2.17. Les épices
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Texte intégral
1Les épices sont des plantes aromatiques utilisées pour parfumer les aliments. Dans les langues d’Europe occidentale, elles se distinguent des herbes aromatiques par le fait qu’elles sont importées, habituellement séchées et piquantes, alors que les herbes aromatiques sont produites localement, vendues fraîches et n’ont pas une saveur brûlante.
2L’usage des épices, en termes de quantités et de combinaisons entre produits, diffère considérablement entre les cuisines du monde et a évolué dans le temps. La nourriture indienne a été très transformée par l’introduction du piment d’Amérique, apporté par les Portugais au XVIe siècle. Auparavant, les assaisonnements indiens étaient plus âcres et poivrés mais moins brûlants qu’ils ne le sont aujourd’hui.
3Sur le long terme, le goût européen pour les épices a d’abord évolué d’un engouement à une sévère limitation. Depuis l’Empire romain, la nourriture des élites sociales européennes était caractérisée par l’usage substantiel d’un grand nombre d’épices différentes. Le tournant culinaire commencé en France au XVIIe siècle a réduit considérablement l’emploi des épices dans la cuisine. Les mets salés étant désormais séparés des mets sucrés, le sucre fut identifié au dessert et entraîna avec lui les épices (à l’exception du poivre). Ainsi, alors que la cannelle était employée par les recettes médiévales dans des sauces pour viandes et poissons, elle est réservée à la pâtisserie dans la plupart des livres de cuisine européens d’aujourd’hui.
4À la fin du Moyen Âge, les épices les plus populaires étaient le poivre, le safran, le gingembre et la cannelle. Les épices provenant d’Indonésie orientale – clou de girofle, noix muscade et macis – jouissaient d’un prestige particulier et coûtaient bien plus cher que le poivre. Beaucoup d’épices inconnues de la cuisine européenne actuelle étaient régulièrement mentionnées dans les recettes médiévales : le galanga (commun en Thaïlande et en Indochine), le poivre long (épice très forte venue d’Inde) et ce qu’on appelait alors la « graine de paradis » (une épice piquante originaire d’Afrique occidentale).
5Dans les dernières décennies, on a constaté un déplacement global des goûts occidentaux vers des saveurs plus éclectiques et plus épicées. Les parfums de l’Inde, du Mexique et du Moyen Âge sont désormais communs dans les villes européennes et pas simplement pour l’usage des communautés d’immigrants. Londres et New York sont bien connues pour accueillir une grande variété de cuisines importées et souvent épicées, alors que les traditions locales y sont faiblement représentées. Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, le passage, depuis les années 1960, d’un goût très fade à une prédilection pour toutes les sortes d’assaisonnements piquants a été particulièrement marqué. Dans la haute cuisine et presque partout en Europe, ce phénomène se traduit par la volonté de créer une « cuisine fusion »* avec les goûts asiatiques, terrain favori d’expérimentation depuis la Nouvelle Cuisine des années 1970.
Bibliographie
Référence bibliographique
• Freedman P., Out of the East : Spices and the Medieval Imagination, Yale University Press, New Haven, 2009.
Auteur
Historien du Moyen Âge
Yale University
New Haven
Connecticut, USA
paul.freedman@yale.edu
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