurs et artisans, d’autant que ces derniers, lorsqu’ils s’engagent pour l’agriculture de proximité, restent peu reconnus.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Références bibliographiques
10.4000/economierurale.3694 :• Chiffoleau Y., « Circuits courts alimentaires, dynamiques relationnelles et lutte contre l’exclusion en agriculture », Économie rurale 2012 ; 332 : 88-101.
• Knezevik I., Landman K., Local food systems. International perspectives, Ontario Ministry of agriculture, 2013 : http://cehm.net/
• Maréchal G., Bien manger dans les territoires : les circuits courts alimentaires, Educagri, Dijon, 2008.
• Renting H. et al., « Building food democracy : exploring civic food networks and newly emerging forms of food citizenship », Int J Sociol Agric Food 2012 ; 19 : 289-307.
Auteurs
Sociologue
UMR « Innovation et Développement dans l’Agriculture et l’Alimentation »
INRA
Montpellier
yuna.chiffoleau@montpellier.inra.fr
Agronome, Chercheur en systèmes de culture
UMR « Sciences pour l’Action et le Développement : Activités, Produits, Territoires »
INRA
Thiverval-Grignon
jean-marc.meynard@grignon.inra.fr
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L'archéologie à découvert
Hommes, objets, espaces et temporalités
Sophie A. de Beaune et Henri-Paul Francfort (dir.)
2012