18. Adaptation des populations aux conditions extrêmes liées à l'eau
p. 282-283
Texte intégral
1Les événements extrêmes* (inondations et sécheresses) ressentis, perçus et/ou subis par les populations, ont nettement évolué au cours du temps. D’abord purement individuelles, les réactions sont, peu à peu, devenues de plus en plus collectives, car les sociétés humaines se sont organisées. Par ailleurs, la mobilisation des services de l’État, de la société civile et des collectivités territoriales est de plus en plus forte. Cette implication est modulée par la richesse relative des communes : une zone riche pourra faire face à ces risques plus aisément qu’une zone plus pauvre. Ces catastrophes naturelles révèlent aussi l’extrême fragilité de certaines classes populaires.
Adaptation face aux inondations
2Avec le changement climatique accentué par les actions anthropiques, les modèles actuels prédisent davantage de précipitations très intenses et plus fréquentes dans certaines contrées, ayant pour conséquences des inondations dramatiques. La perception et les adaptations des acteurs touchés sont différentes selon les territoires, les zones rurales ou urbaines et la capacité des élus et services territoriaux à mettre en place des stratégies de prévention et d’information.
3Dans les pays développés, les individus apprennent les gestes pour se mettre en sécurité grâce aux informations fournies par les médias ; et des mesures sont mises en place pour la remise en état du logement sinistré, afin d’être habitable le plus tôt possible. Pour les collectivités, cela dépend des capacités des services à anticiper la situation. Celles ayant déjà subi des inondations sont devenues efficaces ; elles s’organisent avec plus de proximité avec les inondés et travaillent avec les services de l’État pour déclencher la vigilance et l’évacuation des populations touchées. Des outils sont mis en place au niveau national, régional et local : Plan de Prévention des Risques et d’Inondations (PPRI), Atlas des Zones Inondables (AZI), Plans communaux de Sauvegarde (PCS)… Mais, la grande majorité des habitants des zones inondables sous-estime ou nie le risque. Les émotions négatives associées aux inondations, le sentiment d’attachement au domicile, à la région et la localisation des maisons par rapport aux cours d’eau sont d’autres facteurs qui peuvent impacter l’interprétation du risque et les comportements adoptés. Cependant, les personnes les mieux informées démontrent une perception du risque accrue et mettent davantage en place des mesures préventives. Les associations jouent un rôle important de proximité par le soutien, l’information et la mémoire. Dans les pays émergents ou en développement, les inondations touchent surtout des populations pauvres et causent des centaines de morts, car la réactivité est lente. Les inondés ont le sentiment d’être marginalisés, peu informés et peu soutenus financièrement (figure 1).
Fig. 1 – Inondation de la ville côtière de Puning, dans le sud de la Chine, 29 novembre 2013. © Adrien
Adaptation des populations face à la sécheresse
4Les sécheresses sont également fréquentes et frappent tous les continents, surtout l'Afrique. L'ONU insiste sur l'importance d'investir dans des mesures pour renforcer la résilience* climatique des pays, car le coût d'adaptation est très cher. Leurs conséquences sont surtout observées dans le domaine de l’agriculture et pour la sécurité alimentaire. Dans les régions arides, le système d’irrigation goutte à goutte est utilisé et d’anciens systèmes sont réhabilités, tels que les qanats en Chine et en Iran (puits reliés à une galerie de drainage pour apporter l’eau vers des citernes), les foggaras en Algérie ou les khettaras au Maroc (galeries souterraines qui conduisent l’eau par effet de gravité depuis les piémonts, cf. IV. 3). Dans le nord-est du Brésil, le syndicat paysan œuvre pour l’opération Un million de citernes, afin de récupérer les eaux de pluie (figure 2) et de permettre aux producteurs de cultiver toute l'année, pour pallier le manque d’eau et les convertir à l'agroécologie, évitant ainsi les migrations des familles. La Tunisie, quant à elle, parvient à assurer l’accès à l’eau potable des populations urbaines et rurales, malgré les ressources limitées et inégalement réparties sur le territoire. Les habitants de Sfax se sont adaptés à sa rareté et se sont dotés de majels, réservoirs creusés en sous-sol des édifices pour la récupération des eaux de pluie. Avec l’étalement urbain, la ville a dû s’alimenter par une nouvelle adduction* de transfert de l'eau sur près de 200 km depuis le nord du pays. Dans le nord du Cameroun, la perception et les réponses individuelles et collectives des populations face aux sécheresses ont été évaluées dans des communes pilotes (projet GIZ, 2010). Les populations dépendent fortement de l’agriculture et de l’élevage et les conditions extrêmes entraînent la perte des cultures et des semences, la dégradation des terres cultivables, la baisse des rendements et donc l’insécurité alimentaire et les conflits avec les éleveurs pour l’accès à l’eau. Pour pallier l’augmentation de la pauvreté, l’endettement et les migrations, les populations s’adaptent et construisent des terrasses, cordons pierreux et biefs pour retenir l’eau. Elles irriguent par anticipation, utilisent des semences améliorées, variétés à cycle court, comme au Niger, et diversifient leurs sources de revenus. Les éleveurs, quant à eux, construisent des points d’eau, s’organisent pour conserver du foin pour la période de soudure et tentent l’exploitation d’espèces fourragères jusqu’ici délaissées. Par ailleurs, les forestiers pratiquent la mise en défens et les mesures de restriction des prélèvements, avec l’appui des autorités traditionnelles.
Fig. 2 – Citerne de récupération de l’eau de pluie (pour le potager). Nord-est du Brésil, avril 2008. © Y. Djellouli
5Dans les territoires alpins, régions habituellement humides, la recrudescence des sécheresses est significative et a des impacts sur les activités d'élevage et forestières. Les éleveurs anticipent pour assurer l'alimentation de leurs troupeaux toute l'année et les forestiers s'interrogent sur une nouvelle gestion (substitutions d'essences, nouvelles filières…). En alpage, de nouvelles problématiques émergent autour de la place de l'arbre pour préserver la ressource pastorale, d’où la nécessité de gérer les territoires de façon concertée. Dans tous les cas, les mesures d’adaptation apportent des solutions concrètes et améliorent significativement la capacité de survie des populations concernées.
Bibliographie
Références bibliographiques
• A. BENNASR et E. VERDEIL – Gestion publique de l’eau potable, développement urbain durable et Majels (citernes d’eau pour l’eau de pluie) à Sfax en Tunisie, Métropolis-Flux, 2,2009.
• B. FISCHHOFF, P. SLOVIC, S. LICHTENSTEIN, S. READ et B. COMBS – How Safe Is Enough? A Psychometric Study of Attitudes Towards Technological Risks and Benefits, Policy Sciences, 9, 1978.
• S. LAVOREL – Adaptation des territoires alpins à la recrudescence des sécheresses dans un contexte de changement global (SECALP), Rapport 15.12.2011, 2011.
Auteur
Écologue et géographe, Professeure à l’Université du Maine, ESO, Le Mans, p. 282.
yamna.djellouli@univ-lemans.fr
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2012