Précédent Suivant

2.10. Conserver par des méthodes traditionnelles : séchage, fumage, salage

p. 84-85


Texte intégral

1Les techniques de séchage, salage et fumage, qui peuvent se combiner, sont destinées à la conservation et au stockage de denrées en vue de différer leur consommation pour des questions d’ordre gustatif, pratique ou rituel : assurer l’alimentation en période critique, se déplacer (sociétés nomades), échanger.

2Le séchage constitue probablement la technique la plus ancienne et la plus pratiquée dans le monde. Poissons, viandes, céréales, végétaux, fruits, laitages font l’objet de ce type de conservation sèche soit à l’air libre, soit en local clos sous l’action de la chaleur.

Image

Fig. 1 – Viande séchée conservée sur un balcon d’appartement dans un quartier nord d’Oulan-Bator (photo Bianquis I, 2008)

Image

Fig. 2 – Fumage de viande au Njeguši, au Monténégro (photo Ralf Smallkaa)

3L’eau étant au centre des problèmes de conservation, l’homme, dans les milieux écologiques pourvoyeurs de sel, a découvert les vertus de ce dernier. La salaison consiste à recouvrir l’aliment de sel ou à l’immerger dans une préparation salée (saumurage). Dans un grand nombre de sociétés, l’utilisation du sel intervient plus dans les processus techniques que dans l’alimentation.

4Très tôt, peut-être dès la fin du Paléolithique supérieur, l’homme constate que la viande ou le poisson exposé à la fumée se conserve bien. La technique de la fumaison dépend du milieu (avoir à disposition du combustible ; pour cette raison, on la trouve très peu chez les Esquimaux), des saisons (on fait sécher et fumer en été et en automne dans les sociétés arctiques pour une consommation hivernale). Le boucanage, pratiqué notamment dans les Caraïbes, consiste à rôtir et fumer simultanément la viande déposée sur une claie (boucan).

5Outre le séchage, le salage ou le fumage, on trouve, selon les sociétés et les milieux, d’autres pratiques de conservation : congélation naturelle, torréfaction, ébullition, fermentation.

6L’anthropologue Marcel Mauss voyait dans la technique un « acte traditionnel efficace » et pointait la relation dialectique entre les techniques et le social. Les premières ne sont pas seulement une manière d’agir sur la matière, elles sont imbriquées dans le social et revêtent une fonction symbolique. Ceci est particulièrement vrai pour les sociétés dites traditionnelles dans lesquelles la plupart des membres sont concernés par l’activité technique.

7Ces techniques ne peuvent s’étudier sans évoquer la pratique du stockage et la consommation. Il faut différencier le stockage économique et le stockage social, le premier permettant de disposer de biens de manière différée, le second, destiné au partage, s’inscrivant dans une idéologie de la réciprocité. La consommation renvoie aussi à des classifications et à des hiérarchies différenciées. Ainsi, en Mongolie, les produits frais, perçus comme neufs, sont valorisés et offerts à ceux que l’on veut honorer. À l’inverse, les aliments séchés (usés par le temps) font l’objet d’une consommation familiale.

Bibliographie

Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.

Références bibliographiques

10.3917/dec.latou.1994.01 :

• Latour B., Lemonnier P., De la Préhistoire aux missiles balistiques. L’intelligence sociale des techniques, La Découverte, Paris, 1994.

• Leroi-Gourhan A., Milieu et techniques, Albin Michel, Paris, 1992.

• Ingold T., « The significance of storage in hunting societies », Les techniques de conservation des grains à long terme, Gast M. et al. éd. Éditions du CNRS, Paris, 1985 : 33-46.

Précédent Suivant

Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.