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10. L’empreinte eau

p. 266-267


Texte intégral

1L’empreinte eau fait partie de la famille des empreintes environnementales, dont le rôle est de permettre de quantifier la pression qu’exercent les sociétés humaines sur l’environnement. La plus connue et la plus répandue de ces empreintes est probablement l’empreinte carbone. Celle-ci fournit le potentiel de réchauffement climatique causé par les différents gaz (CO2, méthane…) qui sont émis par une activité ou par le cycle de vie complet d’un produit, soit de sa conception jusqu’à sa fin de vie.

2Ainsi, pour comprendre l’empreinte eau, il faut d’abord explorer le concept du cycle de vie des activités concernées, qu’il s’agisse de la fabrication d’un produit ou encore d’un grand projet de développement, et de toute la problématique liée à l’utilisation de l’eau qui y sera nécessaire, tant d’un point de vue de la quantité que de sa qualité.

Cycle de vie d’un produit et empreinte eau

3Le cycle de vie d’un produit (ou d’un service ou d’une organisation) comprend toutes les étapes du « berceau au tombeau » : acquisition des ressources, fabrication, emballage, distribution, utilisation et fin de vie (figure 1). À chacune de ces étapes, des ressources sont prélevées et des substances sont émises, ce qui cause des impacts négatifs sur l’environnement. Le procédé d’évaluation et de compilation de tous ces impacts environnementaux pour un même produit, s’appelle une « analyse du cycle de vie ». Une analyse qui porte seulement sur la problématique du réchauffement climatique est une « empreinte carbone », alors qu’une analyse portant sur la problématique de l’eau, est une « empreinte eau ».

4Le concept de l’empreinte eau a d’abord été introduit en 1998 par Tony Allan, sous le terme d’» eau virtuelle* ». Cette mesure, ensuite reprise par Arjen Hoekstra sous la forme « water footprint » en 2008, additionne les volumes d’eau nécessaires à la fabrication d’un produit, indépendamment du type d’eau (eau de pluie, eau de surface…) ou de l’endroit où elle est consommée. Le concept a ensuite évolué et est désormais encadré par une norme ISO (14046 : 2014), qui définit l’empreinte eau comme une métrique décrivant les impacts sur la ressource associés à un produit, service ou organisation.

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Fig. 1 – L’approche cycle de vie prend en compte toutes les étapes de la vie d’un produit ou d’un service, afin de comptabiliser ses impacts globaux sur l’environnement. © CIRAIG

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Fig. 2 – Les volumes d’eau entrants et sortants, ainsi que les émissions de polluants sont comptabilisés dans une empreinte eau pour évaluer leurs impacts sur la disponibilité de la ressource et sur sa qualité, qui affectent la santé humaine, la qualité des écosystèmes et la disponibilité de la ressource pour les générations futures. © Quantis

Impacts environnementaux

5L’eau est une ressource renouvelable qui ne disparaît pas. Cependant, ses fonctions sont directement liées à sa disponibilité géographique, temporelle, ainsi qu’à sa qualité (figure 2). Alors qu’une baisse de disponibilité d’eau à un moment et à un endroit donné peut affecter les écosystèmes aquatiques et les populations humaines vulnérables, la pollution de l’eau peut, elle aussi, affecter la vie aquatique et la santé humaine et être causée par des rejets de polluants dans les sols, dans l’air ou dans l’eau (cf. V.4). L’acidification* aquatique, par exemple, est causée en grande partie par des rejets de substances acidifiantes issues des procédés de combustions, tels que les oxydes d’azotes (NOx), les oxydes de soufre (SOx) et l’ammonium (NH3), qui retombent en pluie acide. D’autre part, utiliser de l’eau dans une région humide ou une région aride n’aura pas les mêmes conséquences sur le changement de disponibilité de la ressource, et il est donc important de considérer le contexte géographique. Il existe donc, selon la norme ISO 14046, plusieurs types d’empreinte eau, selon la/ les sous-problématique(s) adressée(s) : « empreinte de rareté d’eau », ou « empreinte de dégradation de l’eau »…

6Un indice de rareté d’eau décrit la compétition locale pour la ressource et, donc, le potentiel de priver un autre utilisateur (humain ou environnemental) d’eau. Il est défini comme la « mesure de la différence entre la demande en eau et le réapprovisionnement en eau dans une zone donnée, par exemple un bassin versant » (ISO 14046). Afin d’évaluer l’empreinte d’un produit sur la rareté d’eau, il faut compiler les volumes d’eau nécessaires au cours du cycle de vie d’un produit et les multiplier par un indice régional de rareté d’eau avant de pouvoir les additionner pour obtenir la valeur totale de l’empreinte de rareté d’eau.

7Enfin, les rejets de polluants qui aboutissent dans l’eau peuvent affecter la santé humaine (si l’eau est ingérée par exemple) ou la qualité des écosystèmes. Ces impacts s’évaluent par des modèles qui quantifient différents types de chaînes cause-à-effet, dont l’eutrophisation*, l’écotoxicité et l’acidification*, qui peuvent résulter en une perte d’espèces au niveau local.

Pourquoi une empreinte eau ?

8L’empreinte eau sert à évaluer la performance d’un produit (ou d’un service, une organisation, un territoire…) par rapport à son impact sur la ressource eau. Plus une empreinte eau est élevée, plus l’impact sur la ressource eau est important. Une empreinte eau, à elle seule, ne permet pas d’établir la supériorité environnementale d’une option par rapport à une autre, mais elle permet de choisir une option qui minimise les impacts sur l’eau, ou encore d’améliorer la performance d’un produit par rapport à l’eau en identifiant les points chauds où il est le plus pertinent d’agir. Lorsque l’empreinte eau est effectuée dans le cadre d’une empreinte environnementale complète, cette dernière peut fournir une information permettant de guider le consommateur vers un choix plus écologique.

Bibliographie

Références bibliographiques

• O. JOLLIET, M. SAADÉ et P. CRETTAZ – Analyse du Cycle de Vie. Comprendre et réaliser un écobilan, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 2005.

• J. ALLAN – Virtual Water: a Strategic Resource, Global Solutions to Regional Deficits, Ground Water, vol. 36, n° 4, 1998.

• A. BOULAY, A. Y. HOEKSTRA et S. VIONNET – Complementarities of Water-Focused Life Cycle Assessment and Water Footprint Assessment, Environ. Sci. Technol., vol. 47, n° 21, 2013.

• ISO 14046 – Water Footprint – Principles, Requirements and Guidelines, 2014.

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