2.3. Les ressources marines : un enjeu pour l’alimentation
p. 67-68
Texte intégral
1Exploiter, produire et utiliser les ressources halieutiques pour répondre aux besoins alimentaires humains, qualitatifs et quantitatifs, tout en respectant les règles d’un développement durable, implique de nombreux facteurs et nécessite le concours de tous les acteurs sociaux et économiques ainsi qu’un investissement dans la recherche.
Produire la quantité nécessaire pour répondre aux besoins nutritionnels
2La population mondiale ne cesse d’augmenter (7,2 milliards en 2013) et la consommation de poisson par habitant a doublé en 50 ans : elle atteint aujourd’hui 18,6 kg (équivalent poids vif).
3Le premier enjeu est pour la pêche de conserver un niveau constant et la diversité des espèces. La production mondiale des pêches est stable depuis 20 ans à environ 90 millions tonnes/an (~80 Mt marine, en diminution, et ~10 Mt continentale, en augmentation). La majorité des stocks des 10 principales espèces pêchées (~30 % des captures marines mondiales) est pleinement exploitée sans possibilité d’accroissement de production, certains stocks étant même menacés (surcapacité des flottilles thonières). Toutefois, la mise en œuvre de plans efficaces devrait permettre d’augmenter ou de restaurer la production de stocks surexploités. C’est le cas par exemple de l’immersion de récifs artificiels* utilisés au Japon mais à un stade préliminaire en France. Cette simulation de zone rocheuse favorable à l’accroissement et à la protection de la ressource halieutique constitue une réponse aux pressions exercées par les activités humaines, dégradations environnementales et surpêche, en particulier dans les zones côtières. Les deux défis majeurs sont de lutter contre la pêche illicite par la traçabilité des produits de la pêche du « filet à l’assiette » et d’accéder à la ressource malgré l’augmentation du coût de l’énergie.
4Pour l’aquaculture, l’enjeu est d’accroître la production tout en respectant l’environnement. En 50 ans la production aquacole mondiale est passée d’un niveau négligeable à 70 millions de tonnes/an ; elle est majoritairement d’eau douce (~70 %) et essentiellement asiatique (89 %). L’aquaculture est consommatrice de farine et d’huile de poisson principalement issues de pêche minotière*, néanmoins en baisse régulière avec l’introduction de protéines végétales notamment.
Fig. 1 – Production aquacole mondiale d’espèces non nourries et d’espèces nourries
5La mariculture (aquaculture en eau de mer) est dépendante des conditions environnementales et demeure sensible aux maladies, qui ont causé récemment des pertes importantes.
6L’implantation des élevages s’est surtout faite dans des zones abritées et peu peuplées, mais dans un contexte d’expansion il convient d’éviter des conflits d’usage tout en minimisant l’impact environnemental. Deux solutions sont envisagées : des installations à terre en circuit fermé (avec recyclage des eaux) et des élevages offshore de type aquaculture multitrophique intégrée (AMTI) qui associent l’élevage de plusieurs espèces complémentaires (algues, mollusques, crustacés et poissons) et maximisent la productivité.
7Au regard de ces contraintes, positionner les élevages à une distance raisonnable des lieux de consommation et mettre sur le marché des produits sains constituent une gageure.
Utiliser les ressources afin de satisfaire la demande à des conditions et prix acceptables
8Les évolutions des préoccupations nutritionnelles, des comportements humains et du prix du poisson doivent conduire à modifier les pratiques.
Fig. 2 – Indice des prix du poisson de la FAO (2002-2004=100) (Source : Norwegian Seafood Council)
9Il faut d’abord réduire pertes et gaspillages. De nombreuses espèces halieutiques pêchées ne sont pas utilisées (captures accessoires, retraits, invendus) car méconnues ou peu prisées ; (ré)-apprendre aux consommateurs la diversité des espèces, leurs variations saisonnières et leurs modes de préparations, voire développer des circuits courts adaptés devrait contribuer à réduire ces déficits. D’autre part, la filière alimentaire marine est sujette à de nombreuses pertes dont les raisons diffèrent selon les territoires : dans les pays en développement elles sont surtout liées au stockage, aux difficultés de transport, à l’infestation par des insectes et dans les pays développés les rejets sont d’ordre normatif, qualitatif et sanitaire. L’utilisation des techniques existantes et innovantes (biopréservation*, atmosphère modifiée…) et la limitation des trajets entre les lieux de production et de consommation contribueront à réduire le développement des micro-organismes pathogènes et altérants, donc à réduire les rebuts. Parallèlement, la maximisation de la fraction consommable (la chair ne représente que 40 à 70 % du poids vif) par une autre mise en valeur des sous-produits que l’alimentation animale (en France 96 % des sous-produits sont transformés en farine et hachis) pourrait à terme réduire le coût des produits alimentaires.
10Il s’agit aussi de produire propre. Le traitement des effluents et la prise en compte du bilan carbone sont devenus incontournables pour les industries de transformation dont la pérennité est également liée au commerce international et aux régimes douaniers (le thon en particulier).
11Il faut également innover pour proposer des produits répondant aux besoins des consommateurs. Les produits de la mer bénéficient d’une bonne image (fraîcheur, santé) mais présentent de nombreux freins à l’achat (temps de préparation, arêtes, prix, manque de praticité) ; pour y remédier il faudra continuer à innover : poisson cru fermenté type saucisson sec, emballage intelligent, etc. En réponse à une demande croissante, le choix de nouvelles espèces aquacoles devra dépendre de leurs potentialités d’utilisation : durée de conservation, rendement de chair, consommation en cru ou cuit, modes de traitement, acceptation par le consommateur, qualité sensorielle. Par exemple l’élevage des mollusques bivalves pourrait être diversifié s’il était associé à une commercialisation sous forme décoquillée prête à préparer ou à consommer.
12Enfin, il convient d’utiliser et de valoriser les ressources végétales marines, en développant des ressources telles les algues pour des finalités alimentaires comme cela se pratique en Asie, mais aussi en mettant en avant leurs propriétés nutritionnelles (richesse en acides aminés essentiels, forte teneur en protéines).
Bibliographie
Références bibliographiques
• FAO, La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture, SOFIA, 2012.
• Les cahiers de FranceAgriMer /chiffres-clés / Pêche et aquaculture en France, 2013.
• http://www.spc.int/fame/doc/meetings/June2012_Fisheries_Meetings/Dans_le_poisson_tout_est_bon.pdf
• http://www.bibliomer.com/documents/fiches/Coproduits_vf.pdf
Auteurs
Ingénieur de recherche Qualité des produits de la mer
Unité « Biotechnologies et Ressources Marines »
IFREMER
Nantes
metienne@ifremer.fr
Biotechnologue marin
IDMER
Lorient
jpberge@idmer.com
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Sophie A. de Beaune et Henri-Paul Francfort (dir.)
2012