1.2. Bases physiologiques de la satiété et de la digestion
p. 23-24
Texte intégral
La satiété
1L’arrêt de l’ingestion est lié à l’installation d’une sensation de satiété. Il ne faut pas confondre la satiété qui est l’état atteint lorsqu’on est rassasié, du rassasiement, processus qui conduit progressivement à cet état. L’arrêt du repas est le résultat de signaux biologiques qui sont dépendants en grande partie des qualités physiques et biochimiques des aliments ingérés. Ces qualités se traduisent sous forme de signaux provenant de la périphérie, intégrés au niveau de réseaux cérébraux complexes, eux-mêmes sous la dépendance des fluctuations d’activité d’autres tissus, comme le tissu adipeux ou le foie, qui modulent la prise alimentaire sur le long terme. Ces signaux proviennent principalement du tractus gastro-intestinal et sont d’origines diverses : mécanique, chimique, métabolique et endocrinien*.
2Les signaux d’origine gastrique ou intestinaux sont principalement de deux ordres. Les signaux mécaniques résultant de la distension de l’estomac, détectés par des mécanorécepteurs qui via le nerf vague vont informer une zone du cerveau, le noyau du tractus solitaire au niveau du tronc cérébral.
3Les signaux métaboliques ou endocrines sont induits par l’arrivée des aliments dans le tube digestif. Parmi les premiers on peut citer le glucose et les acides aminés qui sont absorbés puis diffusent dans des capillaires sanguins qui les déversent dans la veine porte irriguant le foie ; de là ils gagnent la circulation générale. Le foie est donc un premier lieu de détection de ces métabolites et envoie des signaux de satiété via le nerf vague. Le tractus gastro-intestinal est un organe endocrine en particulier au niveau de l’estomac et l’intestin qui sécrète de nombreuses molécules principalement peptidiques*. Plusieurs d’entre elles sont stimulées par le contenu intestinal, donc la nature du nutriment, et interagissent avec des récepteurs intervenant dans la sensation de satiété. Les signaux engendrés passent par deux voies, localement en agissant sur des récepteurs se trouvant sur les terminaisons du nerf vague ou en atteignant par voie sanguine des neurones situés au niveau cérébral, principalement le tronc cérébral et l’hypothalamus.
Fig. 1 – Relations tractus digestif-cerveau. Des signaux provenant de l’estomac et de l’intestin agissent au niveau cérébral pour induire l’état de satiété. Ces signaux sont d’origine mécanique (distension gastrique), métabolique (glucose, acides aminés) provenant de la digestion, hormonaux (leptine) ou peptidiques (CCK : cholecystokinine, PYY : peptide YY, GLP1 : glucagon-like peptide 1, AAmyline, ApoA-IV : apolipoprotéine IV etc…). La détection se fait soit au niveau du tractus lui-même et est relayée au cerveau par le nerf vague qui projette principalement au niveau du tronc cérébral (NTS : noyau du tractus solitaire), soit au niveau du foie et de certaines aires hypothalamiques (Hypo) en passant par la circulation sanguine
4Le premier est le lieu de convergence des signaux d’origine nerveuse provenant de la périphérie : les signaux satiétogènes véhiculés par le nerf vague mais également des signaux sensoriels gustatifs par exemple et ceux provenant des métabolites.
5L’hypothalamus est une structure située à la base du cerveau, composée de différents aires ou noyaux, tous impliqués dans le contrôle de la prise alimentaire. C’est la région principale pour l’intégration des signaux métaboliques et hormonaux impliqués dans la régulation de l’homéostasie* énergétique. Deux populations de neurones orexigéniques et anorexigéniques (respectivement favorisant et défavorisant la prise alimentaire), situées dans le noyau arqué, répondent à ces signaux provenant de la périphérie de manière opposée. Ces neurones envoient des projections au niveau du noyau paraventriculaire qui lui-même projette vers le tronc cérébral pour réguler la taille du repas.
6Enfin un autre réseau neuronal joue un rôle important : le circuit de la récompense, impliqué dans la motivation ou non à consommer. Ce circuit reçoit lui aussi des influences directes de signaux métaboliques et hormonaux et son activité est également sous la dépendance de l’hypothalamus.
La digestion
7Pendant que le tube digestif envoie des signaux neuroendocrines au cerveau pour induire la satiété, il commence à digérer les aliments, c’est dire à les transformer en nutriments assimilables, sous l’action de systèmes enzymatiques complexes, essentiellement régulés par les aliments eux-mêmes.
8La digestion est sous la dépendance de trois étapes clé. Tout d’abord, l’estomac stocke le repas, le réduit en fines particules et le laisse entrer progressivement dans l’intestin grêle. La vitesse d’évacuation gastrique d’un repas dépend de ses propriétés physiques (volume, osmolarité, viscosité) et des aliments ayant franchi le pylore (sphincter séparant l’estomac de l’intestin grêle). Ces derniers, notamment les lipides, vont stimuler des récepteurs de l’intestin grêle proximal qui, par un réflexe empruntant le nerf vague, vont réduire la force des contractions de l’estomac et ainsi ralentir sa vidange. Deuxième étape, l’intestin grêle est le siège de l’absorption des nutriments. Celle-ci est optimisée par des contractions parfaitement coordonnées dans le temps et dans l’espace. Le paramètre essentiel favorisant l’absorption des nutriments n’est pas le temps de contact entre le contenu et la muqueuse intestinale, mais la surface de contact. Ainsi, des contractions puissantes propulsant le contenu sur plusieurs centimètres ou mètres seront associées à une absorption maximale, alors que celle-ci est quasi nulle en l’absence de contractions. Troisième étape, le côlon a pour fonction essentielle de réabsorber la quasi-totalité des deux litres d’eau qu’il reçoit quotidiennement de la part de l’intestin grêle. Ses capacités peuvent atteindre 5 à 6 litres et ce n’est qu’au-delà de cette limite qu’apparait la diarrhée. La deuxième fonction du côlon est de digérer les fibres alimentaires*, essentiellement la cellulose, car l’enzyme nécessaire (béta-1,4 glucosidase) n’est pas produite de façon endogène par les animaux. Seules les bactéries (environ mille milliards habitent le côlon) en sont dotées.
9L’axe tractus gastro-intestinal cerveau est donc un des acteurs essentiel dans la régulation des mécanismes de satiété mais également, de manière plus générale, des mécanismes de digestion et d’absorption.
Bibliographie
Références bibliographiques
• Pénicaud L., « Contrôle neurohormonal de l’appétit et de la satiété », Médecine Clinique, endocrinologie et diabète, 2005 ; 17 : 25-29.
• Leturque A., Brot-Laroche E., Facteurs intestinaux. Traité de médecine et de chirurgie de l’obésité, Basdevant A. éd., Lavoisier, Paris, 2011 : 166-169.
Auteurs
Neurobiologiste
UMR « Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation »
CNRS-INRA-Université de Bourgogne
Dijon
luc.penicaud@u-bourgogne.fr
Physiologiste du tube digestif
Département « Alimentation Humaine »
INRA
Toulouse
jean.fioramonti@toulouse.inra.fr
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2012