Discussion
p. 170-172
Texte intégral
Nouvelles approches de l’anthropisation
L. Chaix :
1Est-il possible de faire la part des apports, dans les os d’oiseaux, par les rapaces et par l’homme ?
P. Vilette
2Pour les gisements néolithiques, en fait c’est assez difficile de le faire. Pour ma part j’ai surtout travaillé sur les gisements du Paléolithique supérieur où là, je pense que l’on peut arriver à distinguer le matériel qui est apporté par l’homme, à partir des représentations différentielles des ossements tout à fait particulières et typiques, que l’on ne retrouve jamais dans les cas d’apports naturels. Il y a des stries de décarnisation. Pour le Néolithique on ne peut pas faire la distinction ; il peut y avoir les deux apports bien que je ne pense pas qu’il y ait eu vraiment beaucoup d’apport d’oiseaux par l’homme. On trouve essentiellement beaucoup de petite avifaune, sans doute apportée par des rapaces et puis un peu de grosse faune sans doute introduite par l’homme, mais je pense que c’est relativement rare.
A. Colomer
3Je me demande quel est l’intérêt de l’avifaune pour établir la paléoclimatologie. En effet, il y a le problème des oiseaux migrateurs qui sont seulement de passage dans les régions étudiées. Par exemple à Montpellier, l’hiver, on voit parfois le tichodrome échelette qui niche dans les falaises du pic St Loup à 18 km au Nord de Montpellier et qui est un oiseau de montagne. L’hiver il arrive d’attraper des limineaux qui sont mazoutés sur les plages de la Méditerranée. Alors la part des choses, comment la faites-vous ?
P. Vilette
4Pour classer les espèces dans les différentes catégories climato-écologiques j’ai tenu compte du fait qu’elles sont soit migratrices, soit sédentaires. Quand elles sont sédentaires, il n’y a pas de problème. Quand elles sont migratrices, je me suis servi de ce que j’ai appelé des espèces indicatrices. Si une espèce par exemple vit dans les forêts boréales en été, et ensuite migre dans une autre région en hiver, je considère que si je trouve en même temps dans le gisement des espèces de la forêt boréale qui sont sédentaires, il y a de fortes chances pour que l’espèce migratrice indique également la forêt boréale et non pas la zone d’hivernage. D’autre part il faut savoir également qu’il y a beaucoup d’espèces qui nichent dans des régions très septentrionales et qui migrent, pour aller hiverner par exemple en Afrique. On ne risque donc pas de trouver le climat d’hivernage. Il y a aussi la possibilité qu’un oiseau soit mort au cours de son transit, mais la probabilité d’avoir affaire à un oiseau mort au cours d’une migration est relativement faible et l’on ne peut pas en tenir compte.
J.-L. Vernet
5Je voudrais faire une remarque justement concernant les rongeurs et l’avifaune. Alors, en ce qui concerne les rongeurs, on savait déjà depuis les travaux de Chaline quel intérêt pouvaient apporter ces espèces dans l’étude de l’environnement. Mais, alors là les exemples que vous avez apportés concernant justement les gisements de l’Abeurador et de Font-Juvénal en particulier sont extrêmement caractéristiques. Il est tout à fait remarquable de voir la coïncidence que l’on a justement par les indications apportées par les rongeurs et les explications apportées par l’analyse anthracologique. Par exemple, à Font-Juvénal, et là on a d’abord une forêt de type mésolithique tout à fait caractéristique avec pins sylvestres ; ensuite vous donnez des indications sur les niveaux 4 et 3 qui sont donc du Néolithique et apparemment ce Néolithique est du Néolithique antérieur à l’anthropisation, mais on commence déjà à voir un certain nombre de caractéristiques comme le buis. En ce qui concerne les oiseaux, le parallélisme existe également. Par contre il y a quelque chose d’intéressant entre la Provence et le Languedoc. Qu’il y ait au Drias III des oiseaux froids qui persistent, tout ça paraît normal, car que ce soit en Provence ou en Languedoc c’est la même chose en ce qui concerne les espèces végétales. Par contre, en Provence, dès le début du Post-Glaciaire, on assiste au démarrage rapide du pin d’Alep et les espèces froides, en particulier le pin sylvestre, disparaissent, alors qu’en Languedoc il n’y a pas de pin d’Alep et par contre le pin sylvestre peut persister assez longtemps ; on le trouve d’ailleurs sur le rebord cévenol, assez loin dans le Néolithique. Et on a l’impression que les oiseaux suivent les espèces végétales, ce qui paraît normal.
G. Camps
6Je voudrais revenir sur la communication de M. André au sujet des gastéropodes. Pour quelqu’un qui a travaillé en Afrique du Nord nous sourions quand nous voyons ces quantités de coquilles dans ce que l’on appelle les couches à escargots. Dans vos niveaux mésolithiques, vous en avez quelques centaines alors que là-bas, bien entendu dans les escargotières, c’est par millions que les individus se comptent. Les problèmes concernant l’alimentation et la manière de consommer ces escargots se sont posées là-bas également et je me permets de rappeler que notre collègue, le regretté Jean Morel, avait tenté de mesurer ce que représentait l’apport des escargots dans l’alimentation des capsiens. Malgré la quantité considérable de coquilles, cela ne représentait finalement qu’une part infime étant donné la pauvreté en calories de la chair d’escargot. Mais surtout, ce qui a attiré son attention, c’était le problème de la cuisson possible de ces mollusques. Il est certain que les coquilles portant des traces de feu, donc ayant été soit sur des pierres brûlantes soit en contact de foyers, ne sont qu’en quantités infimes, puisqu’elles représentent 3 % dans l’escargotière de Dra Mta el Ma el Abiod, c’est-à-dire à peu près l’équivalent des silex brûlés dans le gisement qui étaient de 2,90 %. On ne peut pas consommer les escargots à l’état frais sans briser la coquille : il est certain qu’il y avait cuisson en forme de bouillon, et même dans des civilisations qui ne connaissent pas la céramique, donc vraisemblablement dans des poches de cuir, à proximité des foyers.
J. André
7Effectivement au départ on opposait, lorsqu’on voyait des traces de brûlure, coquille cuite/coquille non cuite, mais en fait l’expérimentation sur une cuisson de 200° a montré que l’on ne peut pas trouver de différences entre des coquilles qui auraient vieilli naturellement et des coquilles cuites ; donc rejetons ces cas de coquilles brûlées qui sont des accidents et convenons que la question reste posée.
J. Oller
8Je ferai un commentaire au sujet de l’intervention de M. Gonzalez Tablas. Il a dit qu’à la grotte de Nerja on ne trouvait pas de céramique cardiale, le mollusque Cerastoderma edule étant absent (or la présence de Cerastoderma edule n’implique pas l’existence d’une céramique cardiale). Notamment à la Cova Fosca, à 1 000m d’altitude et à 60 km de la côte, la coquille de Cerastoderma edule est présente, mais la céramique cardiale y est très rare.
F.-J. Gonzalez Tablas
9A ce sujet deux cas se présentent : soit la coquille de Cerastoderma edule est présente, et l’on ne trouve pas de poterie décorée, cette dernière ne correspondant pas à la culture de l’époque. Soit la coquille de ce mollusque est absente et, à cause de cette impossibilité que je qualifierai de matérielle, on ne trouve pas non plus de décoration cardiale.
C. Bouville
10Il existe un procédé pour faire sortir les escargots de leur coquille, sans faire cuire la coquille. Il suffit simplement de les noyer. D’autre part pour en revenir à la valeur alimentaire des escargots, toutes les tables alimentaires que j’ai pu consulter concernant leur valeur alimentaire montrent qu’il n’y a aucune vitamine dans les escargots, ce qui fait que les pauvres capsiens s’ils n’avaient mangé que des escargots auraient commencé par perdre les dents, puis les cheveux, etc.
J. Estevez
11Tout gisement archéologique par sa définition même est un gisement anthropogénique, donc la reconstruction de l’environnement avec des éléments fournis par ces gisements archéologiques est toujours hypothétique, souvent discutable. L’intervention humaine dans ces gisements et dans leur environnement, devenant de plus en plus marquée, cette intervention humaine sera plus immédiate auprès de l’habitat que l’on étudie. Si nous faisons la reconstitution de l’environnement avec les seules données que nous fournissent les gisements archéologiques, il faudra beaucoup pondérer. On a vu les limites de la palynologie, de l’anthracologie ; on a les mêmes problèmes avec l’avifaune puisque l’on sait bien que les oiseaux des espaces découverts sont plus facilement chassables que des oiseaux de bois. Le rayon de la reconstitution autour du gisement varie beaucoup. Ainsi on peut obtenir parfois des reconstitutions de grands espaces découverts qui reflètent seulement un environnement très petit autour du gisement. On a fait des essais modernes sur la représentation des microfaunes. On doit donc s’orienter vers plusieurs reconstitutions de l’environnement et les comparer les unes avec les autres. Le recours à des gisements non anthropogéniques pour comparaison est souhaitable.
R. Buxo
12M. Marquet, sur le diagramme des distributions de Font-Juvénal, vous avez remarqué qu’il y avait homogénéité des niveaux 17 à 4, fait confirmé par J.-L. Vernet dans l’analyse anthracologique. Mais au niveau 3 il y a une rupture. Mais avez-vous un nombre d’individus significatif ?
J.-C. Marquet
13Ce que vous faites remarquer concerne la couche 3 où il y a un très petit nombre d’individus. Il y a 12 individus dans la couche 3 alors que effectivement dans d’autres couches on va jusqu’à 169 individus. Si j’ai quand même fait une limite entre la couche 4 et la couche 3 c’est à cause de la présence du campagnol des champs qui apparaît dans cette couche-là, alors qu’il est absolument absent de tout le reste du remplissage. Il y a donc une rupture, mais ce changement n’est pas suffisant pour affirmer qu’il y a une rupture dans l’évolution des cortèges de rongeurs dans le remplissage. Dans les couches sus-jacentes, dans la couche 2b, dans la couche 2a, dans la couche 1, on retrouve à nouveau le campagnol des champs. Il est donc vrai que dans la couche 3 il y a un petit nombre d’individus, mais l’apparition du campagnol des champs, si on ne le retrouve pas dans la couche 2c, on le retrouve ensuite jusqu’au sommet du remplissage. Et puis il n’y a pas que ça ; les espèces forestières tempérées, à partir de la couche 3, deviennent vraiment prépondérantes par rapport aux espèces méditerranéennes, c’est-à-dire aux espèces typiques de la garrigue qui, à partir de la couche 3, deviennent très peu nombreuses. C’est plutôt une série de petits ensembles d’éléments, plutôt qu’un élément tout seul, qui permet de faire cette coupure.
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